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Abdul Ghaffar Khan, une « chemise rouge » au service des Hommes 3/3

Abdul Ghaffar Khan aux côtés du Mahatma Gandhi.

Dernière partie de notre dossier consacré aux figures islamiques contemporaines de la non-violence. Largement méconnu du public, Abdul Ghaffar Khan a été l’un des leviers de la non-violence en Inde puis au Pakistan, ce qui lui vaudra des années de prison. Ami de Gandhi, fondateur d’un réseau d’écoles pashtounes et militant pacifique, il laisse un héritage intellectuel et moral particulièrement inspirant. Le focus de Aida Abida.  

Abdul Ghaffar Khan est un émule de Gandhi. Il est né à Hastnagar en Inde, vers 1890. Il faisait partie de la famille Mohammadzai, une dynastie pachtoune. Nationaliste, il s’est fait connaître par son opposition non-violente à la domination britannique dans le sous-continent indien. Homme politique nationaliste, pacifiste et musulman fervent, Abdul Ghaffar Khan comprit très tôt que la culture tribale des guerriers pathans basée sur la violence était autodestructrice à long terme. Dans cet esprit, il va se consacrer à l’éducation populaire tout en s’inspirant des enseignements pacifiques du Messager d’Allah, Muhammad (PBDSL), pour promouvoir des moyens de lutte non violents contre l’empire britannique. Guerrier pacifique, Abdul Ghaffar Khan s’est battu pour la liberté et l’indépendance de l’Inde. Mais son immense contribution fut d’œuvrer pour changer les mentalités et impulser des réformes sociales et culturelles dans sa société. Il était ainsi convaincu que « les Pachtounes devaient aller à l’école pour apprendre, et qu’ils devaient le faire dans leur propre langue ».

Volontariat et code de l’honneur chez les Khudai Khidmatgars

En 1910, Abdul Ghaffar Khan n’a que 20 ans et il a déjà à son actif la construction d’une école près d’Utmanzai dans la région nord-ouest de ce qui deviendra le Pakistan. Il développera un réseau d’écoles et d’enseignement pour les pachtounes. Il a fondé aussi l’« Anjuman-e islah ul Afghana », association afghane de la réforme et publia le magazine Pashtoon pour se faire entendre des masses sous domination britannique. « Sa vie, nous dit Marie Lise Poirier, sera alors entrecoupée de périodes de liberté pendant lesquelles il ne renoncera jamais à sa cause, celle de servir Allah en instruisant son peuple, et en tentant d’endiguer la violence profondément ancrée dans les mentalités. » Lui-même continue sans cesse à se former, profitant de la détention en prison pour étudier le Coran. En 1928, il rencontre Gandhi. Les deux hommes deviennent aussitôt amis.

Le code des Khudai Khidmatgars :

« -Je suis un Khudai Khidmatgar ; et comme Dieu n’a pas besoin de service, je le servirai en servant ses créatures de façon désintéressée.

-Je n’utiliserai jamais la violence, je ne me vengerai pas et je pardonnerai à tous ceux qui se livreront à l’oppression contre moi.

-Je ne participerai à aucune intrigue, n’alimenterait aucune haine et je traiterai chaque pachtoune comme mon frère.

-J’abandonnerai les coutumes et les pratiques maléfiques.

-Je vivrais une vie simple, en faisant le bien et en m’abstenant de faire du mal.

-Je développerai un bon caractère et cultiverai de bonnes habitudes.

-Je ne mènerai pas une vie oisive.

-Je n’attends aucune récompense. »

A son retour, il crée la première armée de soldats non violents de l’histoire, les « Khudai Khidmatgars », littéralement les serviteurs de Dieu. Les Khudai Khidmatgars seront aussi surnommés les Chemises rouges ou « Surkhposh ». Ils vont former un mouvement religieux, nationaliste et progressiste actif dans la province de la frontière du nord-ouest. L’appellation de Chemises rouges les a parfois fait passer pour des communistes, ce qu’ils n’étaient pas. Ces serviteurs de Dieu doivent leur nom à la couleur de l’habit qu’ils portaient : une ample chemise rouge. Ces Pathans se sont tous engagés sur la base du volontariat.

Abdul Ghaffar Khan en compagnie de Nehru (2e à sa gauche), en 1947.

Le plus surprenant est que ces ex- combattants, célèbres pour leur code de l’honneur guerrier et leur dédain de la mort, vont devenir des guerriers pacifiques, sans armes ! Ils vont apprendre avec Abdul Ghaffar Khan à éviter la violence dans les revendications de libération nationale. Ils élaboreront un projet de vivre-ensemble avec d’autres ethnies inspiré de la bienveillance des comportements et des valeurs du Prophète Muhammad. Il s’agissait là d’un changement total des mentalités et d’une transformation culturelle radicale.

Les hommes qui voulaient rejoindre son mouvement et en devenir les membres devaient jurer « de pardonner à quiconque les oppressait ou les traitait avec cruauté ». De plus, chacun avait pour devoir de mener une vie simple et de consacrer, au moins deux heures par jour, à des tâches utiles socialement et au bénéfice de l’intérêt général

Le service de Dieu au service de ses créatures

En tant que Khudai khidmatgar, serviteur de Dieu, Abdul Ghaffar Khan était convaincu que Dieu n’avait pas besoin de serviteur à proprement parler. Selon lui, la meilleure manière d’être au service de Dieu était de se mettre au service de ses créatures. Il va enseigner à ses disciples que c’est en servant les créatures de Dieu qu’on le sert véritablement. Les hommes qui voulaient rejoindre son mouvement et en devenir les membres devaient jurer « de pardonner à quiconque les oppressait ou les traitait avec cruauté ». De plus, chacun avait pour devoir de mener une vie simple et de consacrer, au moins deux heures par jour, à des tâches utiles socialement et au bénéfice de l’intérêt général. Abdul Ghaffar Khan va s’associer avec le Mahatma Gandhi à la marche du sel et travailler à développer les actions de luttes non-violentes. Il sera maintes fois emprisonné tant par les autorités britanniques que pakistanaises par la suite. Comme Gandhi, Abdul Ghaffar Khan était contre la partition de l’Inde. Ce qui lui vaudra de passer pas mal d’années de ses 98 ans de vie dans les prisons pakistanaises. En 1962, il fut même désigné « prisonnier de l’année » par Amnesty International. En tant que musulman, le crédo de Abdul Ghaffar Khan fut « Amal, yaqeen, muhabbat » c’est à dire : « Travail, bonne action, foi et amour ». Abdul Ghaffar Khan mourut le 20 janvier 1988 alors qu’il était assigné à résidence à Peshawar. Il fut enterré dans la ville de Jalalabad en Afghanistan. Toute sa vie, Abdul Ghaffar Khan fut un pionnier de la non-violence dans une région ravagée par les guerres. Un modèle d’un islam non-violent qui pourrait inspirer les pachtounes et autres musulmans d’Afghanistan pour que revienne la paix sur cette région du monde déchirée par les « saigneurs » de guerre.

Aida Abida

A lire également : 

« Le voile et la bannière : L´avant-garde féministe au Pakistan », Christele Dedebant

« Hindouisme et soufisme – une lecture du confluent des deux océans », Daryush Shayegan

« Anthologie de la poésie ourdoue », Chastel Buchet

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