En retenant contre elle douze chefs d’inculpation, le tribunal militaire israélien a achevé de consacrer Ahed Tamimi, cette jeune Palestinienne de 17 ans, comme l’une des nouvelles figures de la contestation à la politique coloniale de l’Etat hébreu. Portrait.
Son visage n’est pas inconnu du grand public. Ahed Tamimi, une Palestinienne originaire du village de Nabi Saleh au nord de Ramallah, est née dans le creuset de la résistance palestinienne, celle que mène chaque jour ses habitants contre les forces d’occupation israéliennes. Pour se nourrir, s’abreuver, se déplacer, pour tout simplement vivre : les Palestiniens sont quotidiennement confrontés à l’hostilité et à la violence sous toutes ses formes (administrative, politique, policière, militaire) que leur impose le pouvoir colonial israélien. Une violence à laquelle ils font face et qu’ils tentent de dénoncer publiquement dans l’espoir qu’une prise de conscience internationale relaie leurs efforts et les soutiennent. C’est dans ce contexte difficile qu’Ahed Tamimi a grandi et avec elle, le combat de toute une jeunesse palestinienne qui n’a connu que l’occupation et l’humiliation israélienne.
« La résistance n’est pas un choix, c’est une responsabilité »
Projetée au-devant de la scène palestinienne comme la nouvelle icône de la résistance, Ahed s’est confrontée très tôt aux soldats de l’armée sioniste. N’hésitant pas à braver le danger et le risque d’une réaction brutale, la petite Ahed humiliait déjà des militaires en poste devant son village dans des images qui ont fait le tour du monde. Selon son père, Bassem Tamimi, « Ahed n’a jamais voulu être une icône, mais la situation l’a amenée à le devenir. La résistance n’est pas un choix, c’est une responsabilité. »
L’homme sait de quoi il parle pour avoir « été arrêté près de 10 fois, (…) torturé et vu sa sœur Bassama être assassinée par une employée du tribunal militaire de Ramallah en 1993 » rappelle Paris Match. Pour autant, le père Tamimi ne s’est pas engagé militairement mais a investi avec son épouse Nariman la résistance civile pacifique contre l’occupant israélien. « La caméra fait partie de notre lutte, elle rétablit la vérité, explique au Monde Bassem Tamimi. La diffusion de nos films sur les réseaux sociaux permet de contrer les médias conventionnels qui fournissent une image biaisée de la situation ».
Récompensée par des prix, courtisée par les dirigeants politiques pour avoir su personnifié la résistance palestinienne, Ahed n’est pas dupe pour autant et n’hésites pas à tacler les grands de ce monde. Invitée par le président Erdogan pour avoir défier l’armée israélienne, la jeune femme lâchera ces mots : « Erdogan ne s’intéresse pas vraiment à notre cause. N’importe quel Palestinien vaut deux Erdogan car on se bat pour notre terre. Les leaders ne sont bons que pour les discours. »
Ahed Tamimi risque jusqu’à sept ans de prison
Ayant le sens de la réparti, Ahed Tamimi a aussi celui de la formule. Interrogée par le juge de la cour martiale sur les raisons qui l’ont poussé à gifler un soldat israélien, elle répondra du tac au tac : « Enlevez-moi les menottes et je vous montrerai ». Mais cette fois, la jeune femme risque lourd : jusqu’à sept ans de prison pour douze chefs d’inculpation. Le communiqué officiel souligne que Ahed est jugée pour « avoir agressé des forces de sécurité, lancé des pierres, avoir proféré des menaces, avoir participé à des émeutes ». Le procureur a demandé le maintien en détention jusqu’au déroulement du procès. Les autorités pourraient vouloir faire payer cher à la courageuse Ahed l’humiliation publique des vidéos diffusées viralement sur les réseaux sociaux.
« D’après mon expérience, elle risque encore six à huit mois de prison » estime son père. Sur les réseaux sociaux, la jeune Palestinienne ne manque pas de soutien. Sa photo, l’évolution de son arrestation, toutes les informations la concernant et, bien sûr, ses vidéos, font le tour. Des pétitions demandant sa libération sont largement diffusées.
A lire sur le même sujet :
–« De quoi la Palestine est elle le nom ? »