De gauche à droite : Marwan Muhammad, fondateur de la plateforme Les musulmans ; Ahmet Ogras, président du Conseil français du culte musulman et Hakim Karoui, fondateur de l’AMIF.
La multiplication ces derniers mois des structures et des projets destinés à organiser le culte musulman, à solutionner ses problèmes et à faire office de représentation des fidèles auprès de l’Etat français a entraîné une certaine confusion sur les objectifs et la nature de ces structures. Du CFCM à l’AMIF en passant par la plateforme les Musulmans (LM), que faut-il penser de ces entités ? De quoi sont-elles le signe ? Et quelle est leur conception du leadership musulman ? Une analyse exclusive de Fouad Bahri.
Le lancement de l’Association Musulmane pour l’Islam de France (AMIF) par Hakim El Karoui a reçu un accueil très froid dans la communauté musulmane, non sans raisons.
La méfiance qu’inspire le personnage, ancien banquier, homme d’affaires, présenté comme l’un des proches conseillers d’Emmanuel Macron sur l’islam, s’explique.
Dénué de légitimité sur le plan intracommunautaire, Karoui, homme de réseau et de pouvoir, pur produit du libéralisme d’élite, est perçu comme une cheville ouvrière de l’establishment, un émissaire intéressé au service du pouvoir qui ne peut lui-même intervenir directement sur ce dossier.
La doctrine républicaine de non ingérence dans les affaires intérieures de la religion l’en empêchant, le gouvernement utiliserait ses propres relais officieux qui s’employeront à nier toute implication de l’Etat, en dépit de la coïncidence du calendrier des projets annoncés par le pouvoir et du pedigree personnel de M. Karoui.
Le changement de présidence à la tête de la Fondation de l’islam de France en est une autre confirmation, M. Chevènement cédant sa place à Ghaleib Bencheikh qui, par son approche néo-mu’tazilite, est perçu comme « islamo-compatible » avec la ligne républicaniste des élites gouvernementales.
Le péché originel de l’AMIF
Lentement mais sûrement, le gouvernement avance ses pions sur l’islam de France. Alors qu’un toilettage ou une réforme de la loi de 1905 sont sussurés dans le débat public malgré la levée de boucliers général, l’AMIF tenait récemment un congrès auquel ont fini par se ralliés certaines voix respectables de la communauté musulmane française pour des raisons que nous analyserons plus loin.
A ce congrès a suivi une tribune signée par une quarantaine d’acteurs affirmant leur engagement en faveur d’une réforme de l’islam compatible avec l’Etat, axée sur une stratégie financière reposant sur une taxation de la viande halal et du pèlerinage.
Karoui ambitionne de porter et d’incarner un combat culturel contre l’islamisme dont « la mère des batailles doit être théologique » (…) L’homme a de l’islamisme une définition très extensive (…) Le simple port du hidjab et l’attachement à la notion religieuse du halal en sont aussi pour lui des marqueurs.
Une centralisation de l’argent serait réalisée, destinée à financer dans un second temps les recherches théologiques, les formations d’imams et les programmes de luttes contre l’islamophobie (et… l’antisémitisme!!!).
Les objectifs sont circonscrits mais les moyens restent vagues. Comment imposer des taxes sans le recours à la loi ? La loi étant générale et laïque, et donc non exceptionnelle et non religieuse, aucun texte législatif ne peut règlementer la pratique religieuse.
Il sera donc impossible d’imposer à une boucherie une quelconque taxe. Pour le cas du pèlerinage, la centralisation des visas attribués par l’Arabie saoudite serait le seul moyen pour l’AMIF de récolter une taxe imposée aux agences en interceptant le colis avant qu’il ne tombe entre les mains des différents intermédiaires et rabatteurs.
Pour le reste, seul un texte de loi (ou un décret) peuvent imposer une taxation.
L’hypothèse soulevée par Noureddine Aoussat, d’une possible collusion entre Etat et AMIF, n’est donc pas à exclure, soit directement, sous réserves des relations de réseau entretenus par Karoui avec l’ambassade saoudienne en France, soit par la médiation ministérielle.
La ligne religieuse de Karoui
Revenons à nos moutons. Tout dans cette affaire repose sur une série de facteurs étroitement mêlés : la confiance, la légitimité, la compétence, la ligne religieuse et l’adoption de règles institutionnelles.
Si, concernant le responsable et fondateur de l’AMIF, une compétence technique (relative) peut lui être concédé, la confiance et la légitimité ne le sont pas comme nous l’avons souligné en introduction.
Les règles institutionnelles de l’AMIF seront certainement celles qui régissent toute association loi 1901 ou 1905. Reste la ligne religieuse portée par Karoui. Celle-ci est connue… entre les lignes.
Elle passe par l’étude et l’analyse du discours, des idées, des éléments de langage et de la philosophie politique portés et relayés par l’homme. Deux rapports dirigés par Karoui et publiés par l’Institut Montaigne nous renseigne abondamment sur cette vision.
Karoui ambitionne de porter et d’incarner un combat culturel contre l’islamisme dont « la mère des batailles doit être théologique » selon ses propres mots. Soulignons que l’homme a de l’islamisme une définition très extensive.
Celle-ci ne concerne pas seulement les projets politiques fondés sur l’islam.
Le simple port du hidjab et l’attachement à la notion religieuse du halal en sont aussi pour lui des marqueurs, tout comme l’adhésion à une conception globalisante de l’islam (ash-shumuliyya) ce qui intègre en amont la grande majorité du public musulman dit pratiquant dans cette catégorie de l’islamisme.
Il faut donc, dans ce combat contre « l’islam islamiste », produire une théologie compatible avec la République française, axée sur une vision libérale et individuelle de la foi et de la pratique religieuse.
Il faut décollectiviser, désocialiser et détransversaliser l’islam français. Celui-ci ne doit plus être une norme concurrentiel au régime de croyance immanent dans lequel s’inscrivent les approches agnostiques, athées et laïcistes des chevaux agités de la pensée républicaine.
Les farouches étalons arabes n’ont plus droit de cité, place au carrosse de l’insouciance et de l’indolence religieuse jugés plus conformes aux standards de la sécularisation française que l’on veut imposer à grands pas aux adeptes de l’islam.
Les raisons d’un ralliement
Islam de la discrétion, individualisation du rapport à la foi, invisibilisation de sa pratique, atténuation douce du régime de l’orthopraxie : tous ces éléments coïncident parfaitement avec la vision religieuse portée par Tareq Oubrou, qui a rejoint l’AMIF après son départ très récent de Musulmans de France (ex-UOIF) et qui ambitionne de fournir à la République un islam adapté à son contexte par la médiation d’une doctrine qui lui ferait défaut et dont les deux mamelles seraient la sécularisation de l’islam et son acculturation.
Deux faces d’une seule et même pièce.
Une ligne karouiste qui jette les prémices d’une liquidation théologique islamique progressive, par « petits pas » mais qui, dans sa cohérence doctrinale et sa convergence sociale a le mérite de la clarté.
Pour autant, parmi la totalité des signataires, quelques acteurs communautaires tout à fait respectables et connus pour leur engagement islamique ont rejoint l’AMIF. Comment l’expliquer ?
L’impatience face à l’immobilisme du Conseil français du culte musulman est incontestablement l’une des causes de l’adhésion de ces acteurs communautaires à l’AMIF.
Nous avons là deux psychologies, deux mentalités et deux approches distinctes : une approche militante, politisée qui mène un combat virtuel sur les réseaux sociaux pour maintenir coûte que coûte une autonomie contre toute ingérence de l’Etat et de ses relais. Une autre approche pragmatique, diplomatique, qui estime pouvoir réformer dans un échange libre et ouvert avec l’Etat ce qu’il faut réformer.
Deux décennies, de la naissance de l’istichara de Chevènement en passant par la création du CFCM, n’ont débouché sur presque rien sur le plan institutionnel.
Quelques actions isolées sans envergure, une structure gérontocratique sans aucun moyen, une centralisation vide d’effet, une paralysie entretenue par des individus faisant clairement office de parasite par leur égoïsme, leur inaction, leur incapacité de changement, et l’absence de relève auprès de la jeunesse fournit le bilan maigre d’une institution discréditée pour son manque de représentativité, son absence de budget et de résultats.
Depuis deux ans, la situation s’efforce de changer au CFCM avec la présidence Ogras portée par la dynamique franco-turque du CCMTF, très mal vue du pouvoir et des élites françaises pour sa généalogie AKPiste.
Mais malgré le dynamisme et la bonne lecture stratégique portée par les cadres du CCMTF, les forces d’inertie à l’intérieur du CFCM sont puissantes.
Tous les éléments d’un sentiment intense de dégoût étaient donc réunis pour expliquer la volonté de ces acteurs soucieux d’assumer leurs responsabilités et d’agir pour solutionner les problèmes communautaires en ralliant un projet de l’AMIF aux allures progressistes, dans une ambiance libérale propice aux discussions ouvertes et orienté vers une approche présentée comme pragmatique, non idéologique, une approche du « juste milieu », sans rupture, ni soumission vis à vis de l’Etat, selon les termes de la tribune de l’AMIF.
Deux visions divergentes du leadership
Soulignons que les mêmes causes produisant les mêmes effets, la plate-forme Les Musulmans (LM) est aussi née de ce sentiment de rupture des trentenaire-quadragénaire avec l’islam à papa des blédards de la Grande Mosquée de Paris, du RMF et de toutes les succursales maghrébines du CFCM.
Sauf qu’ici, les mêmes effets ne produisent plus à leur tour les mêmes causes, comme nous le verrons sur l’analyse de la dynamique LM. Disons que la ligne général de LM n’est pas celle de l’AMIF sur les rapports à l’Etat.
Globalement, LM prône une ligne de méfiance et de distanciation avec l’Etat sur la question de l’islam.
Marwan Muhammad incarne très bien cette ligne d’une plate-forme qu’il a monté et dont il est le leader central, avec en seconde ligne des soutiens divers, essentiellement des influenceurs issus des réseaux sociaux et quelques imams et prédicateurs populaires comme Rachid Edjay, Abdelmounaïm Boussena et Nader Abou Anas.
Cette ligne est d’une certaine manière l’héritage de la lutte contre l’islamophobie dont il a été le porteur une décennie au CCIF.
Les déclarations nombreuses d’hommes et de femmes politiques hostiles au voile, à la pratique religieuse visible, les polémiques alimentées par une presse en quête de sensationnalisme et d’audimat, auxquelles s’ajoutaient les discriminations dans les mairies, les universités, les espaces de la fonction publique et les textes et propositions de lois anti-voiles ont crée les conditions doctrinales d’une islamophobie d’Etat enracinée dans l’univers social des militants des années 2000.
Cette imaginaire social est l’une des lignes de démarcation entre les décideurs de la Plt LM et les acteurs musulmans ralliées à l’AMIF.
Ces derniers, s’ils condamnent sans ambiguités les déclarations et actions discriminatoires, ne valident pas néanmoins ce qu’ils estiment être une fuite en avant vers une rupture avec l’Etat français. Une rupture suicidaire à leurs yeux et irresponsable pour des citoyens français qui ont vocation à vivre en France et à entretenir une relation apaisée avec les institutions, sans inféodation, ni rupture.
Nous avons là deux psychologies, deux mentalités et deux approches distinctes : une approche militante, politisée qui mène un combat virtuel sur les réseaux sociaux pour maintenir coûte que coûte une autonomie contre toute ingérence de l’Etat et de ses relais.
Une autre approche pragmatique, diplomatique, qui estime pouvoir réformer dans un échange libre et ouvert avec l’Etat ce qu’il faut réformer.
La qualité de la relation de confiance avec l’Etat étant, pour cette dernière, une condition indispensable aux yeux de ceux qui la portent pour parvenir à une réforme réelle et non virtuelle des problèmes communautaires.
Les défauts de l’AMIF
Si ces raisons ont une certaine validité, l’erreur majeure des partisans communautaires de l’AMIF est d’ignorer ou de sous-estimer la ligne religieuse portée par M. Karoui qui dans ses fondements comme dans ses finalités ne correspond pas à leur propre univers de référence islamique.
Sans doute s’estiment-ils être en mesure de garantir les conditions juridiques d’une autonomie ouverte et responsable avec l’Etat afin de réformer point par point les problèmes cultuels que rencontre les musulmans en France, via la rédaction des statuts de l’association AMIF et l’engagement personnel de ses membres dans les commissions mises en place.
Cette confiance demeure un point faible majeur pour ces acteurs.
Si la légitimité communautaire de M. Muhammad n’est pas discutable, le transfert de cette légitimité individuelle à une légitimité collective (communautaire) lui l’est, car le leadership collectif est toujours l’objet de règles, de cadre et d’institutions.
Une autre erreur est celle de penser que la résolution des problèmes mis en avant par l’AMIF peut faire l’économie d’une base communautaire et d’une adhésion légitime à quelque niveau que ce soit.
Si la crise institutionnelle de l’islam français est sans aucun doute profonde, il serait faux pour autant d’en déduire qu’il n’existe aucun levier communautaire ni aucune forme de démarche légitimiste.
D’autant plus qu’il s’agit d’imposer des taxes et de procéder au contrôle de l’argent des fidèles, donc au contrôle des moyens du culte musulman français. Ce contrôle impose des gardes-fous, des règles et une ligne religieuse acceptable.
Autant de conditions qui suppose un relatif consensus que ne permet asurément pas l’AMIF. La clarification est de mise.
Peut-on dire pour autant que la Plt LM réunisse tous les ingrédients nécessaires à cette réforme pratique ? Il y a là-aussi loin de la coupe aux lèvres.
Les limites de la plateforme Les Musulmans
Malgré tout ses mérites, plusieurs critiques peuvent être formulées à la dynamique LM. La première d’entre elle concerne la personnalisation de la démarche de consultation lancée en mai dernier.
De la publication de la tribune écrite et signée à titre individuel dans Le Monde, en passant par la communication sur divers supports médiatiques, jusqu’à la présentation de la consultation qui a initiée la dynamique dans les mosquées, tout est passé par Marwan Muhammad.
Si la légitimité communautaire de M. Muhammad n’est pas discutable, le transfert de cette légitimité individuelle à une légitimité collective (communautaire) lui l’est, car le leadership collectif est toujours l’objet de règles, de cadre et d’institutions.
Cette représentation collective implicitement revendiquée par LM est actuellement exercée de facto, en dehors de tout cadre règlementaire, à travers notamment une communication et un champ lexical axés autour d’un « Nous » ou d’un « Les musulmans ».
Ces règles restent à définir car ce sont elles qui permettent d’évaluer l’action et les objectifs des acteurs musulmans.
Le cadre de légitimité dans lequel s’inscrit LM repose sur la consultation en ligne lancée en mai dernier qui malgré ses vertus manifestes ne fournit aucun appui, ni aucune règle pour amorcer la réforme attendue.
Il faut ajouter que dans une interview accordée à Ajib.fr, son fondateur nous apprend que deux groupes de travaux ont été créés dès février, un comité de pilotage composé de 24 personnalités (imams, cadres associatifs, intellectuels, entrepreneurs et influenceurs) dont quelques-unes ont signé une tribune sur Médiapart.
Et un groupe de travail opérationnel de douze personnes (communicants, administrateurs, chargé de liaison avec les mosquées, etc.). Feiza Ben Mohamed, une influenceuse active sur Twitter et Anass Patel, spécialisé en finance islamique et président de la société 570easi sont les deux seuls noms connus du public musulman.
Le manque de transparence de ce comité de pilotage qui a mené au lancement de cette consultation est donc la seconde critique qui peut être faite.
Jusqu’à présent, nous ignorons qui en sont les membres. Nous ignorons sur quelles bases et en fonction de quels critères ils ont été nommés et pourquoi d’autres cadres majeurs sont absents de la dynamique. Là encore des règles et des critères sont nécessaires.
Manque de transparence sur la forme, mais aussi sur le fond. Quel est le projet précis défendu par les organisateurs ? Quelle est leur ligne religieuse ? Quelle structure finale doit émerger de cette dynamique ?
Une institution digne de ce nom
L’absence de ligne religieuse clairement définie est un point faible de LM. Le fait d’avoir privilégié des influenceurs sociaux et investi essentiellement les réseaux sociaux en lieu et place d’un ancrage dans le réel est un autre point faible.
La gestion du culte s’accomplit dans le réel. Seules des règles transparentes fondées sur des critères objectifs au service d’une ligne religieuse acceptable sont de nature à conclure l’essai institutionnel auquel la dynamique aurait pu, et pourra peut-être à l’avenir, aboutir.
Ces erreurs sont d’autant plus dommageables qu’une réelle dynamique a émergé au lancement de la consultation en mai dernier.
Mais le passage d’une initiative individuelle à un projet communautaire structuré sur une base solide (règles institutionnelles, critères objectifs, ligne religieuse) n’a pas encore eu lieu.
La ligne politique relativement anti-étatique et le parcours des quelques porteurs du projet connus du public font pour l’instant de LM davantage un syndicat musulman animé sincèrement par une culture politique de l’autonomie radicale qu’une institution religieuse fédératrice basée sur celle du consensus.
La comparaison de ces trois entités (CFCM, LM, AMIF) permet de mieux comprendre quelles sont leurs spécificités et leurs limites. Une typologie s’en dégage : le modèle institutionnel (CFCM), le syndicat représentatif (LM) et l’entreprenariat politique (AMIF), ces trois entités se nourrissant mutuellement de leurs limites respctives.
Parmi les objectifs d’une réforme du culte musulman, l’un des besoins les plus criants concerne l’existence d’une institution religieuse nationale pourvu d’une ligne consensuellement fidèle aux fondements islamiques.
Une telle institution devrait être constituée d’un Conseil théologique et éthique apte à lui offrir les moyens de proposer une parole religieuse et des prises de position faisant autorité.
Outre ces positions qui constitueraient le socle d’une tradition islamique française ancrée dans le réel, une telle institution fédérerait les fidèles autour d’un calendrier cultuel et organiserait des visites semestrielles dans les mosquées du territoire français pour consolider les liens du local vers le national.
Malgré ses défauts, seul le CFCM est capable à long terme d’endosser ce rôle, s’il se réforme dans les années qui viennent, en faisant le ménage interne et en laissant la place à une nouvelle génération formée et responsable.
Ni l’AMIF, qui n’inspire pas la confiance nécessaire, ni LM dont la ligne anti-étatique empêche une reconnaissance institutionnelle d’interlocuteur d’Etat, n’en sont capables.
Les questions de réforme locale (construction de mosquée, mise à disposition d’abattoirs locaux, ouverture de carrés musulmans) impliquent l’existence d’acteurs locaux et structurés.
Ce n’est pas le niveau d’action du CFCM, ni même celui du CRCM (vidé de sa coquille), mais comme le suggère M. Moussaoui de l’UDM, celui du département.
Les acteurs locaux doivent se fédérer au niveau semi-départemental puis départemental pour profiter mutuellement d’un échange d’expériences, d’un partage d’information et d’une mutualisation des moyens.
Typologie formelle et dialectique du réel
Les questions de certification implique à leur tour le lancement d’un organisme national sérieux et pourvu de moyens qui pourrait profiter du cahier des charges d’AVS, le seul organisme qui ait fait ses preuves en ce domaine, en l’appliquant à l’échelle locale.
Un CFCM doté de moyens et débarrassé de ses blocages individuels pourrait dans un avenir lointain faire émerger cet organisme de certification. La critique de Karoui sur le blocage volontaire des mosquées ayant leur propre organisme de certification sur toute initiative de réforme est juste.
Il y a bien conflit d’intérêt. Mais il y a toujours conflit d’intérêt, l’AMIF n’échappant pas elle-même à cette critique, ce qui en élargit le champ au lieu de le réduire.
La question de la représentativité est toute aussi cruciale, bien que de nature différente des problèmes structurels liés au culte.
Sur ce point, la plateforme LM est la plus légitime, de par la jeunesse et la diversité du profil sociologique de ses acteurs qui lui confère un rôle de représentativité et de caisse de résonance sociale qui font défaut aux autres.
Le passage d’un rôle de syndicat engagé sur des bases partisanes à celui d’acteur politique capable de négocier et de faire preuve de pédagogie dans les deux sens (Etat et communauté musulmane) pourrait lui permettre de faire avancer les mentalités et lever les blocages, sous certaines conditions.
La dépersonnalisation de la Plateforme LM de son fondateur ( la même problématique se pose à l’AMIF, dans des termes différents) est en ce sens un enjeu incontournable de sa réussite future.
La comparaison de ces trois entités (CFCM, LM, AMIF) permet de mieux comprendre quelles sont leurs spécificités et leurs limites.
Une typologie s’en dégage : le modèle institutionnel (CFCM), le syndicat représentatif (LM) et l’entreprenariat politique (AMIF), ces trois entités se nourrissant mutuellement de leurs limites respctives.
De la dialectique entre ces modèles, se dessinera l’avenir institutionnel de l’islam en France.
Reste dans cette perspective à définir une doctrine du leadership pour mieux servir de boussole à l’engagement islamique français.
Une doctrine que nous voyons axée autour de la notion de leadership collégial et qui mérite des développements qui excède la portée de cet article.
Fouad Bahri
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