La 35e Rencontre annuelle des musulmans de France a été l’occasion d’observer l’attention accordée au traitement inégalitaire de l’intellectuel suisse Tariq Ramadan maintenu en détention malgré un état de santé jugé alarmant par ses proches et plusieurs médecins. Si le comité Free Tariq Ramadan était présent, d’autres militants très actifs ont répondu aux questions de Mizane.info pour faire le point sur la mobilisation.
Cette 35e Rencontre annuelle des musulmans de France était incontestablement différente des précédentes. Le traumatisme de la communauté musulmane de France consécutif à l’arrestation et à la détention préventive de Tariq Ramadan pour des accusations de viol, et la détérioration de son état de santé, était perceptible. Une certaine mélancolie teintée de stoïcisme planait dans l’air. Mais sur le stand Free Tariq Ramadan, le calme et la détermination s’affichaient sur les visages. Tracts et initiatives pour la libération de l’intellectuel suisse étaient présents sur le stand. Une lettre adressée au président de la République Emmanuel Macron appelle à « le faire libérer au plus vite, en attente de son jugement », « à veiller à ce que les institutions fassent preuve d’objectivité » et au respect de sa présomption d’innocence. Une pétition a déjà recueilli plus de 130 000 signatures et une seconde cagnotte pour financer les frais de la défense a permis de récolter près de 70 000 euros.
« Briser le silence assassin »
Mais sur le front de la mobilisation en faveur des droits de Tariq Ramadan, Free Tariq Ramadan n’est plus seul. D’autres comités émergent. Depuis plusieurs semaines, le Collectif la loi de Thémis organise chaque week-ends des rassemblements Place du Trocadéro depuis le 3 mars pour exiger la libération préventive de Tariq Ramadan, le droit à des soins sérieux (l’homme souffre de scléroses en plaques et de neurasthénie) et le respect de sa présomption d’innocence. A sa tête, Khadra Arabya, une quinquagénaire, mère de famille, résolument active sur le terrain des droits, militante contre la guerre en Irak ou pour le droit au logement. S’appuyant sur l’article 9-1 du code de procédure pénale et l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, Khadra dénonce une violation du traitement équitable de Tariq Ramadan par la justice française et une détérioration inquiétante de sa santé.
La loi « donne des droits et des moyens pour permettre aux présumés innocents de récolter des preuves matérielles à décharge, et cela n’est pas appliqué ». Le silence médiatique autour de ces conditions d’incarcération a été un facteur déclencheur dans l’engagement de Khadra. « L’objectif était de briser ce silence assassin en donnant une visibilité médiatique à notre revendication de justice ».
Ne pas islamiser l’affaire Ramadan
« Nous dénonçons la mise en place d’un tribunal médiatique autour d’une seule version de l’affaire ». « L’accusation a porté l’affaire sur la place publique. Il fallait répondre et amener les preuves à décharge », poursuit la militante, dans une allusion critique à la stratégie de l’ancien avocat de Tariq Ramadan, Yassine Bouzrou, qui avait opté pour un silence médiatique.
La partie civile a rétorqué le certificat médical pénitentiaire au prétexte que le médecin s’appelle « Farid ». Une faute grave qui n’a pas été sanctionnée en dépit du fait qu’il s’agit d’une attitude raciste. « Aujourd’hui, c’est Tariq Ramadan, demain ce traitement peut être appliqué pour n’importe quel homme ». « Nous appelons à des rassemblements citoyens car tout le monde est concerné par ce problème de liberté et par l’application de la loi. Il ne faut pas islamiser cette affaire ». Khadra et son collectif ont réalisé une carte postale adressée au président de l’Assemblée nationale, 4e personnage de l’Etat. « Nous avons adressé un courrier à la ministre de la Justice qui ne répond pas », ajoute-t-elle dans la foulée. Pour Khadra Arabya, le prolongement de la détention de Tariq Ramadan est inacceptable au vu de son état de santé (l’intellectuel se déplace en fauteuil roulant), et il y a urgence à agir.
A lire également :
–« Au péril des idées », Tariq Ramadan et Edgar Morin