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Marwan Muhammad : «Il se dégage un élan d’enthousiasme et une envie de faire»  

Marwan Muhammad
Marwan Muhammad à un rassemblement en soutien aux musulmans de Clichy, le 2 avril 2017.

Exclusif. Marwan Muhammad a répondu aux questions de Mizane.info sur le lancement de la consultation nationale des musulmans de France qu’il a initié. Dans cet entretien, il approfondit notamment sa réponse aux critiques des détracteurs de la démarche et apporte des clarifications sur la forme institutionnelle de la consultation.

Mizane.info : Pourquoi avoir publiquement endossé seul cette démarche de consultation nationale dès lors qu’elle entrait, comme vous-mêmes le faisiez remarquer, en résonance avec le constat de plusieurs acteurs de terrain ? Etait-ce par nécessité ou dans un autre but ?

Marwan Muhammad : Dans le but de ne pas préempter le résultat final de la consultation. Dans la mesure où je ne veux pas occuper de responsabilité finale dans ce projet, ni occuper aucun poste, je ne peux pas être accusé d’avoir un agenda caché. N’oublions pas que cette consultation s’inscrit également dans un contexte islamophobe dans lequel je ne souhaitais pas exposer dès les premiers jours des hommes et des femmes de terrain qui auraient été désignés comme cible par la facho-sphère. Ceci étant dit, de nombreux responsables associatifs, imams, militants et leaders d’opinions se sont exprimés publiquement sur cette consultation et vont s’impliquer. Je trouve intéressant au passage de qualifier une consultation où 10 000 personnes ont déjà participé (au moment de l’entretien, ndlr), de démarche « individuelle ».

L’ancien responsable du bureau des cultes, Didier Leschi, a déclaré que «c’est aux responsables des mosquées qu’il revient de s’organiser.» Le succès de cette consultation ne dépend-elle pas d’un engagement public des acteurs religieux ?

Didier Leschi se trompe lourdement sur les chiffres de fréquentation des mosquées. 75 % des musulmans ne fréquentent pas de mosquée. Je ne vois pas comment des responsables de mosquées pourraient atteindre cette population-là et répondre à leurs besoins réels. Ensuite, le principe même de cette consultation est d’identifier ces besoins et de connaître précisément ce que les musulmans veulent, pas d’y répondre directement. Enfin, de nombreux imams et mêmes de grandes associations musulmanes soutiennent cette démarche. Certains ont même relayé dans les mosquées en appelant les fidèles à y participer lors de la prière du vendredi. Déjà plus d’une centaine d’associations et d’acteurs de terrain soutiennent cette consultation et en prennent possession.

Jusqu’à maintenant, les musulmans n’étaient pas sujets mais objets du débat qu’on choisissait pour eux

D’autres nous ont contacté pour avoir plus d’informations et poser des questions. Malheureusement, pour des raisons tout simplement humaines, je n’ai pas pu les tenir au courant bien en amont comme je l’aurais souhaité. Il faut bien réaliser qu’il s’agit d’une consultation de masse, ce qui n’a jamais été réalisé. C’est historique et nous marchons dans l’inconnu, un pas après l’autre. Donc on apprend au fur et à mesure.

Pourquoi avoir choisi de rendre cette démarche publique en signant une tribune ? Ce mode opératoire ne transforme-t-il pas nécessairement votre démarche en action politique, ce qui vous est reproché ? Ou bien faut-il tout simplement admettre que l’on a fait de la question de l’islam en France, une question politique, polémique et qu’il n’est plus possible d’échapper à cette politisation du sujet ?

Ce ne sont pas les musulmans qui le choisissent. Jusqu’à maintenant, ils n’étaient pas sujets mais objets du débat qu’on choisissait pour eux. On a fait d’eux un problème politique, un danger, on a parlé d’eux à la troisième personne. Il serait temps qu’ils deviennent des sujets politiques parlant par eux-mêmes et pour eux-mêmes. Tout l’objet de la consultation est de leur permettre de s’exprimer et de leur fournir l’occasion de décider de manière pleine et entière de ce qu’ils veulent.

Marwan Muhammad
Rassemblement social dans les quartiers de Saint-Denis.

Attendez-vous du CFCM qu’il mette en œuvre les résultats de cette consultation ? Quelle forme institutionnelle prendra la mise en œuvre des attentes exprimées par la consultation ?

Je laisse le soin aux participants de se prononcer là-dessus. C’est eux qui vont informer le travail qui sera mené là-dessus. S’ils nous disent qu’ils ne souhaitent pas de structure nationale ou verticale, il faudra prendre cela en compte. S’ils nous disent par contre qu’ils veulent des structures fortes et segmentées de manière thématique, il faudra aussi en prendre acte.

Nous devons être humbles, il ne s’agit que d’une consultation, pas d’une révolution

Je pense qu’il faut soutenir et améliorer ce qui fonctionne bien dans les choses existantes et construire là où il y a des besoins réels. C’est une démarche simple qui identifie un problème, l’analyse, propose une solution et la met en œuvre.

Que pouvez-vous nous dire sur les premières tendances observées ? Vous avez annoncé déjà 10 000 participants…

Oui, c’est le cas et les chiffres bougent en permanence. Ce n’est pas seulement d’ailleurs une dynamique quantitative mais aussi qualitative. Les participants rédigent et proposent des réponses. Il se dégage un élan d’enthousiasme, une envie de faire et une confiance affichée qu’il faut mentionner et dont nous sommes reconnaissants. Mais nous devons être humbles, il ne s’agit que d’une consultation, pas d’une révolution. Ce sera aux participants de formuler collectivement leurs besoins. Il y aura également la seconde partie de la consultation qui aura lieu dans les mosquées, les associations locales, avec un public légèrement différent de celui que l’on a en ligne.

Comment cette consultation locale va-t-elle se dérouler ?

Par deux types de consultation. Une réplique locale de la consultation en ligne mise en forme sous divers supports (papier, tablette, etc). La seconde modalité passera par des groupes de parole ou des consultations verbales des membres des associations ou des personnes fréquentant les mosquées, sous forme de débats et d’échanges avec eux. De ces échanges sortira un rapport qualitatif.

Marwan Muhammad

Le questionnaire ouvre la porte à des dimensions, non pas seulement religieuses ou cultuelles, mais aussi à des dimensions sociales et culturelles. Cela signifie-t-il que la consultation ne vise pas seulement la question d’une représentation nationale de l’islam et du culte musulman mais qu’elle viserait également la question d’une représentation sociale et culturelle, voire politique des musulmans en France ?

L’islam est un fait religieux, un fait social et un fait culturel. Il y a un islam et des musulmans. La manière dont les musulmans se réapproprient leur religion varie sous tout un spectre de manifestations. Manifestations cultuelles, culturelles ou sociales. Le lien que l’on a avec notre religion est donc très intime et personnel. Les participants ont la latitude d’identifier un besoin. Il sera aussi intéressant de voir si certains souhaitent exprimer leur religiosité à travers des formes culturelles, s’ils expriment le besoin d’expositions sur l’héritage de la civilisation islamique ou bien des conférences sur une manière différente d’aborder les questions d’éducation. Toutes ces idées peuvent émerger de la consultation. Il ne faut pas essayer de dupliquer des institutions ou des instances déjà existantes, mais il y a encore plein de choses à inventer.

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« Islam de france, l´an I », Mohamed Bajrafil

« L’Islam et l’esprit français : La réalité muhammadienne », Philippe Moulinet

 

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