Mustapha Cherif est islamologue, philosophe, ancien ministre algérien de l’éducation et auteur notamment de « Le Prophète et notre temps » (éditions Albouraq). A l’occasion de la célébration de la naissance du Prophète Muhammad (mawlid), Mizane Info publie la première partie d’un portrait spirituel et moral du Prophète (PBDSL) dans lequel Mustapha Cherif nous rappelle la place centrale qu’a occupé la miséricorde, valeur cardinale dans l’ensemble de l’apostolat muhammadien.
Né en l’an 570 à la Mecque et rappelé à Dieu 63 ans plus tard, le Prophète (Muhammad, PBDSL), grâce à ses qualités humaines hors du commun, a reçu la Révélation à l’âge de 40 ans, vers l’an 610. Dictée surnaturelle, le Coran, qui s’adresse à toute l’humanité, est descendu sur son cœur vierge, graduellement. La révélation va durer une vingtaine d’années. La vie du Prophète doit être connue de tout musulman (1). Pendant 13 ans, pacifiquement et avec douceur, il tenta de transmettre le Message. En l’an 622, vu l’hostilité des tribus, il quitte sa ville natale et se réfugie avec ses compagnons, communauté naissante, à Yathrib, devenue Médine l’illuminée, où il fonde une nouvelle ère civilisée, temps de l’hégire, qui va changer la face du monde. Dans toutes les langues, lorsque le mot « Prophète » est écrit ou prononcé, tout le monde sait d’emblée qu’il désigne le prophète de l’islam, sans avoir même besoin d’ajouter son prénom : Muhammad (PBDSL). Il est la figure universelle de l’Envoyé. Il ne prétendait à rien d’autre. Il a vécu et agi dans le cadre de cette mission divine, dépassant toutes les frontières, pour apprendre à tous ce qui est attendu de chaque être humain et comment vivre ensemble. Dieu ordonne aux musulmans d’obéir au Prophète et de suivre son exemple.
Le rôle du Prophète : sortir l’humanité des ténèbres vers la lumière
Suivre le sceau des prophètes a pour bénéfice de faire connaître Dieu, apprendre la religion, savoir comment l’adorer « Celui à qui rien ne ressemble » (42 : 11). Connaître le Prophète c’est éviter les dérives, les excès, les contresens et discerner. Le Prophète a cru au Message coranique révélé et l’a vécu comme accomplissement final pour toute l’humanité. Le Coran est clair : le Prophète accomplit la phase finale de l’histoire des révélations. Pour la dernière phase de l’histoire de l’humanité, il aide à sortir de l’obscurité vers la lumière, de l’ignorance vers la connaissance, de l’angoisse vers la sérénité. Sa voie en est la mise en œuvre. Sans lui nous ne saurions pas comment pratiquer la religion. Il guide vers Dieu, comme il l’a fait avec ses compagnons. Les musulmans sincères sont ses héritiers, ses frères, dont il avait dit qu’ils croient en lui sans l’avoir vu. Pratiquer la religion c’est entrer en sa personne, sur ses pas : « Un Prophète, issu de vous-mêmes, est venu vers vous ! Il compatit à ce que vous endurez et il est plein de sollicitude pour vous, car il est toute bonté et toute compassion pour les croyants ! » ( Le repentir, 9. 128)
Transmettre le Message aux humains
Le Prophète est l’intermédiaire grâce à qui se réalise le lien avec le Créateur. La première partie de la double profession de foi islamique « il n’y a pas d’autres dieux que Dieu » se réalise dans la seconde « et Muhammad est l’envoyé de Dieu ». Comme le précise le hadith inspiré, grâce au Prophète, le pieux reçoit le flux divin : « Lorsque je l’aime, je suis son ouïe par laquelle il entend, son regard par lequel il voit, sa main par laquelle il saisit, et son pied avec lequel il marche… ». Le Prophète est le guide offert par Dieu à l’humanité pour s’élever : Dis-leur : « Obéissez à Dieu, obéissez au Prophète ! » S’ils refusent d’obéir, le Prophète aura, au moins, assumé sa responsabilité. À vous d’assumer la vôtre ! Si vous lui obéissez, vous serez bien guidés. La mission du Prophète consiste à vous transmettre le Message en toute clarté. (La lumière, 24.54).
Le saint Coran définit le sceau des prophètes comme doté d’un caractère sublime. Il est le Coran personnifié. Il l’a mis en pratique, l’a interprété et vécu avec guidance, mesure et sagesse. Jamais il n’a exclu ou violenté quiconque. Il reconnaissait les signes divins en tous êtres et toutes choses
Il nous donne la possibilité de l’élévation, vivre notre ascension intérieure. Suivre le Prophète c’est être aimé par Dieu : « Dis-leur : « Si vous aimez Dieu, suivez-moi et Dieu vous aimera et vous pardonnera vos péchés. Dieu est Indulgent et Miséricordieux. » (La famille d’Imran, 3.31). Le Prophète a été envoyé comme miséricorde pour les mondes. Aucun concept n’est plus fort que celui de miséricorde. La rahma ne signifie pas le simple pardon, ou la simple bonté et tolérance. Il est des disciplines, des sanctions, des mesures fermes qui sont une miséricorde et au contraire des pardons qui sont une punition. Le Prophète nous appelle au discernement et à l’élévation.
Vivre pour Dieu et au service des autres
Le Prophète Muhammad appelle à la miséricorde, en vouant sincèrement notre vie pour Dieu, et au service de l’humanité, comme clef pour le bonheur ici-bas et le salut dans l’au-delà : « Dis : en vérité, ma prière mes actes de dévotion ma vie et ma mort appartiennent à Dieu Seigneur de l’univers » (La famille d’Imran, v-165). Le Prophète nous apprend que nous devons adorer Dieu comme si on Le voyait, car si on ne Le voit pas, il est certain qu’Il nous voit ». Il nous apprend le grand effort, comment se maîtriser, se comporter, devenir exemplaire, pour le bien commun et la bienveillance divine. « Je suis venu parfaire les caractères », précise le hadith. Le Prophète est le plus bel exemple : « Vous avez, dans le Prophète de Dieu, un si bel exemple pour celui qui espère en Dieu et au Jugement dernier, et qui évoque souvent le Nom du Seigneur. » (Les Coalisés, 33.21) Dans notre monde en crise, troublé par les antireligieux et par les mauvais croyants, le Prophète indique le chemin droit, la voie du juste milieu, ni fanatisme, ni athéisme, ne cherchant ni à oppresser les autres, ni être oppressé, ni faire peur, ni avoir peur.
L’islam, une voie médiane et responsable
La voie du Prophète est médiane, ouverte sur la plénitude de la vérité : « C’est Lui qui a envoyé Son Prophète pour indiquer la bonne direction et instaurer la religion de la Vérité qu’Il fera prévaloir sur toute autre religion. Et Dieu suffit amplement pour en témoigner. » (L’Ouverture, 48.28). Le saint Coran définit le sceau des prophètes comme doté d’un caractère sublime. Il est le Coran personnifié. Il l’a mis en pratique, l’a interprété et vécu avec guidance, mesure et sagesse. Jamais il n’a exclu ou violenté quiconque. Il reconnaissait les signes divins en tous êtres et toutes choses. En fidélité au saint Coran, le Prophète nous responsabilise : « Celui qui fera un bien du poids d’un atome le verra et celui qui fera un mal du poids d’un atome le verra. » (Le séisme, 7-8). Il rappelle que nous sommes vicaires, califes de Dieu sur terre. Il nous apprend que Dieu guide vers sa lumière qui Il veut, il dit à une chose « sois » et elle est, et en même temps nous sommes responsables de notre devenir. Obéir au Prophète Muhammad c’est raisonner et respecter le pacte de prééternité, pour se garder de tous les aveuglements: « Celui qui obéit au Prophète obéit en fait à Dieu. Quant à ceux qui se détournent de toi, Nous ne t’avons pas envoyé pour assurer leur sauvegarde. » (Les femmes, 4.80) Il appelait à faire notre examen de conscience. Il enseigne que le Coran est inépuisable et recèle des aspects multiples. L’interpréter en fonction de la sunna, de notre contexte et de l’évolution est un devoir, une responsabilité de chaque génération. Il nous apprend que le sens profond n’est pas en opposition avec le sens apparent. Le Prophète Muhammad aime ceux qui agissent pour prendre soin de l’âme et pour le bien de la nation et de l’humanité.
Notes :
(1) Les sources de la tradition musulmane au sujet du Prophète sont principalement le Coran, puis les recueils des hadiths, les dires du Prophète Muhammad, notamment par Boukhari et Muslim, et Ibn Hichâm qui a repris et abrégé le travail monumental d’Ibn Ishâq, sur la vie du sceau des envoyés, Sîra rasûl Allâh, « la biographie du Messager de Dieu ». Cet ouvrage est la référence de base. Ibn Hichâm, As-sîra an-nabawiyya, 2e édition, Le Caire, 1375 H/1955. 4 volumes en 2 tomes. xxiv-834 et 766 pages. Cette édition est faite par Mustafâ al-Saqqâ, Ibrâhîm al-Ibyârî et ‘Abd al-Hafîzh Chalabî. Une traduction annotée de la Sîra d’Ibn Ishâq, par ‘Abdurrahmân Badawî est parue aux éditions Albouraq en 2001. Un autre ouvrage de référence en la matière reste celui de Tabarî, Târîkh ar-rusul wa al-mulûk, trad. Hermann Zotemberg, et réédité sous le titre Chronique de Tabari. Histoire des prophètes et des rois, éd. La Ruche, 2009.
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