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Noureddine Aoussat : « L’Etat doit faire le bilan de 220 ans de politique musulmane » 4/6

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Dans cette quatrième partie du dossier consacré aux assises territoriales de l’islam de France, Noureddine Aoussat exprime son scepticisme sur la réussite de cette énième initiative gouvernementale. Il ne cache pas non plus ses critiques envers les responsables du Conseil français du culte musulman à qui il reproche notamment leur manque de responsabilité. Favorable à un accompagnement relatif de l’Etat sur l’institutionnalisation du culte musulman, il souligne néanmoins que cet accompagnement n’est pas désintéressé et qu’il doit se dérouler dans le respect de la séparation laïque entre Etat et religion. Noureddine Aoussat est conférencier, imam et formateur en management et communication. Il est aussi l’auteur de deux livres sur la vie du Prophète dont l’ouvrage « 10 questions réponses pour découvrir le Prophète Muhammad » (éditions Albouraq).

« Je ne crois pas trop à ces assises. Je connais le principe de ces consultations, nous en avons déjà vues dans le passé. En 2003 et 2004, avant le vote de la loi du 15 mars, des consultations ont été organisées sous des formes diverses un peu partout au niveau départemental. Au moins une cinquantaine d’acteurs s’y sont exprimés. Même chose en 2010 au sujet de la burqa. Le problème est que souvent ces acteurs ne sont pas suffisamment francs dans leur réponse et souffrent également d’un manque de représentativité. Ni la France, ni les musulmans ne sont encore suffisamment mûrs pour avoir une relation équilibrée. Il y a de la part des représentants du culte une certaine forme de complaisance à accepter les solutions attendues par le pouvoir.

Les arrière-pensées politiques de l’Etat

Ceci étant dit, nous pouvons lucidement attendre de l’Etat un accompagnement dans la mesure où malheureusement les musulmans sont incapables aujourd’hui de se réunir de manière responsable, sincère et engagée pour réfléchir ensemble aux problèmes qui les concernent. Sans rapport de force, ces acteurs sont incapables de se réunir.

La politique de l’Etat consiste à désigner des interlocuteurs privilégiés mais qui sont la plupart du temps coupés de la base

Dans ces conditions, cet accompagnement de l’Etat est nécessaire et essentiel. Mais il faut avoir conscience que cet accompagnement n’est jamais neutre. Il y a toujours un parti pris, une arrière-pensée jamais désintéressée. Je reste donc sceptique sur cet accompagnement. Le problème de l’immobilisme de nos institutions n’est pas un problème d’organisation mais de conscience et de sens des responsabilités. Les acteurs religieux sont plus ou moins organisés au niveau de leurs fédérations et de leurs structures. Mais ils manquent de maturité lorsqu’il s’agit de mettre leur égo de côté et de faire preuve d’écoute, de persuasion et de sens de la négociation pour dégager des intérêts communs. Cela commence avec Napoléon à Alexandrie en 1798, jusqu’à aujourd’hui. La même politique, à quelques détails près, est menée. C’est toujours l’Etat qui fixe les conditions de cette politique et qui sélectionne ses interlocuteurs.

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Noureddine Aoussat.

C’est ce que faisait Napoléon, c’est ce que fait Macron tout comme ses prédécesseurs. A titre personnel, en tant qu’imam en fonction, je n’ai jamais rencontré le moindre responsable politique depuis 1989 ! La politique de l’Etat consiste donc à désigner des interlocuteurs privilégiés mais qui sont la plupart du temps coupés de la base.

Pour un mécanisme démocratique de désignation des représentants

Il faudrait par ailleurs dire clairement que le CFCM est inutile et ne sert à rien. Sur la question du radicalisme par exemple, le CFCM n’a organisé que deux colloques dans un hôtel et, depuis, a été incapable de proposer la moindre mesure préventive pour contrecarrer ce radicalisme sur le plan du discours. Est-il donc réaliste que l’Etat veuille leur confier une mission de prévention dès lors qu’ils en sont incapables ? Je suis réservé sur cette démarche. En attendant que la maturité soit acquise, l’Etat peut donc faciliter et accompagner ce processus en veillant, à titre d’observateur et non d’intervenant, à ce que les réunions de travail aient bien lieu, et en fixant aux acteurs religieux un délai au terme duquel ils puissent déterminer des lignes directrices et des objectifs pratiques à atteindre. Cela permettra d’en finir avec l’arrogance et la condescendance de certaines fédérations musulmanes et de proposer des mécanismes démocratiques de désignation de ces représentants. Que le critère électoral du m² des mosquées cesse d’en être un. Finalement, la question essentielle que l’on peut se poser est : que veut exactement l’Etat ? »

Noureddine Aoussat

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