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Qui est Sadek Beloucif, le président du conseil d’orientation de la Fondation de l’islam de France ?

Professeur des Universités à l’université Paris 13 et à la Sorbonne, chef du service d’anesthésie-réanimation à l’hôpital Avicenne de Bobigny, Sadek Beloucif a été nommé à l’unanimité des membres du conseil d’administration président du conseil d’orientation de la Fondation de l’islam de France, en mars dernier. Mizane Info vous en dit plus sur l’homme, ses idées, son parcours.   

Sadek Beloucif n’est pas connu du grand public musulman. L’homme a été pourtant nommé président du conseil d’orientation de la Fondation de l’islam de France en mars 2017. Le 25 juillet 2017, La Croix lui avait consacré un article. On peut y lire que l’homme, Professeur des Universités à l’université Paris 13 et à la Sorbonne, et chef du service d’anesthésie-réanimation à l’hôpital Avicenne de Bobigny est plutôt apprécié de ses collègues. « Une personne qui a une grande culture ainsi qu’une bonne connaissance du fait religieux musulman » souligne Bachir Bakhti, directeur général de la structure et ancien sous-préfet. « Sa grande culture éthique est très appréciée », commente pour sa part Jean-Pierre Chevènement, lui-même président de la Fondation de l’islam de France. Selon ses représentants, la Fondation de l’islam de France aurait pour ambition de faire émerger et consolider la présence et l’expression de l’islam en tant que culture en France, à la différence du CFCM, chargé lui du culte musulman. L’islam culturel, une notion sur laquelle nous reviendrons.

Un immigré socialement privilégié, « enthousiaste et bavard »

Sadek Beloucif s’est dit aussitôt « honoré » et mesure la responsabilité qui est la sienne dans cette fonction. La nomination de Sadek Beloucif est cependant présentée comme un second choix alternatif au refus de Dalil Boubakeur d’occuper ce poste au prétexte, avait fait valoir le recteur de la Grande Mosquée de Paris, d’une ingérence de l’Etat français dans la gestion de l’islam. Pour en savoir plus sur le parcours de Sadek Beloucif, il faudra se tourner vers Constance Desloire qui dès 2012 avait dressé le portrait du médecin musulman dans les colonnes de Jeune Afrique. On y apprend que Sadek Beloucif est né en 1958 à Annaba (Algérie), « d’un père sénateur d’Afrique du Nord et d’une mère professeure d’anglais », mais qu’il a grandi dans le 14e arrondissement de Paris « dès l’âge de 6 ans ». Un immigré socialement privilégié comme il le reconnait lui-même quand il confie n’avoir « jamais subi le racisme » et avoir « toujours été protégé grâce à (son) milieu social favorisé ». En 1999, Sadek Beloucif est nommé au Comité consultatif national d’éthique (CCNE) par Jacques Chirac. Il restera huit ans dans cette institution où il incarnera la voix musulmane de la bioéthique française. Le nouveau responsable de la Fondation de l’islam de France est décrit par Jeune Afrique comme « une personne qui cherche la mesure et le compromis dans toute chose », « enthousiaste et bavard », féru de littérature et qui « avait des difficultés d’élocution au début de son mandat, qu’il a fait disparaître en quelques mois ». Dans un entretien accordé à Saphirnews, il refuse de critiquer la nouvelle loi qui fait de tous Français décédé un donneur d’organes par défaut s’il n’a pas mentionné son refus de son vivant. « Si la loi a contribué au débat, à ce que les personnes en parlent au sein de leur famille, alors c’est une bonne loi. Ce qu’il faut, c’est du dialogue, qu’il n’y ait pas de dogmatisme. Le but d’une loi, c’est de libérer, pas de contraindre. », commentera-t-il en plaidant le pragmatisme des médecins qui s’enquièrent de cette volonté des défunts.

Nous devons parler maintenant parce que l’islam est devenue une affaire publique et que la situation actuelle est intolérable

Après le terrorisme, prendre position

Mais c’est la vague d’attentats qui a frappé la France dès 2015 qui poussera le spécialiste de bioéthique à prendre position dans le débat public sur l’islam en co-signant une tribune publiée par le JDD et titrée « Nous, Français et musulmans, sommes prêts à assumer nos responsabilités ». Cette tribune qui sera suivie d’un dossier publié par Le Monde marque la montée en puissance médiatique de la bourgeoisie française musulmane issue de l’immigration de la première et seconde génération, une bourgeoisie soucieuse et désireuse d’exercer des responsabilités dans la gestion de l’islam en France. C’est dans sa foulée qu’un rapport de l’Institut Montaigne supervisé par Hakim Karoui, l’un des meneurs de la fronde, dressera les grandes lignes de cet islam de France souhaitée par les classes moyennes de confession musulmanes en voie de sécularisation. Dans la tribune les auteurs justifient leur positionnement ainsi : « Nous musulmans étions silencieux parce que nous avions appris qu’en France la religion est une affaire privée. Nous devons parler maintenant parce que l’islam est devenue une affaire publique et que la situation actuelle est intolérable. » Les signataires mettent également en avant la défaillance du CFCM, son « impuissance » à juguler la violence des jeunes. « Malgré les efforts de personnalités engagées, l’islam de France est – mal – géré par des représentants des pays dont sont issus beaucoup de musulmans français. Cette organisation avait probablement un sens quand les musulmans étaient des immigrés. Or, aujourd’hui, les musulmans de France sont à 75% français. »

Un combat culturel contre l’islamisme radical

Pour y remédier, un programme de combat culturel est affirmé : « Faire le travail historique, anthropologique et théologique qui permet et permettra encore plus demain d’être français et musulman dans une République laïque (…) mener enfin la bataille culturelle contre l’islamisme radical, auprès des jeunes et des moins jeunes, avec les moyens de production les plus modernes et les techniques de diffusion des idées et des informations les plus efficaces (…) C’est à un travail quotidien d’explication, de mise en perspective, d’action sociale et culturelle que nous sommes prêts à nous atteler. En tant que Français, en tant que musulmans. Parce que la France en a besoin. » Si la tribune prête le flanc à de nombreuses critiques (l’islam est un fait politique et public en France depuis au moins la fin des années 80) elle a le mérite d’introduire médiatiquement une classe sociale discrète mais de plus en plus influente dans les réseaux d’état sur cette question de l’islam. Cet appel du pied sera entendu des autorités françaises. Au moment où Bernard Cazeneuve remettra sur les rails la Fondation de l’islam de France initiée à l’époque par Dominique de Villepin, pour garantir une transparence des fonds et financements du culte musulman en France, le nom de Sadek Beloucif reviendra. Cette nomination va lui offrir l’occasion de mettre en œuvre cette notion d’islam culturel dont on peine encore à saisir avec précision les contours. Un coup d’œil sur les projets qu’entend mettre en place le médecin nous éclaire à peine. D’après La Croix, ces projets concernent entre autres « l’apprentissage de l’islamologie, le financement de la formation universitaire « profane », et la mise sur pied d’une commission « femmes » qui entend réhabiliter la figure du féminin dans l’islam ». Peut-être s’agit-il d’un islam sécularisé compatible avec une invisibilité sociale et privilégiant le discours profane de la culture sur les références sacrées de la théologie ou de la morale islamique ?

En vertu de la loi de 1905, je ne peux pas vous demander quelle est votre religion, je ne peux même pas vous demander si vous êtes croyants

« La dimension musulmane passe au second plan de la dimension citoyenne »

Invité de l’émission « Une semaine en France » sur France Culture sur le sujet « Le retour du débat sur l’organisation de l’islam », Sadek Beloucif en dira un peu plus et renforcera la dimension citoyenne des signataires de la tribune sur la dimension religieuse. « (Dans la tribune) Nous voulions mettre l’accent sur la dimension culturelle (de l’islam, ndlr) dans un but et une volonté de cohésion nationale. C’est une réaction en tant que citoyen en tant que Français (…) En vertu de la loi de 1905, je ne peux pas vous demander quelle est votre religion, je ne peux même pas vous demander si vous êtes croyants parce qu’on s’est tués pour cela, c’est du domaine intime (…) La dimension musulmane passe (dans cette mobilisation, ndlr) au second plan de la dimension citoyenne républicaine et culturelle ». Sadek Beloucif aborde finalement cette notion de culture d’islam en citant quelques exemples et en évoquant l’enseignement du fait religieux à l’école. « Le grand écrivain Amin Maalouf (franco-libanais de confession chrétienne maronite, ndlr) (…) il est de culture musulmane. Le petit François qui a vécu toute sa vie au Maroc (…) il est de culture musulmane. Nous avons là une dimension de concorde nationale. La vraie vie c’est d’accepter les questionnements et d’affronter les fondamentalismes. On a besoin de réfléchir, d’introduire de la culture et du doute dans une herméneutique de la spiritualité (…) de se réapproprier cette dimension culturelle pour pouvoir avancer (…) A la conjonction de ces deux éléments (cultuel et culturel), on a par exemple l’enseignement du fait religieux qui est absolument essentiel en France. Cette enseignement du fait religieux permettra de mieux comprendre en pratique qu’est-ce que c’est que la laïcité ».

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