Tasneem Afridi est une jeune femme américaine et musulmane qui vit et travaille à Denver. Dans un témoignage publié en anglais sur le site refinery29.com, elle raconte la manière dont sa vie professionnelle et personnelle sont affectées par la perception de sa religion dans la société américaine. Un témoignage personnel que vous livre, dans sa traduction française, Mizane.info.
Je m’appelle Tasneem Afridi, j’ai 19 ans, et j’étais récemment assis avec un groupe de stagiaires dans une salle de conférence insolite à Denver, pour notre déjeuner hebdomadaire. Tous les yeux étaient posés sur moi. « Non, mais d’où êtes-vous vraiment originaire ? » demande le PDG en fermant les yeux et en hochant la tête avec cette manière particulière que les gens font lorsque vous ne leur donnez pas la réponse qu’ils veulent. « Vous ou vos parents avez immigré de quelque part, n’est-ce pas ? ». Mes origines ne me posent aucun problème – mes parents et moi avons immigré du Pakistan quand j’avais deux ans – mais je déteste être identifié de cette manière. Au cours de mes six dernières années scolaires et professionnelles, je me suis rendu compte que le port d’un foulard est parfois considéré comme une invitation ouverte à une conversation informelle sur mon origine et ma religion. Il y a des moments où ces conversations sont les bienvenues, et d’autres moments où il s’agit de micro-agressions auxquelles je fais face régulièrement. J’ai tout expérimenté : d’une ancienne amie qui me disait que sa mère ne veut pas qu’elle rencontre des musulmans, car ils sont tous des « batteurs de femme » jusqu’à certaines discussions de classe portant sur la question de savoir « si les musulmans devraient être placés dans des camps d’internement ! ». C’est dans ces moments-là que je dois me décider s’il faut parler ou rester silencieuse.
Vivre dans la peur permanente de l’islamophobie
Compte tenu du temps passé avec mes collègues, il est naturel que nous parlions de notre vie personnelle, et je veux contribuer à éclairer mes pairs au sujet de ma foi. Ces discussions sont cruciales, compte tenu de la peur omniprésente qui détermine tous les récits sur les musulmans. Malgré ce genre de situation gênante, je n’ai jamais connu de discrimination flagrante sur le lieu de travail en raison de ma religion. J’ai été très prudente sur le choix de mon lieu de travail, en veillant à ce que la culture de l’entreprise soit ouvertes aux minorités religieuses. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas lorsqu’on interagit avec des clients, des patients ou des candidats.
Chaque fois que ma religion est abordée au travail, je fais de mon mieux pour ne pas m’impliquer trop émotionnellement
J’ai travaillé pour une entreprise sanitaire pendant près d’un an en tant que recruteur. C’était une activité tournée vers la clientèle, mais j’ai eu la chance de pouvoir garder mon anonymat physique – la plupart de mon travail se faisant par téléphone avec des personnes qui recherchaient un emploi, et donc généralement portées à adopter un meilleur comportement. Mais il m’était difficile d’aller au travail le jour où je lisais comment une mosquée était brûlée, alors que je savais que je passais la journée à parler à des gestionnaires d’embauche et des candidats à l’emploi de cette ville. Je me suis rendu compte que les protections dont je jouissais dans mon travail ne dépassaient pas vraiment les murs de l’entreprise.
Intériorisation et expression
J’avais entendu beaucoup d’histoires de femmes musulmanes malmenées par leurs clients. Un de mes amis m’a parlé d’une femme voilée travaillant dans un établissement hospitalier qui a été verbalement agressée par un de ses patients à cause de sa religion. J’ai été soulagé de pouvoir travailler par téléphone, car de ce fait la plupart des gens ne savaient pas que j’étais une femme musulmane, aussi blâmable que cela puisse paraître. Je n’ai pas honte ni peur que les gens sachent que je suis musulmane, mais quand il s’agit de travailler, je veux simplement être traitée comme tout le monde. Je veux pouvoir me concentrer sur mon travail et faire de mon mieux sans me soucier d’être harcelée ou ciblée à cause de ma foi. Chaque fois que ma religion est abordée au travail, je fais de mon mieux pour ne pas m’impliquer trop émotionnellement. Je ne veux jamais créer de tension qui pourrait rendre difficile mon avenir professionnel. J’ai donc beaucoup intériorisé sans jamais crié mes sentiments, mais au cours des cinq dernières années, j’ai décidé de canaliser une partie de cette énergie dans ma chaîne YouTube.
A lire sur le même sujet :
–« Islamophobie », Marwan Mohammed