Le 29 janvier 2017, un terroriste armé faisait irruption au Centre culturel islamique de Québec, tuant six musulmans. Huit ans plus tard, au delà des multiples commémorations au Canada, l’auteure Amira Elghawaby rappelle dans un texte, publié sur le site Le devoir, que ce douloureux anniversaire « ne doit pas seulement être un moment de deuil national, mais aussi un appel à l’action contre la haine islamophobe ».
Il y a huit ans aujourd’hui, six musulmans canadiens étaient assassinés dans leur lieu de culte à Québec, un acte horrible de haine islamophobe qui a profondément ébranlé notre pays. Cette tragédie n’est pas seulement une attaque contre l’identité religieuse des victimes, mais aussi une attaque contre le droit universel de pratiquer sa foi librement et sans crainte.
Ce douloureux anniversaire nous rappelle que ces libertés restent fragiles et menacées, tant au Canada que dans le reste du monde. Elles sont minées par l’ignorance, la haine et des héritages préjudiciables, tels que la « guerre contre le terrorisme », qui en stigmatisant les uns a échoué à préserver la sécurité de tous, perpétuant ainsi la peur et la division.
Les actes islamophobes en forte hausse au Canada
L’attaque à la mosquée de Québec en 2017 coïncidait avec le lancement du cadre « La foi pour les droits » de l’Organisation des Nations unies (ONU), qui fait partie de la Déclaration de Beyrouth. Cette initiative reconnaît que les droits de la personne et la liberté de croyance s’épanouissent lorsqu’ils sont fondés sur le respect mutuel et la reconnaissance de la diversité, tant au sein des communautés religieuses qu’entre elles. Pourtant, près d’une décennie plus tard, nous sommes encore contraints de lutter pour maintenir cette vision.
Au Canada, les crimes de haine contre des groupes religieux signalés par la police ont augmenté de 67 % en 2023, dont une hausse impressionnante de 94 % des crimes de haine visant les musulmans canadiens.
Une enquête nationale réalisée en 2023 a révélé que l’islam reste la religion la moins bien perçue parmi les principales religions du Canada, tandis que les perceptions négatives de la religion en général ont augmenté au fil des ans. Ces tendances se reflètent à l’échelle mondiale, soulignant que l’islamophobie et l’intolérance religieuse ne sont pas des problèmes uniquement canadiens, mais font partie d’une crise internationale plus vaste.
Nombre de Canadiens ont du mal à accepter les expressions de la foi de leurs concitoyens, alors même que la haine et la discrimination à l’encontre des minorités religieuses restent élevées et constituent une menace permanente pour la sécurité et le bien-être des individus, des communautés et de notre démocratie dans son ensemble.
Défendre les droits et la liberté de religion
Ce mois-ci, la Cour suprême du Canada a accepté d’entendre l’affaire de la « loi 21 », qui continue d’empêcher les Canadiens de porter des « symboles religieux » dans certaines professions publiques. Trois rapporteurs spéciaux des Nations unies ont exprimé des inquiétudes quant à la violation potentielle du droit international en matière de droits de la personne, y compris la liberté de religion. Le gouvernement fédéral s’est engagé à défendre ces droits protégés.
Face à ces défis, il est important de souligner que la religion n’est pas monolithique. Au sein de l’islam, par exemple, il existe une grande diversité de traditions, d’interprétations et de pratiques autant qu’il existe de personnes de confession musulmane, chacune ayant sa propre expérience et sa propre expression de la foi.
Au-delà des structures religieuses formelles, de nombreuses personnes trouvent un sens à la spiritualité, aux principes éthiques ou à l’appartenance à une communauté qui transcendent les définitions traditionnelles de la « religion ». Le risque, lorsque la religion et la spiritualité sont considérées sous un angle purement négatif, est donc de perdre de vue leurs contributions vitales à la société.
Contribuer à la société canadienne
Les communautés ayant des croyances spirituelles — les enseignements autochtones qui honorent tous les êtres vivants, les principes islamiques, chrétiens et juifs de charité, et le bien commun prôné par toutes les traditions religieuses — soutiennent depuis longtemps les plus vulnérables d’entre nous. Ces communautés s’associent à leurs concitoyens canadiens pour gérer des banques alimentaires, financer des refuges pour femmes, fournir une aide internationale et encourager la responsabilité civique.
Elles construisent également des ponts, favorisant la solidarité interconfessionnelle et donnant un sentiment d’appartenance et d’utilité dans un monde de plus en plus fragmenté. Pour toutes ces raisons, en ces temps de discorde, nous devons activement contrer les discours qui présentent la religion ou la spiritualité comme dangereuses ou contraires au progrès.
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Nous devrions plutôt créer des occasions de dialogue constructif et de collaboration interconfessionnelle, lutter contre les discours haineux et la désinformation en ligne, et promouvoir la compréhension et le dialogue dans les écoles. Ces efforts contribueront à construire une société inclusive où tous les Canadiens, quelles que soient leurs croyances, se sentent valorisés et en sécurité.
Un appel à l’action
Alors que nous réfléchissons aux vies perdues dans l’attentat de la mosquée de Québec, réaffirmons notre engagement à créer un monde où les droits de la personne et l’expression spirituelle se renforcent mutuellement. Comme le rappelle la Déclaration de Beyrouth : « L’expression individuelle et communautaire des religions ou des croyances se développe et s’épanouit dans des environnements où les droits de la personne sont protégés ».
Cet anniversaire ne doit pas seulement être un moment de deuil national, mais aussi un appel à l’action — contre la haine, pour la compréhension, et pour un Canada qui valorise vraiment toutes les formes de diversité.
Amira Elghawaby
Auteure et représentante spéciale chargée de la lutte contre l’islamophobie