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Ibrahim Alci (CCMTF) : « Aujourd’hui, les musulmans veulent être bien représentés »

Ibrahim Alci est le président du Comité de coordination des musulmans turcs de France (CCMTF), l’une des fédérations du Conseil Français du culte musulman. Assez discret dans les débats publics sur le CFCM, la rédaction de Mizane.info a voulu connaître sa lecture des événements qui ont conduit au retrait de 4 fédérations et en savoir plus sur le travail de son organisation. Exclusif.

Mizane.info : Depuis la polémique sur le Conseil national des imams, la charte et la sortie fracassante de quatre fédérations, le CFCM est en proie à une forte scission. Beaucoup d’acteurs associatifs musulmans se sont publiquement exprimés mais on ne vous a pas beaucoup entendu. Quelle est votre lecture de ces derniers développements ?

Ibrahim Alci : Revenons au commencement. Nous avons travaillé ensemble de manière collégiale avec les autres fédérations musulmanes sur cette charte jusqu’au 15 décembre. Ensuite, il y a eu plusieurs épisodes. La sortie médiatique de Chems Eddin-Hafiz et le rendez-vous au ministère le 16 janvier avec une nouvelle synthèse sur la charte.

Au départ, des modifications sur le texte de la charte étaient possibles. Certains termes ne nous convenaient pas. Mais certains acteurs n’ont plus voulu de modifications et ne nous ont pas laissé le choix. Par exemple, pour nous il n’y a pas d’islam de France mais un islam en France. L’islam est universel. Il valait mieux trouver une charte qui conviennent à tout le monde qu’à seulement quelques personnes.

A partir du moment où nous n’avions pas signé la charte, nous avons été taxés d’antirépublicains par des acteurs politiques, alors que nos imams du Ditib sont tous apolitiques, ils n’ont pas à parler de politique dans leurs prêches.

Nous étions en train de créer le CNI tous ensemble. Ensuite, il y a eu la charte. Entretemps, les 5 fédérations signataires de la charte voulaient créer une association et y faire entrer des personnalités qui ont pourtant refusé de signer cette charte comme l’imam de Bordeaux Tareq Oubrou, le recteur de la mosquée de Lyon, Kamel Kabtane ou Azzedine Gaci. Mais Moussaoui a expliqué à un moment donné dans les réunions que les branches turques sont importantes. Les autres fédérations ne voulaient pas travailler avec les trois fédérations qui n’avaient pas signé la charte. Résultat, comme elles n’avançaient plus sur le CNI, elles ont décidé de créer leur propre Coordination avec comme excuse une réunion destinée à la nomination d’un aumônier des prisons. Réunion à laquelle elles ont été toutes invitées. Est-ce que cette nomination est une mauvaise chose pour les musulmans ? Non.

Regardons juste la représentativité des fédérations qui ont créent cette coordination au service des musulmans. La FFAICA pèse 0 délégué. MF 1 délégué. Le RMF 5 et la GMP 6 délégués. Au total, 12 délégués. En face, l’UMF 18 et les fédérations turques 11 délégués, ce qui fait 29 délégués. Ne nous voilons pas la face. Aujourd’hui, que veulent les musulmans ? Ils veulent être bien représentés.

Comment comprenez-vous que Musulmans de France s’associe à la Grande Mosquée de Paris étant donné leurs fortes divergences ?

A un moment donné, si on raisonne comme cela, cela est triste de constater qu’on ne travaille pas pour les musulmans mais juste pour un fauteuil. Il faut s’asseoir sereinement et discuter ensemble. L’unité est importante car on fait beaucoup de mal aux musulmans en affichant ces divergences. beaucoup de mosquées indépendantes refusent de s’adosser au CFCM pour ces raisons-là.  J’invite tout le monde à revenir sur le terrain et à être à l’écoute des attentes des fidèles. Arrêtons de bloquer le travail de ceux et celles qui veulent avancer. De notre côté, nous aimerions bien connaître la position de Moussaoui sur le Conseil national des imams étant donné les circonstances.

Votre présidence était prévue pour 2024. Qui va prendre la place de Hafiz pour la présidence de 2022 ?

Ce n’est pas ce qui est important. Mon sujet prioritaire est qu’en 2024, il n’y aura plus d’imams qui pourront venir officier de l’étranger (le système de délégation d’imams formés à l’étranger a été interdit par le président Macron, ndlr). Comment vais-je faire pour mes 270 associations ? Voilà notre préoccupation. Pour y remédier, nous réfléchissons à la création d’un institut de formation. On peut se poser la question : en France, est-ce que ce sont ces imams importés qui posent problème ? Est-ce que ces imams font de la politique ? La réponse est non, pas à ma connaissance. Ces imams sont notre soupape de sécurité car s’ils viennent à manquer, nous nous retrouvons sans imams. En tant que président d’une association musulmane à Roubaix qui comporte six lieux de culte, nous avons dû fermer par exemple notre mosquée pour la prière du vendredi car nous ne pouvions pas recevoir tous les fidèles et garantir les mesures de sécurité sanitaire. Ce sont celles-là, nos réalités de terrain.

Est-ce que le problème ne se pose pas dans l’autre sens : est-il normal que les mosquées en France dépendent des pays étrangers pour avoir leurs imams ? Ne faut-il pas leur donner les moyens de leur autonomie ? Quid du statut de l’imam ?

Cela fait dix ans que je le dis au niveau national. Tant que nous n’étions pas au bout du tunnel, les choses n’avançaient pas. Maintenant que nous le sommes, l’agitation se produit. Il y a des formations pour imams qui sont proposés déjà dans des universités ou des établissements privés. La question du financement avait été posée sur la table par l’AMIF. Les pistes sont un financement via des taxes sur le pèlerinage, le marché de la viande halal, etc. Nous avons également demandé un statut de l’imam. La plupart des mosquées peuvent financer la fonction de l’imam. Mais si la mosquée est essentielle, il y a aussi les activités culturelles et éducatives. Les attentes sont importantes, nous sommes à un tournant.

Vous êtes le président de la CCMTF qui est la première organisation musulmane franco-turque en nombre d’associations. Comment se passe le prêche du vendredi dans vos associations ? Qui détermine les sujets de la jumu’a et dans quelle langue ?

La Diyanet (ministère des Affaires religieuses en Turquie, ndlr) propose les sujets de prêche au Ditib. Les imams de chaque mosquée en accord avec le président de l’association locale les utilisent ou ne les utilisent pas. Il n’y a pas d’obligation à utiliser ce sujet de prêche, les imams peuvent choisir leurs sujets. Nous voulions faire la même chose avec le CFCM en proposant aux mosquées des sujets de prêche sur le vivre-ensemble, l’altérité, les valeurs, etc. On se souvient tous avoir entendu certains prêches dans le passé interdire le vote aux élections car soi-disant haram. Ce n’est pas notre discours. Nous disons nous que voter est un acte citoyen important et qu’il faut le recommander. Les primo-arrivants turcs dans nos associations sont arrivés il y a déjà cinquante ans. Ils ont travaillé et ont contribué à leur manière en faisant ce qu’ils pouvaient. Nous essayons à notre tour de raviver cette flamme. Il y a aujourd’hui toutes affiliations confondues 400 associations franco-turques sur le territoire national. Les prêches sont faits en turcs et français car nous n’avons pas que des fidèles turcs dans nos mosquées. 65 % des fidèles de nos mosquées sont Franco-turcs.

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