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Le sénat, la droite et le voile : enseigner la haine !

Le vote en première lecture de la loi contre le séparatisme a été l’occasion pour les sénateurs de droite de faire voter un amendement interdisant le port de signes religieux aux sorties scolaires. Une attaque visant les mères voilées accompagnatrices et anticipant une nouvelle campagne politique présidentielle sous le signe du rejet et de l’exclusion. Récit d’un frisson national dans un billet-requiem quasi fictionnel, sur Mizane.info.

« A bas les mères voilées ! Qu’on les mette à mort socialement en les excluant partout et toujours, autant qu’on le pourra ! » Qu’ils sont nombreux, ces temps-ci, à vouloir chantonner cette Nouvelle Marseillaise !

Dans les couloirs du Sénat, l’hymne odieux a été scandé avec une ferveur extatique sans équivalent.

« Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs ! Hélas, la loi du 15 mars 2004 n’a pas suffi. J’en prend l’assistance à témoin, la Bête mahométane est toujours là. Ses crocs aiguisés comme des rasoirs, sa fourrure au poil sombre et rugueux, son regard de braise qui nous fixe avec détermination : tout nous porte à croire, mes chers compatriotes, que la bataille sera longue et sans merci. Notre seul espoir de salut est d’étendre les mailles du filet en espérant que la louve orientale s’y prendra les pieds ! »

Une ferveur « républicaine » peinant toutefois à dissimuler complètement une angoisse présente de la mort. Le frisson instinctif précédant la fin ou peut-être la perspective certaine d’un retour imminent dans le néant qui les a vu naître a donc poussé bon nombre de ces chasseurs lugubres du soir à opter pour une approche radicale.

Enfiévrés par les cris d’orfraie du maréchal Philippe Eric de la Zemmourerie, galvanisés par les fracas stridents d’une meute canine à l’assaut d’une proie désignée par le regard lubrique de ces seigneurs tout droit sortis du Bois de Vincennes, la chasse à l’homme inhumaine contre ces femmes, ces mères, ces prêtresses de la vie, fouette encore et toujours le visage d’une France muette et ensanglantée par ses enfants naturels.

L’apprentissage de la haine est un programme lent, long et minutieux. C’est qu’on ne se figure pas la difficulté d’éduquer toute une génération de soldats, de leur enseigner à haïr. Haïr demande beaucoup d’énergie et une bonne raison. Quand on n’a ni l’un, ni l’autre, difficile de lever des armées de conscrits. Alors il faut recourir au mercenariat et quelqu’un devra payer la facture, qu’importe le prix.

Les quatre cavaliers de l’Apocalypse, illustration.

Cet impôt de la haine doit être, bien entendu, prélevé à la source et la source est la mère.

Briser les mères, vous briserez des Nations.

Enlevez-leur leur dignité, violer leur pudeur, humilier leurs rejetons ! Bientôt, le bruit des souliers agrémentés de pointes et le cliquetis des dagues urbaines de ces enfants soldats mués en adultes précoces, viendront agrémenter vos oreilles et ouvriront ce bal du Chaos que nous vous annoncions tantôt, et ce en dépit de vos mimiques incrédules.

En ces temps de grande Inquisition laïque, une voix se fit entendre : « Au diable les demi-mesures. Je propose qu’on supprime de la Marseillaise ce passage manifestement anti-laïque :

« Grand Dieu ! par des mains enchaînées

Nos fronts sous le joug se ploieraient

De vils despotes deviendraient

Les maîtres de nos destinées ! »

Dieu ! Le mot fatal fut prononcé et par lui seul l’éruption fut déchaînée.

Et si des fois, ces mamans tendaient l’oreille, peut-être sauraient-elles capter ce couplet et le reprendre, comme la réponse d’un cœur tragique à un chœur comique. Ce que nous appellerions une esthétique spirituelle et magistrale du retournement apte à nous faire comprendre ceci : ces mamans brisées, ces mamans martyrisées, ne sont pas des mères libérées mais libératrices de nos préjugés.

Ce voile, que nous voulions tant faire tomber au point de nous y précipiter et d’y trébucher, recouvrant par cette geste obsessionnelle la France d’un drap sombre de honte et d’intolérance, fut notre linceul. Et leur devise. Aux enfants Maures, pour la patrie !

Fouad Bahri

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