Plusieurs ouvrages consacrés à la doctrine d’Ahmadou Bamba, fondateur de la confrérie des Mourides, ont été publiés. L’occasion de revenir sur la vie et l’œuvre d’un des mystiques les plus influents de l’époque contemporaine.
Implantée au Sénégal et en Gambie, la confrérie des Mourides exerce depuis sa fondation une influence prépondérante sur l’islam confrérique de l’Afrique de l’ouest. Mais que sait-on exactement de la vie et de la doctrine de son fondateur, Ahmadou Bamba ? Pour répondre à cette question, trois ouvrages ont été publiés.
Aux éditions Albouraq tout d’abord. Dans la collection « Je veux connaître », un ouvrage intitulé « Cheikh Ahmadou Bamba Joyau de la sainteté (1853-1927) » écrit par Abdallah Fahmi expose la vie et les positions ésotériques du plus célèbre maître spirituel africain avec Ahmed Tijani (1737-1815).
Ahmadou Bamba, joyau de la sainteté
L’intérêt du livre est de présenter un texte biographique qui entrelace assez harmonieusement les dimensions historiques, spirituelles, théologiques et politiques de la vie d’Ahmadou Bamba. Un ouvrage de l’intérieur rédigé par Abdallah Fahmi, membre de la confrérie mouride.
« La nouvelle communauté, écrit l’auteur, attirait de nouveaux disciples en quête d’un guide spirituel reflétant les qualités prophétiques et non d’un simple enseignant. Les mourides se détournaient de tout pour rester dans le sillage de leur Cheikh, soit pour apprendre le fiqh, le Tawhid et le tassawwuf, soit pour le service (khidma). Cette notion du service est fondamentale dans le mouridisme, car elle permet à toutes les couches de la société d’adhérer à la nouvelle voie, chacun à la mesure de ses capacités et de ses possibilités. »
Persécuté par les autorités coloniales françaises, qui voient d’un mauvais œil son influence grandissante auprès des populations sénégalaises, Ahmadou Bamba verra sa vie marquée par onze années d’exil. Une attitude relevant davantage de la méfiance des colons que de la connaissance, le cheikh Bamba n’enseignant aucune doctrine politique, au grand désespoir de plusieurs leaders locaux.
« Lat-Dior (roi du royaume de Cayor) se rendit auprès du Cheikh, poursuit Abdallah Fahmi, pour se plaindre de ce qui lui était arrivé (sa destitution par les Français, ndlr). Le Cheikh lui dit que telle était la volonté d’Allah qui fait triompher sa religion même par le concours des infidèles. Il lui rappela les exactions des Thiedos, les razzias incessantes, l’insécurité, leur participation à la traite négrière et tous les maux subis par les populations sous le régime des Thiedos.
Il lui expliqua que les guerres ne font que des morts et des malheureux alors que la paix permet de propager l’islam parmi les populations, afin d’accorder leurs âmes avec leur Seigneur. Il vaut mieux convertir les gens à l’islam que de les pousser à la mort en état de mécréance : Quand tout le pays sera musulman, les Français ne pourront plus rester et partiront sans façon. »
L’investiture spirituelle d’Ahmadou Bamba
Le fondateur de la ville de Touba, au Sénégal, aurait reçu son investiture spirituelle à l’approche de ses quarante ans. Une investiture sous la forme de la vision du Prophète (PBDSL), et passage indispensable pour toute fondation d’une nouvelle voie.
« Après cinq années de retraite à Touba dans sa maison de Dar Qudous, le Cheikh reçut la visite du Prophète Mohammad صلى الله عليه وسلم , qu’il vit à l’état de veille. Le Prophète صلى الله عليه وسلم lui signifia qu’il avait atteint la plus haute réalisation spirituelle, et qu’il pouvait postuler à la fonction suprême de la spiritualité, celle du Qutb Gawth, car il était dorénavant l’égal de Cheikh Abdelkader Jilanî, de Cheikh Aboul Hassan Chadhili et de Cheikh Ahmad Tijanî.
Seulement, il ne pouvait occuper la fonction qu’après l’âge de quarante ans ; or Cheikh Ahmadou Bamba n’avait que trente-neuf ans et neuf mois, et son désir était de servir le Prophète صلى الله عليه وسلم et d’être toujours avec lui à l’instar des compagnons de Badr.
Le Prophète صلى الله عليه وسلم lui rappela que toute chose a son prix auprès d’Allah et que les épreuves, pour obtenir ce privilège, sont au-dessus des possibilités humaines, car nulle bataille ne peut égaler celle de Badr. Celui qui s’engage dans cette voie, pour relever ce défi, ne doit jamais se plaindre des épreuves qui l’accablent et doit accepter tout ce que son Seigneur décide pour lui. Mais, s’il faillit à sa mission, il risque de perdre tous ses acquis.
Le Cheikh insista et déclara que son amour était tellement sincère et puissant que si AllahU le laissait en vie, il réussirait toutes les épreuves et ne se rétracterait jamais. Sa requête fut acceptée et il quitta sa ville, Touba, pour remplir ses engagements. »
Massalik al jinan, les chemins du paradis
Ouvrage clé de la vie et de la doctrine du cheikh Bamba, Massalik al-Jinan a été traduit en français. Un ouvrage sous forme de versification, méthode d’exposition doctrinale privilégiée par le cheikh Bamba. Une première traduction, dans la collection Héritage spirituel du même éditeur (Albouraq) a été fournie par le même auteur (Abdallah Fahmi), sous le titre « Itinéraires du Paradis ». Centrée sur la communication du livre, simple et accessible, l’ouvrage fait 139 pages, au prix de 12€.
Une seconde édition du livre, intitulé « Les chemins du Paradis », a été récemment publié aux éditions I en collaboration avec l’institut ash’arite. Un ouvrage bilingue, traduit de l’arabe par Abdallah Penot, l’un des auteurs d’une traduction du Coran en français et préfacé par Didier Hamoneau. Un livre de 339 pages contenant une annotation détaillée et un glossaire en fin d’ouvrage. Une notice biographique fournit une présentation des savants mentionnés dans le livre. L’ouvrage coûte 24 €.
Que contient Massalik al Jinan ? Une exposition des aspects théoriques et pratiques du tassawwuf, une présentation des réalités de la wilaya (sainteté), de la machyakha (autorité spirituelle), du ta‘alluq (rattachement initiatique), de l’adab (courtoisie spirituelle), du coran (récitation-méditation), du wird (litanie), du dhikr (oraison), du fikr (spéculation-méditation).
Un ouvrage « condensé » de règles essentielles, écrit Didier Hamoneau, dans sa préface d’un ouvrage essentiel. « Certains livres accompagnent une vie. Les chemins du Paradis du cheikh Bamba est de ceux-là », écrit-il.
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