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Le système de santé français va-t-il survivre ?

Le système de santé français va-t-il survivre ? Mizane.info

Confronté à une profonde crise structurelle et aux conséquences de la pandémie de Covid-19, le système de santé français vit-il ses derniers jours ? Pour en savoir plus, retour sur les principaux problèmes auquel ce système fait face.

Le système de santé français est lourdement grippé. C’est le moins qu’on puisse dire. Et au vu de son évolution actuelle, il pourrait vite se retrouver aux soins intensifs. Comment un système sanitaire réputé pour sa qualité et son équité a pu en arriver là ? Pour le comprendre, il faut saisir la conjonction de deux séries de problèmes : une crise tendancielle structurelle liée à la libéralisation sauvage du système de santé français décidé par les gouvernements successifs et par les critères imposés par l’Union européenne. A cela, s’ajoute les conséquences de la dernière pandémie de Covid 19 qui a fortement ébranlé les institutions médicales françaises.

L’orientation libérale prise par les politiques européennes ont fait de l’hôpital public un parent pauvre et non rentable auquel il fallait substituer des structures privées autofinancées. Confronté à une dette publique abyssale, 2 956,8 milliards d’euros soit 113,7 % de son Produit intérieur brut, la France privatise à tout va les secteurs les plus stratégiques de la nation. La santé (hôpitaux privés), l’éducation (écoles privées), sont privilégiées au détriment des écoles et hôpitaux publics dont les budgets se réduisent drastiquement. Cette politique ultralibérale a eu pour résultat de plonger la France dans une phase de paupérisation élevé (10 % de la population vit sous le seuil de pauvreté) qui n’a pas toujours accès aux soins ou à l’éducation.

Les maladies des voies respiratoires : un cas d’école

La fermeture d’hôpitaux et de cliniques publiques en pleine crise du Covid-19 avait illustré avec violence le caractère aveugle et brutal de cette politique. Plus proche de nous, cet hiver, la recrudescence des maladies des voies respiratoires a mis en avant la faiblesse des capacités d’accueil des hôpitaux publics, les seuls à garantir un service d’urgence de nuit (de nombreux hôpitaux privés ferment leurs urgences la nuit).

Confrontés à une grippe hivernale beaucoup plus agressive que les précédentes années, à la bronchiolite pour les nourrissons (2000 ont été hospitalisés) et à certains cas de Covid (tendance légère à la baisse), les urgences se sont retrouvées saturées.

D’après les données Oscour des établissements de soin, le nombre de passages aux urgences pour syndrome grippal avait atteint 12 483, soit 84 % de plus pour cette période. Dans tout le quart nord-ouest et l’Île-de-France, on a assisté à 500 passages/jour aux urgences pour syndrome grippal (pour 10 000 passages). 94 cas graves de grippe admis en réanimation et 152 signalements d’épisodes de cas groupés d’infection respiratoire dans des établissements médico-sociaux, dont 40 épisodes confirmés pour la grippe, avaient été par ailleurs signalés selon Santé publique France.

A Bourges, 25 heures de délai d’attente !

Les autorités sanitaires ont donc rappelé les personnes à risque à se faire vacciner contre la grippe et le Covid-19.

Sur BFM TV, le professeur Rémi Salomon, président de la commission médicale de l’AP-HP, soulignait que « les urgences sont saturées partout, ça déborde de partout ».  

Cette saturation place le personnel médical, déjà malmené durant la mauvaise gestion de la pandémie en France, en surtension permanente. Le manque de personnel médical provoque même des fermetures temporaires de services ou d’établissement hospitaliers.

C’est le cas dans la ville de Cavaillon où la direction de l’hôpital a décidé de fermer les urgences de nuit pour trois mois. Pierre Pinzelli, directeur des centres hospitaliers d’Avignon et Cavaillon, s’en est expliqué sur France 3.

« Aujourd’hui notre effectif présent ne nous permet plus de maintenir ces urgences ouvertes 24 heures sur 24« , a-t-il expliqué.

Ailleurs, le délai d’attente explose. A Bourges, « le délai d’attente est, en moyenne, de 25 heures quand il ne s’agit pas d’une urgence vitale. »

Pénurie de médicaments

Fait plus exceptionnel, la France s’est aussi retrouvée en pénurie de plusieurs médicaments. Parmi eux les médicaments à base de paracétamol (Doliprane, Efferalgan, Dafalgan) employés pour faire baisser la fièvre et soulager les douleurs (grippe ou Covid-19).

« On est toujours en flux tendu sur les molécules de première intention pour les maux de l’hiver: paracétamol, amoxicilline, corticoïde, résume Philippe Besset, président de la Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France (FSPF), cité par la revue médicale Notre temps. Mais on espère une amélioration avec une décélération de l’épidémie de grippe. »

L’amoxicilline, un antibiotique, demeure aussi difficile à se procurer, et ce n’est pas le seul.

« Il manque un médicament anti-rejet, le betalacept, nécessaire pour les patients greffés du rein. C’est extrêmement grave, alerte Catherine Simonin. De nouveaux patients ne peuvent bénéficier de cet antirejet et s’il y a une rupture sèche, certains risquent de perdre leur greffe ! » Selon l’l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), cette pénurie devrait durer jusqu’au troisième trimestre 2023.

Même difficulté pour le BCG intravésical, utilisé dans le traitement du cancer de la vessie.

Une production en flux tendu

L’ANSM a mis en garde. « Toutes les classes de médicaments sont concernées par les ruptures de stock ou tensions d’approvisionnement, mais 3 classes parmi les MITM (les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur, c’est-à-dire ceux dont l’indisponibilité peut entraîner un risque de santé publique) sont plus particulièrement exposées: les anti-infectieux, les médicaments du système nerveux et les médicaments du système cardiovasculaire. »

Les causes de cette pénurie sont liées au triplement de la consommation de certains médicaments comme le paracétamol depuis le Covid 19. La production n’a pas suivi. « Cela fait deux ans que la production se fait en flux tendu alors qu’avant, les pharmaciens pouvaient reconstituer leurs stocks dans les périodes de creux », explique l’ANSM

Depuis le 1er septembre 2021, les laboratoires pharmaceutiques avaient l’obligation de constituer un stock de sécurité de deux mois pour tous les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM)

Mais les besoins nécessitaient des réserves doubles, de quatre mois, selon les observateurs. La mise à niveau des stocks avec les besoins réels a donc pris du retard.

Quel public est le plus visé ?

Les étrangers et les mineurs arrivent en tête des publics exclus des dispositifs sanitaires. La mise en place du pass sanitaire avait déjà fermé les portes aux premiers.

L’ONG Médecins du Monde qui disposent de centre d’accueils en France a effectué une étude sur les publics en difficulté sanitaire. Sur 15 355 personnes prises en charge dans ces centres d’accueil, de soins et d’orientation (Caso) , soit 1 000 personnes de plus qu’en 2020, 97% sont de nationalité étrangère et plus de la moitié (53%) sont en situation irrégulière. Il s’agit majoritairement d’hommes (68%) jeunes (51% ont entre 18 et 34 ans).

La quasi totalité de ce public est sans logement fixe et cette situation prime sur leur santé. Les difficultés d’accès à la langue et les barrières administratives ont également contribué à les écarter de l’accès aux soins.

« Même constat concernant les mineurs, explique France Info : 87,2% des moins de 18 ans auscultés par Médecins du monde en 2021 n’avaient pas accès aux remboursements de soins ou de médicaments, alors que légalement, c’est leur droit. En cause : les difficultés administratives et la méconnaissance des structures, selon la fondation.

Une dette hospitalière

L’accès à la vaccination contre le Covid 19 a mis en lumière des différences. 75% des personnes en situation de précarité ont reçu au moins une dose de vaccin contre le Sars-Cov-2, contre 89,3% de la population générale. Et 72,7% d’entre elles une vaccination complète contre 87,3% de la population générale, d’après Santé publique France.

L’hôpital de Cavaillon.

« Dans certains hôpitaux, le service des urgences saturé refuse parfois de prendre en charge des patients sans droits, crée une dette hospitalière ou encore ne mènent pas à terme l’acte de soins (ordonnance sans délivrance de traitements) » alors que « pour les publics en grande précarité les services des urgences constituent un ultime recours« .

A Nantes, « le service de gynécologie obstétrique suit les femmes enceintes en précarité seulement à partir du cinquième mois de grossesse. En sous-effectif, le service ferme régulièrement l’entrée à de nouvelles patientes. » 

Le forfait patient urgence en débat 

Autre inquiétude, la mise en place du forfait patient urgences institué en janvier 2022 instaurant un tarif unique de 19,61 euros par passage aux urgences non suivi d’hospitalisation et non remboursé pour les personnes qui ne disposent pas de complémentaire santé. Une tarification supplémentaire qui là encore fera office de barrière pour les plus pauvres.

« Ce forfait risque fortement d’augmenter les inégalités en impactant des publics sans droits ou avec des droits au rabais, déjà éloignés des soins« , pointe la fondation. « C’est le cas des trois millions de personnes sans complémentaire santé, pourtant particulièrement fragiles et vulnérables (chômeurs, retraités, petits indépendants notamment). »

Pour tenter de renverser la tendance, obtenir des améliorations de leurs conditions de travail, de rémunération, d’effectifs, les personnels médicaux ont donc ouvert dans toute la France des journées de grève depuis le 10 janvier, à l’appel des syndicats nationaux (CGT, Force Ouvrière) et des médecins libéraux. Une grève très suivie qui ouvre un nouveau rapport de force social décisif avec le gouvernement d’Emmanuel Macron en ce début d’année 2023.

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