Près de 800 migrants, tentant de rallier l’Europe, sont morts noyés au large de la Tunisie au cours des six premiers mois de l’année. Un chiffre effroyable s’ajoutant aux centaines de migrants expulsés de force dans le désert près des frontières de la Libye et de l’Algérie. Un drame sans solution dénoncé par l’ONU et Amnesty international. Zoom.
D’après la Garde nationale tunisienne, 789 corps de migrants ont été repêchés en mer, dont 102 Tunisiens au cours des six premiers mois de l’année. En grande majorité, des ressortissants venus d’Afrique subsaharienne, ces victimes tentaient de rallier clandestinement l’Europe.
Selon l’ONG Human Rights Watch, sur le sol, plus de 1 200 personnes ont été renvoyées vers la frontière avec la Libye et avec l’Algérie. Le Croissant rouge tunisien a secouru quelque dizaines d’entre eux mais plusieurs centaines de migrants ont été bloqués dans la zone désertique de Ras Jdeir.
Deux agences de l’ONU (HCR et OIM) appellent tous les pays concernés « à respecter leurs obligations juridiques internationales envers les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile. »
Des migrants abandonnés dans le désert
Depuis début juillet, à la suite d’affrontements ayant coûté la vie à un Tunisien, des centaines de migrants ont été expulsés de Sfax, deuxième ville de Tunisie.
Si certains ont été déplacés vers divers centres urbains à travers la Tunisie, d’autres ont tout bonnement été abandonnés dans le désert par les autorités tunisiennes, près de Ras Jdeir à la frontière libyenne. Des témoins sur place affirment :
« Les Libyens ne nous permettent pas d’entrer sur leur territoire, et les Tunisiens nous empêchent de revenir »
Les migrants sont exilés sans eau potable ni nourriture, hormis le peu d’aide qui arrive au compte-goutte par l’intermédiaire du Croissant rouge libyen. Les garde-frontières libyens indiquent qu’il y aurait deux groupes d’une centaine de personnes composés notamment de femmes et d’enfants.
Mercredi 26 juillet, l’ONG Médecins du Monde a appelé les autorités tunisiennes à faciliter l’accès des organisations de la société civile dans cette zone, sans succès pour le moment.
Deux agences de l’ONU expriment leurs préoccupations
L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) ont exprimé leur préoccupation concernant la sécurité et le bien-être de centaines de migrants qui restent bloqués dans des conditions désastreuses près des frontières du pays avec la Libye et l’Algérie.
Le HCR et l’OIM appellent tous les pays concernés à respecter leurs obligations juridiques internationales envers les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile.
« Les droits humains des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile doivent être respectés conformément au droit national et international. »
Dans un communiqué conjoint publié jeudi, les deux agences onusiennes se sont dit prêtes « à aider les autorités à résoudre la situation actuelle d’une manière humaine et fondée sur des principes qui respectent les droits de tous ».
Un accord financier avec l’UE
Le 16 juillet, un protocole d’accord a été signé prévoyant d’apporter une aide financière européenne à la Tunisie en vue de dissuader les mouvements migratoires en direction de l’Europe.
Pour la directrice du Bureau d’Amnesty International auprès des institutions européennes, Eve Geddie, « c’est un accord mal avisé qui rend l’UE complice des violations des droits infligées aux migrants » :
« Cet accord mal avisé, signé en dépit des preuves de plus en plus nombreuses de graves atteintes aux droits humains commises par les autorités, se traduira par une dangereuse expansion de politiques migratoires ayant déjà échoué. »
La directrice d’Amnesty dénonce un accord « négocié sans consulter la société civile » auquel il manque plusieurs garanties essentielles en matière de droits humains.
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