Ce samedi 11 novembre commémorera le 19e anniversaire de la mort, à l’âge de 75 ans, du chef emblématique de l’OLP, Yasser Arafat. Faouzia Zebdi-Ghorab lui rend un hommage à lire sur Mizane.info.
Mais on ne commémore pas même la naissance du Saint Prophète Mohammad (PSDL), alors que dire de solenniser la mort d’un homme (Yasser Arafat), ni Prophète, ni saint, ni messager…
Il est en effet scandaleux pour certains, de rappeler à la mémoire de tous une date de naissance ou de mort. Il suffit, nous dit-on, de rappeler à notre bon souvenir le Saint Prophète Mohammed, tous les jours que Dieu fait. Soit ! Il s’agit là d’une discipline, d’une éthique intime et personnelle, plus que louable. Mais comment cet amour du Saint Prophète s’inscrit-il au fil des siècles dans l’identité ou l’âme d’un peuple sinon par des actes collectifs, communs, et répétés.
L’amour d’Allah, inscrit dans l’âme des peuples musulmans, fait de tous ces peuples une âme unique, avec une joie unique, et une indignation commune, à travers certes des actes d’adorations individuels, mais aussi collectifs comme la prière du vendredi, la fête de l’Aïd, ou encore le pèlerinage.
De la même façon, l’amour du Noble Messager de Dieu doit faire l’objet d’évènements communs commémoratifs, que nos plus jeunes voient de leurs yeux, dont ils s’abreuvent, et qu’ils répètent à leur tour jusqu’à ce que l’amour du Saint Prophète Mohammed court dans leurs veines, ne laissant plus de place aux œuvres de Satan, en l’affaiblissant jusqu’à l’anéantir.
La commémoration de sa naissance, Paix et Salut de Dieu sur lui, de sa mort, de ses peines, de ses victoires…. et autre événement de sa vie en font partie. Tout le reste n’est que discours stérile et illusion de cohésion autour de faux drapeaux.
Nous semblons pourtant avoir opté pour une mentalité bien moderne où tout est dans le verbiage alors que seuls les hauts faits des modèles exemplaires sont susceptibles de pénétrer les cœurs. En effet, l’amour ne transite pas par le canal de la stricte raison raisonnante, mais bien par l’intelligence du cœur qui a son langage, ses signes, ses codes…
À force d’isoler les individus dans leurs souvenirs, on isole leurs cœurs, et disperse leurs combats.
Aussi, malgré toutes les réserves que pourraient exprimer les uns et les autres, Yasser Arafat incarne un de ces modèles charismatiques qu’il est bon de rappeler à la mémoire collective arabo-islamique.
Rappelons-nous combien, les générations de nos parents ou grands-parents avaient une forme pudique de révérence à l’égard de cet homme. Commentant au fil des évènements ses actes de bravoure, son endurance, ses erreurs stratégiques parfois, ses faiblesses aussi. Nous étions alors abreuvés de toutes leurs émotions édificatrices, sources d’une véritable culture morale.
Nous faisons des concessions sur tout, car il nous faut montrer que…. Nos enfants sont défigurés par les peintures d’Halloween. Et ils croient désormais, au père Noël, et à la paix dans le monde annoncée pour la saint Glinglin. En revanche, commémorer la naissance du Prophète, et rappeler les faits d’armes de certains, vous n’y pensez pas !
L’histoire ne se résume pas au récit chronologique des alliances, des victoires et des défaites. La grandeur de l’histoire procède d’une mystique qui annonce aux hommes qui souffrent le martyre dans leur chair, dans leur âme, dans leur sang, qu’il y a, quoiqu’il y paraisse, une vérité commune aux hommes. Et que cette vérité, corollaire de la justice, permet seule d’appréhender la Réalité de l’Invisible.
Abu Ammar fut à sa mesure, le nouveau David contre un Goliath israélien qui bénéficie de l’appui inconditionnel de l’hyperpuissance américaine. Plusieurs fois il renâquit de ses cendres, dépoussiérant inlassablement la dignité du peuple palestinien que l’on veut depuis 1948, enterrer sous les cendres de l’oubli.
Yasser Arafat naît au Caire en Égypte, et meurt en France à l’hôpital militaire de Clamart. Un état de fait anodin pour une personne lambda. Mais qui a ici un sens tout particulier. Apatride depuis toujours, et jusqu’à son dernier souffle. Assiégé, enfermé, traqué de pays en pays, et ne pouvant s’adosser à rien pour édifier, et mener la lutte palestinienne.
Acculé à la mobilité constante, usante, il a réussi, ce que peu de personnes auraient réussi dans de telles conditions. Surmontant cette instabilité hors du commun, dans une attitude toujours calme et digne, travailleur infatigable, rivé à la foi dans la mission sacrée qu’il s’est fixé de faire prévaloir le droit du peuple palestinien, d’abord à la vie, ensuite à un État.
Septembre 1993, la signature des accords d’Oslo est vécue comme une trahison. Il a rappelons-le 64 ans ; 64 ans d’une vie d’errance, de vigilance diurne et nocturne ponctuée de plusieurs tentatives d’assassinat. Il n’en demeure pas moins que ces signatures ont constitué un point de fracture que l’on ne peut nier. Il essuie donc les plâtres de journalistes arabes virulents qui voient en lui un lâche, un traître… Sur le terrain les différences entre les dirigeants des différents mouvements nécessitent du sang-froid et de nombreuses négociations.
Une bien étrange destinée veut que Yasser Arafat meure dans des circonstances « mystérieuses et controversées » à un mois d’intervalle de l’assassinat du Cheikh Ahmed Yassine et de son successeur Abdelaziz Al Rantissi. Nous ne manquerons pas de rappeler ici que l’ennemi ne prend pas la peine, quant à lui, d’établir des distinctions que l’opinion publique est sommée de faire. Le Palestinien sans distinguo est l’ennemi. Qu’il soit un civil ou un militaire, qu’il soit un homme ou une femme, un vieillard ou un enfant, un handicapé ou un résistant.
Il a 58 ans lorsque le Hamas est créé en 1987. Il a déjà à son actif, depuis la fondation de l’OLP, au Caire en 1964, plus d’une vingtaine d’années de lutte. Un Mouvement qui n’a cessé d’être infiltré dans le but de le miner de l’intérieur.
Il n’est ni un prophète ni un saint. De même qu’il n’a jamais prétendu être un héros. Mais il est le symbole incontestable de la lutte palestinienne. Il est celui qui a fait savoir au monde qu’un peuple palestinien existe bel et bien. Et qu’il s’agit d’un peuple dépossédé de sa terre, et qui vit sous occupation israélienne.
Depuis 1968 il a inspiré la jeunesse de nombreux pays. Au point que, même en Europe et en France, sur les bancs de l’université, et même du lycée, de nombreux jeunes, toutes origines confondues, arborent le keffieh en signe de résistance à toute forme d’oppression. De même que la lutte palestinienne fut l’emblème des luttes d’indépendance à travers le monde, alors partiellement en voie de décolonisation.
Nous perdons beaucoup à ne plus honorer les morts, à l’instar de ne plus prendre soin des vivants.
L’enquête sur sa mort mystérieuse n’a, nous dit-on, rien donné. Mais une chose est sûre, dans l’esprit de tous il a quitté ce monde en héros. Et la cause palestinienne continue d’avoir ses héros, mais aussi ses martyrs qui, loin de constituer une stratégie comme osent le suggérer certains journaleux, est la marque avant tout, de l’ignominie et de l’infâme, qu’Arafat s’était engagé à combattre.
Faouzia Zebdi-Ghorab