Deux binationaux nés en France, Yannis B. et Bilal T., condamnés pour des actes de terrorisme, ont été déchus de leur nationalité française par deux décrets en date du 5 août. Depuis le début de l’année, 17 personnes ont été visées par cette mesure. Un nombre record qui illustre un choix politique assumé de l’État français. Focus.
Jamais l’État français n’avait prononcé autant de déchéances de nationalité qu’au cours de ces deux dernières années. Deux nouveaux cas ont été officialisés cet été : deux binationaux nés en France, condamnés pour des faits de terrorisme, ont perdu leur nationalité française par des décrets datés du 5 août.
Ces déchéances s’inscrivent dans une tendance croissante, depuis la création de l’organisation Daesh en 2015 : 49 binationaux ont été déchus de leur nationalité française.
28 déchéances de nationalié en un an et demi
Cet été, Yannis Boughdiri, un Franco-Tunisien de 28 ans souffrant de schizophrénie et condamné à six ans de prison pour terrorisme en 2022, ainsi que Bilal Taghi, un Franco-Marocain de 32 ans condamné à vingt-huit ans de réclusion en 2019, ont été déchus de leur nationalité française par décret, publié au Journal officiel les 6 et 7 août.
Ces déchéances illustrent une tendance marquée. Selon des chiffres obtenus par Le Monde auprès du ministère de l’intérieur : 28 personnes ont été déchues de leur nationalité au cours des 20 derniers mois, un record comparé aux 21 cas survenus entre 2015 et 2022.
Cette augmentation s’explique, selon le ministère, par la hausse des condamnations liées au terrorisme depuis 2015 mais elle révèle surtout une orientation politique : « la volonté du ministère de mobiliser cette procédure dans le cadre de la lutte antiterroriste ».
Une mesure ineffiace et peu dissuasive
La déchéance de nationalité prive ceux qui en sont victimes de leurs droits civils en France mais ne les empêche pas forcément d’y vivre. Tous les binationaux déchus ne sont pas automatiquement expulsables, notamment en raison du refus de certains pays, comme la Tunisie, de reprendre des « terroristes » d’origine tunisienne ayant grandi en France.
Beaucoup se retrouvent donc dans un labyrinthe administratif, renouvelant des récépissés tous les trois mois en attendant un éventuel titre de séjour, ce qui les pousse souvent à quitter le territoire. Cette mesure, considérée par certains avocats comme une violation des droits fondamentaux, est critiquée par des instances internationales telles que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe :
« La déchéance de nationalité est une mesure antiterroriste inefficace revêtant une grande valeur symbolique mais n’ayant qu’un faible effet dissuasif »
L’avocat Me Vincent Brengarth note, depuis ces derniers mois, une « augmentation des expulsions » qui rend cette mesure de moins en moins « symbolique ».
Une tendance généralisée en Europe
Le Royaume-Uni se distingue en Europe par son recours massif à la déchéance de nationalité, souvent accompagnée d’une interdiction de territoire, pour traiter les affaires liées au terrorisme. Entre 2012 et 2022, plus de 200 Britanniques ont ainsi perdu leur nationalité pour « atteinte à la sécurité nationale », contre seulement 22 en France sur la même période.
En 2015, après les attentats en France, François Hollande avait proposé d’étendre la déchéance de nationalité aux binationaux de naissance, et non seulement aux Français par acquisition. Cependant, cette proposition, jugée discriminatoire par une partie de la gauche, avait été abandonnée.
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