La décision du roi du Maroc, Mohammed VI, a pour objectif de repenser et réorganiser la filière de la production de cannabis vers des formes légales et thérapeutiques. Nos explications.
Le roi du Maroc, Mohammed VI, a gracié plus de 4 800 agriculteurs poursuivis ou condamnés pour culture illégale du cannabis, selon un communiqué du ministère de la Justice. Cette mesure, prise à la veille d’une fête nationale, vise à aider les bénéficiaires à s’intégrer dans la nouvelle stratégie du pays suite à la légalisation partielle de la production de cannabis à des fins thérapeutiques.
Le Maroc, premier producteur mondial de cannabis, a légalisé en 2021 la culture du cannabis à des fins industrielles et médicales dans certaines régions du nord-est.
120 000 familles dépendent de l’économie de la drogue
Rabat a récemment accordé une grâce à plus de 4 800 cultivateurs de cannabis, dans le but de lutter contre le trafic de drogue, de se positionner sur le marché du cannabis légal et de stimuler économiquement la région du Rif. Cette région, où la culture du cannabis est une tradition séculaire, comptait entre 80 000 et 120 000 familles dépendantes de cette activité en 2019.
La grâce concerne principalement des cultivateurs dont l’activité illégale était souvent tolérée mais pouvait entraîner des poursuites. Selon le directeur de l’Agence nationale de réglementation des activités relatives au cannabis (Anrac), cité par Le Monde, cette mesure permettra aux agriculteurs et à leurs familles de vivre plus sereinement et de participer à la transition vers une légalisation progressive et l’introduction de cultures alternatives.
L’Agence nationale de réglementation des activités relatives au cannabis (Anrac) a été établie pour structurer le secteur légal du cannabis au Maroc. Sa mission inclut l’industrialisation, la transformation, l’exportation et l’importation de produits à des fins médicales, pharmaceutiques et industrielles. Depuis sa création, l’Anrac a délivré plus de 200 autorisations à des industriels pour diverses activités liées au cannabis.
L’exportation du cannabis marocain vers l’Europe
L’un des enjeux de la rationalisation et de la régulation du haschich au Maroc concerne les possibilités d’exportation vers l’Union européenne. Ainsi, pour la première fois, le Maroc a tout récemment exporté du cannabis légalement produit, envoyant au second trimestre un quintal de résine à faible teneur en THC vers la Suisse, à un prix de 1 400 à 1 800 euros le kilo. Bien que les volumes soient modestes, cet événement est un signe encourageant pour les investisseurs marocains.
La loi de 2021 sur l’usage licite du cannabis pour des fins médicales, pharmaceutiques et industrielles a suscité un vif intérêt, avec près de 200 opérateurs actifs. Le marché mondial du cannabis thérapeutique devrait dépasser les 50 milliards de dollars d’ici 2028. La Fédération marocaine de l’industrie et de l’innovation pharmaceutiques (FMIIP) espère générer entre 400 et 600 millions d’euros de revenus annuels d’ici quatre ans, en visant une part de marché européenne de 10 à 15 %, en réponse à la vague de légalisations dans l’UE.
Les profits des laboratoires
Le laboratoire pharmaceutique Sothema, avec un chiffre d’affaires de 230 millions d’euros en 2023, prépare déjà la commercialisation de quinze médicaments à base de cannabis à haute teneur en THC pour traiter des pathologies telles que les cancers, la sclérose en plaques et l’épilepsie.
La filiale Axess Pharma prévoit leur lancement d’ici 2025, ciblant les marchés marocain et européen, notamment l’Allemagne, le Danemark, la Suisse, l’Italie et la France, où le cannabis médical est désormais autorisé à titre expérimental. Malgré les barrières réglementaires pour les psychotropes, Khalid El-Attaoui, directeur d’Axess Pharma, se dit optimiste grâce à des pratiques agricoles rigoureuses et des procédés de fabrication éprouvés.