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L’effondrement moral de l’Occident

La responsabilité politique, financière et militaire de l’Occident dans le génocide palestinien et la tentative d’invasion israélienne du Liban annonce un déclin moral irrémédiable. Un texte signé Fouad Bahri.

« L’Heure ne viendra pas avant que le soleil ne se lève à l’Occident ».

Dans la tradition islamique, ce propos attribué au Prophète désigne l’un des grands signes de l’eschatologie. Deux lectures de cette tradition existent. Une lecture littérale : le soleil va réellement se lever de l’Occident (ouest) au lieu de l’Orient (est), lecture insistant sur le caractère de fin de cycle propre à « l’Heure » qui désigne le moment cataclysmique de la Fin du Monde et l’avènement consécutif du Jugement dernier.

Une seconde lecture symbolique existe, qui n’est pas incompatible avec la lecture littérale, selon laquelle le soleil se levant à l’ouest désignerait la naissance et l’apogée de la civilisation occidentale qui a dominé la scène mondiale ces derniers siècles. Nous allons, dans ce court texte, nous appuyer sur une autre lecture, elle-aussi symbolique et qui complète la seconde lecture mentionnée.

Le soleil d’Occident se couche en Orient

Si l’expression « le soleil s’est levé à l’ouest » signifie que l’Heure surviendra au moment où le train de la civilisation atteindra l’ouest, à savoir l’occident, cela doit signifier aussi que ce même soleil civilisationnel se couchera à l’est. Autrement, l’Heure aurait déjà surgi puisque le zénith de la civilisation occidentale est derrière nous. Que peut bien vouloir dire cette lecture ?

Tout simplement que la civilisation occidentale connaît actuellement son déclin et sa fin et que ce déclin et cette fin s’accomplissent au cœur du Moyen-Orient. Nous faisons évidemment référence à l’effondrement moral de l’Occident et à sa responsabilité immense dans la destruction de la région moyen-orientale. C’est bien en Orient que se couche l’Occident. Expliquons-nous.

Par son soutien aveugle et criminel à la politique destructrice de l’état-major israélien aux ordres d’un criminel de guerre condamné par la Cour pénale internationale, par la fourniture des engins de mort et des livraisons d’armes indispensables à la commission de ces crimes, par le financement d’une entreprise génocidaire en Palestine et aujourd’hui au Liban, et peut-être pire que tout, par la diffusion ad nauseam de mensonges médiatiques quotidiens sur les tenants, les aboutissants et les responsabilités réelles des fauteurs de guerre, l’Occident se couche.

L’effet papillon

Il se couche devant ses faux idéaux de rationalité, de culture du droit, d’humanisme, vestiges lointains d’un héritage perdu auquel il ne croit plus. Il se couche plus que tout devant ses instincts de mort, cédant de manière tragique à ses tendances nihilistes les plus prononcées. La conscience morale de l’occident s’est éteinte.

Le soleil teinté de sang de la déclinante civilisation occidentale se baigne actuellement dans un fleuve d’hémoglobine et, dans son inconscience prononcée, menace de se transformer en déluge régional de sang au risque de noyer l’Orient… et l’Occident. Puisque tout ce qui frappe physiquement l’Est atteint l’esprit de l’Ouest d’une manière ou d’une autre. La fin de la civilisation occidentale et la dette morale abyssale qu’elle a crée dans son sillage présage de mauvais jours.

Les tourments de l’Occident zombie

« Je me suis assis au bord de leur grande allée de cercueils, avec les charognes et même avec les vautours — et j’ai ri de tout leur passé et de la splendeur effritée de ce passé qui tombe en ruines. » Ainsi parlait Zarathoustra, Nietzsche.

L’Occident zombie, pour paraphraser Emmanuel Todd, est bien mort mais il l’ignore. Comme un corps fébrile cherchant son âme, comme une âme perdue agitant désespérément les doigts dans le vide en quête de corps, de terre, d’enracinement profond. La mort a fauché tout ce qu’il y avait, la moisson est terminée. Ne reste qu’une agonie silencieuse en attente d’un terme.

Entre 100 000 et 186 000 Palestiniens, très majoritairement des enfants, ont été assassinés par les Israéliens en une seule année. Dans ce sombre tableau, le feu destructeur des bombes jetées depuis l’abîme n’a pas été la forme la plus cruelle de ce meurtre collectif que certaines âmes perdues ont osé qualifié de « représailles ». La famine et la maladie, telles des hyènes suivant la meute, ont achevé la sinistre besogne israélienne.

Le courage des Palestiniens, la vaillance des Libanais

A présent, les Libanais, peuple issu d’un pays dont les frontières ont été délimitées par la France, ex-puissance coloniale et Ponce Pilate d’un temps qui ne parvient plus à se laver les mains tant elles sont sales, qui n’en ressent même plus le besoin, les habitants du pays du Cèdre subissent donc la folie criminelle d’une armée déchaînée que seul le courage et la vaillance des patriotes engagés pour la défense de leur territoire et de leurs vies, repoussent tant bien que mal.

Le monde voit, le monde sait. Et au bout du chemin, et au fond du ravin, quelqu’un attend, impassible. Dieu.

« L’Heure ne viendra pas avant que le soleil ne se lève à l’ouest ». Le soleil s’est levé et s’est couché. Au seuil de la porte, le jugement incandescent de l’histoire et des Hommes sort humblement du chemin, se met sur le côté, renonçant à juger ce qui dépasse ses capacités et laissant la place à qui de droit, à un Jugement supérieur, dont les voies sont définitivement impénétrables.

La chute finale

L’effondrement moral, la chute et la mort spirituelle de l’Occident sont des réalités trop fortes pour être occultées. A tout point de vue, la dégénérescence des « anti-élites » occidentales, de leurs mœurs, la laideur tragique et obscène de leurs manières, de leur hypocrisie naturelle, la honte et l’humiliation qu’ils infligent à leurs administrés au point d’inspirer miraculeusement aux plus incroyants d’entre eux un geste de prière espérant qu’ils tomberont vite, et succomberont au prochain pas, toute cette décadence murmure cette invocation : que l’agonie interminable prenne fin, enfin.

Les États-Unis occupent la première place et de très loin dans cet effrayant podium du crime mondial. La sainte alliance israélo-américaine, scellée dans le sang du monde arabe, ira jusqu’au bout et honorera son pacte jusqu’à ce qu’une force supérieure y mette un terme. La provocation, la menace, la destruction organisée de la vie dans les sociétés moyen-orientales, tous les éléments de son macabre programme figurent en lettres de pourpre sur un tableau funèbre, et appliqués sans scrupules.

La fin tragique du frère d’Attila

Que l’Europe ne se leurre pas. Un serf, ce qu’est aujourd’hui l’Europe pour Washington, n’a aucune valeur et peut être sacrifié comme un pion sur l’échiquier de la vie des peuples. L’Europe fut dans le passé pour l’axe américano-israélien, ce que Bleda, le frère d’Attila était pour le conquérant sanguinaire de l’Europe, un obstacle à sa soif de conquêtes et de destruction.

Bleda rappelait à son cruel frère qu’il était sa conscience et qu’il œuvrait à le freiner dans ses ardeurs conquérantes. Mal lui en prit. Attila assassina son frère en lui jetant au visage ces mots : « Sans conscience, je serais l’égal de Dieu ». Piètre conception du Divin et de la conscience qui lui valurent la défaite face à un Empire romain déclinant et, peu après, la mort, assassiné lui-même par empoisonnement.

Les pierres d’achoppement

La folie est à elle-même son propre terme. Emportée par sa furie destructrice, elle finit toujours par se crever les yeux. Au final, tout est une question de patience. Privé de lumière, éclipsé par le coucher d’un soleil noir éternellement figé dans la nuit de l’esprit, Israël rêve d’un monde peuplé de cadavres et d’esclaves jonchant la route glorieuse vers le Grand Israël. Mais sa chaussure, empreinte de cheveux d’enfants collés à une semelle dont l’effigie est un crâne, a déjà butté sur quelques pierres d’achoppement.

La volonté de résistance des Palestiniens, dont le courage et la force intérieure ont surpassé en intensité tous ce que les capitales du monde ont su produire, secondé en cela par des Libanais se livrant à d’héroïques combats face à l’envahisseur, toutes ces manifestations de l’esprit humain répondant à l’appel sacré du Divin ont déjà démontré au petit Israël que des milliers et des millions de bombes ne peuvent tuer une idée, une volonté.

L’échec israélien

Et c’est là le plus grand échec de l’État hébreu. Sa croyance en la seule supériorité des armes, de l’argent, du pouvoir et de la technologie que tout impérialisme nécessite, lui ont fait curieusement oublier que la seule cause humaine à l’origine de la survie historique du peuple d’Israël ne fut ni matériel, ni politique, ni même économique ou social, mais psychologique et spirituelle : la foi en un Dieu unique auquel il ne sut jamais vraiment rester fidèle, comme en témoigne les condamnations de l’Ancien testament, et la conscience singulière de son identité.

Une identité qui se diversifia au fil du temps et s’atténua au fur et à mesure des victoires politiques puis militaires du siècle passé. La démesure israélienne a très paradoxalement cru substituer à cette identité passée et dissoute par la modernité et ses soubresauts sécularisant que furent les utopies nationalistes et marxistes, une nouvelle identité fondée sur le culte de la force, du mépris, de l’orgueil et de la peur. « Vanité, tout n’est que vanité ».

Le déclin des États-Unis

Cette incapacité à faire nation, faute de peuple et de terre historique comme le rappelait Shlomo Sand et donc de légitimité morale, ne put jamais être rachetée par les idéaux « civilisateurs » de l’Occident et son culte de la force.

L’imposition du dollar comme monnaie international symbolise l’hégémonisme américain.

Les États-Unis, prémices avant-gardistes de l’odyssée coloniale israélienne, échouent depuis des décennies à exporter leur modèle de société car ils n’en ont plus. L’explosion des inégalités du modèle néo-libéral et la médiocrité d’une culture aux symboles détestables comme la mal-bouffe et la violence à outrance de séries et de films sans aucune profondeur scénaristique, ont mis fin au rêve américain. Seule la force militaire permet au dernier Empire d’imposer sa volonté hégémonique dont le dollar est le drapeau international. Mais jusqu’à quand ?

Une longue nuit occidentale

La révolte des peuples, armés et soutenus par d’anciennes civilisations renaissantes, prouve que les temps changent, même dans ce royaume de l’éternité qu’est l’Orient. Et que tout zénith prend fin dans son nadir qui est le point le plus bas, celui où se trouve actuellement l’Occident. De nouveaux levers de soleil peuvent-ils être espérés à l’avenir ?

Peut-être pas. Pas avant qu’une longue nuit n’impose son attente indéfinie, « nuit blanche » accablante durant laquelle l’esprit épuisé n’aspire plus qu’à une chose, un long et profond sommeil, une envie de mort paisible. Faux semblant. Derrière ce sommeil tant désiré, grouillent des légions d’âmes fauchées venues exiger leur tribut. Et, dans ce territoire des ombres, sont bien déterminées à l’obtenir…

Fouad Bahri

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