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Les 2 types de Paradis dans la tradition soufie

Les 2 types de Paradis dans la tradition soufie Mizane.info

Dans les Haltes 53 et 54, Abd-al Kader expose la théorie des 2 types de Paradis.

Le Très-Haut a dit : « Et ceux qui font des efforts en Nous, certainement Nous les guiderons dans Nos chemins » (Cor. 29, 69). Cela signifie : ceux qui, en Nous, descendent dans l’arène pour combattre leurs âmes par les disciplines et exercices spirituels, afin d’arriver à Nous et au Paradis de Notre connaissance et de Notre contemplation,

Nous les dirigerons sûrement pour leur faire connaître Nos chemins, les voies menant à Nous. Ceux-là, en effet, n’ont pas fait d’efforts pour d’autres choses, comme ce bas monde ou
le monde futur.

La différenciation divine

Il faut savoir, de plus, que l’entrée au Paradis des connaissances et de la contemplation est différente de l’entrée au Paradis des délices sensibles1. En effet, l’entrée au Paradis des connaissances et de la
contemplation, le plus souvent, est acquise au mérite des efforts accomplis par « ceux qui font des efforts en Nous », c’est-à-dire : ceux qui combattent leurs âmes à cause de Nous.

Ensuite s’opère une différenciation entre les êtres selon le Don gracieux, la Libéralité divine, et leur prédisposition. L’entrée dans le Paradis du délice sensible tient, elle, à la Miséricorde, et la différenciation s’opère par les actes, comme le rapporte l’enseignement spirituel : « Entrez-y grâce à Ma Miséricorde, et partagez-vous le selon vos actes ! »

L’élite des croyants

La sagesse de cette différenciation est que, en vertu de cette promesse véridique, tout croyant mérite l’entrée au Paradis du délice sensible, fût-ce après un délai. Si un croyant plutôt qu’un autre se voyait interdire l’entrée de ce Paradis, il ne lui resterait plus qu’à entrer en Enfer pour y rester à jamais, puisqu’il n’y a dans le monde futur que deux demeures, exclusives l’une de l’autre.

C’est pourquoi la Miséricorde générale intervient pour le faire entrer au Paradis du délice sensible2. Quant au Paradis des connaissances, il est réservé à des êtres spécifiques faisant partie de l’élite des croyants : ceux qui ont pratiqué méthodiquement les efforts et exercices spirituels.

Paradis sensible et Paradis intelligible

Si une part des croyants n’y a pas accès, ils entrent tout de même dans le Jardin du délice sensible ; si tous les croyants entraient au Paradis des connaissances et de la contemplation, aucun croyant ne passerait en Enfer au Jour de la Résurrection, alors que la Science et la Volonté éternelles ont prévu qu’un groupe de croyants, grands transgresseurs, entrerait au Feu, pour en sortir ensuite grâce à l’intercession. Il faut bien être persuadé, en effet, que cette menace s’exécutera pour une partie des croyants transgresseurs ; il n’y a aucun doute là-dessus.

Le Très-Haut a dit : « Et Nous avons retiré ce qui t’enveloppait, aussi ta vue, aujourd’hui, est-elle perçante » (Cor. 50, 22)3. Ainsi apprenons-nous que la condition des êtres du Paradis des connaissances et des contemplations n’est pas la même que celle des êtres du Paradis des délices sensibles, en ce monde et dans l’autre.

Action et détachement

En ce monde, au début, Dieu montrait, aux futurs êtres du Para dis des connaissances divines, leurs âmes comme les voyaient les autres gens ; ils les considéraient comme ayant le pouvoir d’agir ou non, et douées du libre arbitre.

C’est pourquoi tu constateras que ces gens, au départ de leur cheminement spirituel, châtiaient leurs âmes lorsqu’ils les jugeaient en défaut, et les remerciaient4 dès qu’ils estimaient qu’elles avaient assumé un acte dont ils revendiquaient l’accomplissement. S’ils n’avaient pas cru qu’ils possédaient la capacité d’agir ou non, en s’attribuant une puissance personnelle, ils n’auraient pas traité leurs âmes ainsi.

Un connaissant demanda au disciple d’un maître : « Que vous impose votre maître ? » Le disciple répondit : « Il nous impose d’accomplir des actes en considérant leur imperfection. » Le connaissant déclara : « Il vous a imposé le pur Mazdéisme ; que ne vous impose t-il pas plutôt d’agir détachés des actes lorsque vous contemplez leur déroulement ! »5.

La grâce de la contemplation

Lorsqu’Allâh fait miséricorde à ces êtres, en leur ouvrant la porte d’entrée au Paradis de la connaissance et de la contemplation, ils reconnaissent qu’ils n’ont aucun pouvoir quant à leurs formes extérieures et quant à leurs âmes ; par la contemplation, ils constatent que c’est le pur Don divin et la Grâce qui effectuent ce qu’ils croyaient provenir d’eux-mêmes.

Dès lors qu’ils contemplent le pur Don et la Grâce, ils s’évanouissent à eux-mêmes, à leur intellect et au don, et ils sont totalement absorbés dans la contemplation du Donateur ; Dieu les choisit pour Lui-même et Se les réserve pour Son Assemblée.

Quant aux êtres du Paradis sensible, Dieu leur a aussi donné l’idée qu’ils avaient le pouvoir d’acquérir des mérites et qu’ils possédaient le libre arbitre, de sorte qu’ils pratiquèrent des œuvres pieuses, en se les attribuant, pour parvenir au Paradis sensible, inconscients qu’ils étaient du Paradis des connaissances et des contemplations.

« Prenez-en votre part selon vos actes ! »

Allâh les conserve dans cet état d’insouciance dans ce bas monde, dans l’entre-deux mondes, lors du compte final, et lors de l’entrée au Paradis, jusqu’au moment de la Vision dans la Dune Blanche6. C’est Pourquoi Dieu leur dira : « Voici “le Paradis dont vous avez hérité, correspondant à ce que vous avez fait” » (Cor. 7, 43). Ce faisant, Il leur attribuera la capacité d’agir, confirmant leur état d’insouciance et d’ignorance préalables, et déclarera, comme l’affirme un enseignement spirituel : « Prenez-en votre part selon vos actes ! », conformément à leur prétention première.

Cela ira jusqu’au point où Dieu – qu’Il soit exalté ! – dira à l’un d’entre eux : « Entre au Paradis grâce à Ma Miséricorde ! », et que ce dernier répondra : « Non, j’y entre plutôt grâce à mes actes ! » À ce moment-là, en effet, ce qui les enveloppe ne sera pas retiré, et ils seront encore voilés, limités qu’ils sont par leurs âmes individuelles auxquelles ils continuent d’attribuer la capacité d’agir.

La Dune de Dieu

La Parole du Très-Haut : « Et Nous avons retiré ce qui t’enveloppait, aussi ta vue, aujourd’hui, est-elle perçante », lorsqu’elle est appliquée au mort, ne s’applique qu’au dévoilement de certaines choses qui lui étaient cachées de son vivant ; le voile n’est retiré complètement, et l’éveil total ne s’effectue qu’après la vision de Dieu – qu’Il soit exalté ! – dans la Dune.

Les hommes, en effet, dorment en ce bas monde par rapport à leur réveil, après la mort, dans le monde intermédiaire ; mais ils dorment dans cet intermonde par rapport à leur réveil survenant à la Résurrection et lors du Décompte final ; ils dorment encore au moment du Décompte par rapport à leur entrée au Paradis ; et ils dorment aussi après l’entrée au Paradis par rapport à leur Éveil obtenu lors de la vision de Dieu – qu’Il soit exalté ! –,vision réservée dans la Dune.

« Ton Seigneur n’est injuste envers personne »

Dieu opère ainsi avec ces êtres parce qu’ils n’ont recherché, par les actes, que le Paradis sensible, sans désirer le Paradis de la connaissance et de la contemplation auquel leurs âmes n’ont jamais aspiré.
Leur but correspondait à ce que désirent les âmes individuelles, et non à ce que désirent les esprits ; « Ton Seigneur n’est injuste envers personne » (Cor. 18, 49).

Le Paradis de la connaissance et de la contemplation est réservé à une élite dont est exclu le commun des croyants, alors que le Paradis sensible reçoit tous les croyants. En effet, ceux qui entrent au Paradis
de la connaissance et de la contemplation y accèdent dès cette vie, avant la mort corporelle, mais après une mort spirituelle5, et il est impossible qu’entre en Enfer une personne ayant accédé au Paradis de la contemplation et de la connaissance, alors que la Science et la Volonté divines éternelles ont prévu que certains croyants entreraient au Feu, et en sortiraient ensuite grâce à l’intercession.

Le sort ultime

Le Paradis de la connaissance et de la contemplation est comme : « Pas de dieu sauf Allâh ! ». Si l’on plaçait la Parole de l’Unité dans la balance, aucun croyant n’entrerait au Feu ; mais ce sont les bonnes
actions des croyants qui sont pesées, sans la Parole de l’Unité, excepté pour la balance de l’homme aux registres7.

Pour toutes ces raisons, le Paradis de la connaissance et de la contemplation est réservé à une élite que Dieu – qu’Il soit exalté ! – décrit lorsqu’Il dit : « Ceux-là, Allâh remplace leurs mauvaises actions par des bonnes actions »8

Abd-al Kader

Notes :

1 – L’emploi du mot “sensible” doit être compris comme susceptible de se référer aussi à un état subtil, encore individuel et “formel”, sans pour autant être corporel (cf.René Guénon, L’Homme et son devenir selon le Vêdânta, ch. 19).

2 – Ce passage – et la fin de la Halte le précisera – fait allusion aux croyants ayant commis des fautes majeures nécessitant, pour être lavées, un passage dans un Enfer qui joue
ainsi un rôle de “Purgatoire”.

3- Ce verset n’est pas mentionné dans Ms. Cette Halte apparaît comme faisant suite à la
précédente ; c’est pourquoi nous lui donnons le même titre.

4 – Il faut lire : yashkurûna-hâ, comme dans Ms. et Éd. 2, plutôt que yashkûna-hâ (“ils se
plaignent d’elles”, “les accusent”) d’Éd. 1

5 – On reconnaît là l’un des grands thèmes de la Bhagavad-Gîtâ.

6 – Il faut lire al-Kathîb al-abyad, comme dans Ms. et Éd. 1. Différents enseignements nous apprennent qu’au Paradis se trouve une Dune de musc (ou de camphre) blanc, lieu spécial de théophanie divine.

D’un long hadîth, rapporté par Anas Ibn Mâlik, concernant le jour et la prière du vendredi, nous retiendrons que le Prophète a déclaré : « En vérité ton Seigneur – que Sa Toute-Puissance et Sa Grandeur soient louées ! – a choisi, dans le Paradis, une vaste vallée de musc blanc et, lorsqu’arrive le vendredi, Il descend – béni et exalté soit-Il ! – des cieux supérieurs sur Sa Chaise-Piédestal. Puis, la Chaise est entourée de chaires de lumières, vers lesquelles les Prophètes arrivent pour s’asseoir ; ces chaires sont ensuite entourées de chaises d’or, vers lesquelles les Très-Véridiques et les Martyrs arrivent pour s’asseoir ; ensuite viennent les gens du Paradis qui s’assoient sur une Dune, et leur Seigneur leur apparaît (tajallâ lahum) – béni et exalté soit-Il ! – au point qu’ils voient Sa Face » (recueilli dans At-taghrîb wa at-tarhîb d’Al-Mundhirî, ch. sur le Paradis ; tiré de At Tabarânî).

Celui-ci retient aussi une Tradition transmise par Abû ‘Ubaydah dans laquelle Ibn Mas‘ûd déclare : « Empressez-vous pour la prière commune du vendredi, car tous les vendredis, au Paradis, Allâh apparaît aux gens du Paradis dans une Dune de camphre, et ils seront proches de Lui dans la mesure de leur empressement (à venir à la prière du vendredi) » (recueilli dans Ibid., ch. sur la prière du vendredi).

À ce propos, le Shaykh al-Akbar dit : « Sache que la Dune est du musc blanc dans le Jardin paradisiaque d’Éden, et le Jardin d’Éden est la citadelle et la forteresse du Paradis, lieu de résidence du Roi et de Ses Notables. Les êtres du commun n’y entrent que pour visiter.

Dans cette Dune, Il a placé des chaires, des trônes, des chaises et des gradins, car les gens de la Dune forment quatre groupes : il y a des croyants, des Saints, des Prophètes et des Envoyés. Dans chaque groupe dont nous parlons, il y a des êtres qui sont plus favorisés que d’autres » (Futûhât, III, 422).

Une théophanie totale aura lieu, et chaque être sera illuminé à la mesure de son propre credo ; certains auront réalisé tous les credos, d’autres seule ment un credo spécifique. Dans un autre passage (cf. Futûhât, I, 320), les quatre catégories d’êtres présents dans la Dune sont : les Envoyés et les Prophètes réunis ; les Saints, héritiers des Prophètes quant à la parole, à l’acte, et à l’état ; ceux qui connaissent Allâh par la science théorique intellectuelle et, enfin, les croyants qui professent l’Unité divine par coutume et imitation. Il est précisé que l’ordre est inversé entre ces deux dernières catégories au Jour du Rassemblement.

Selon Michel Vâlsan la vision au Kathîb “est, en termes de valeur générale, une expression de la connaissance suprême” (E. T. n° 376, p. 93). Cf. aussi sur ce sujet : Abd-el-Karîm al Jîlî, Un commentaire ésotérique de la formule inaugurale du Coran, p. 242, traduit et annoté par Jâbir Clément-François, Albouraq, 2002

6 – Sur la “réalisation métaphysique”, cf. René Guénon, La Métaphysique orientale, pp.12-16 et, du même auteur, sur la “mort initiatique”, Aperçus sur l’Initiation, ch. 26.

7 – Çâhib as-sijillât : il s’agit du cas exceptionnel d’un homme qui présentera, au moment de la pesée des actes, neuf registres immenses remplis de mauvaises actions, sans avoir jamais rien fait de bien. Il évitera cependant l’Enfer, grâce à la formule « Pas de dieu sauf Allâh » qu’il aura prononcée, de son vivant, de manière pure et sincère.

8 – Cor. 25, 70. C’est là un effet immédiat de la réalisation spirituelle.

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