Les médias aiment les success story et leur contraire aussi. Le devenir judiciaire de l’enfant giflé par Bayrou, devenu aujourd’hui un homme, a fait les choux gras de certaines chaînes d’info en continu. Volant la vedette à Nicolas Sarkozy. Un billet de Noor Callway à lire sur Mizane.info.
Mercredi 18 décembre 2024, aux alentours de 7 heures, est annoncé sur le plateau de la chaîne BFMTV un duplex sous le bandeau « Qu’est devenu l’enfant giflé par François Bayrou pendant la campagne présidentielle de 2002? ». Le nouveau Premier Ministre, qui a plusieurs fois joué son va-tout pour accéder au siège suprême de l’Élysée, avait marqué les mémoires des Français lors d’une séquence insolite : en plein bain de foule dans le quartier populaire de la Meinau à Strasbourg, le candidat palois s’approche d’un groupe de jeunes gens, rigolards, après que des jets de pierre ont visé le bâtiment où se tenait la visite.
« Dommage » collatéral
François Bayrou prend alors un ton de directeur d’école communale pour tancer les adolescents qui semblent s’amuser des propos du candidat, lequel est ravi de l’opportunité qui lui est offerte de s’affirmer en rétablisseur d’ordre. Car le thème de l’insécurité incarne alors le cœur de cette campagne présidentielle, à l’issue de laquelle on verra Jean-Marie Le Pen, le héraut de cette « plaie sociale », se hisser au second tour, à la surprise (feinte?) générale. Soudain, une gifle! « Tu me fais pas les poches! » François Bayrou vient d’administrer un soufflet à un enfant d’une dizaine d’années, qui l’approchait d’un peu trop près. Le rétablisseur d’ordre a sanctionné de manière virile, un comportement incivil devant les caméras. Triomphe ! Pourtant, ce coup d’éclat n’aura pas les effets escomptés sur les urnes : François Bayrou fera moins de 7% des suffrages au premier tour. Dommage !
Le destin de Yacine G
Retour en 2024. BFMTV Alsace a retrouvé les traces de Yacine G., l’enfant redressé devant la France. On s’attend à une interview, éventuellement floutée, ou peut-être dans une pièce sombre, avec voix modifiée. Après tout, ce Yacine G. n’a pas beaucoup d’intérêt à se montrer à nouveau aux yeux de tous. Que nenni ! Yacine G. n’apparait pas à l’écran, pas même une retranscription de ses mots. Car Yacine G. n’est pas interviewé. C’est à Célia Debes, micro en main, qu’est adressée la question » Qu’est-il devenu ? ». On assiste alors, stupéfaits, au déroulé méthodique du parcours « chaotique » du jeune homme aujourd’hui âgé de 33 ans. Pendant plus d’une minute, Célia Debes épluche le casier judiciaire de Yacine G. Car Yacine G. a, comme l’on dit, mal tourné. Célia Debes expose posément l’ensemble des infractions et délits auxquels il s’est adonné, avec force détails. Elle conclue, toujours avec la même sérénité, sur la peine de dix années d’emprisonnement que Yacine G., longtemps surnommé « Bayrou » dans son quartier strasbourgeois, est en train de purger. Voilà.
Des profils judiciaires triés sur le volet !
BFMTV a, comme promis, retrouvé la trace de cet enfant giflé il y a vingtaine d’années par un homme politique de premier plan devant les caméras. Objectif atteint. Mais quel était l’objectif de cette « enquête »? Yacine G. a-t-il été consulté ? A-t-il donné son accord pour que soit ainsi exposé son casier judiciaire, établissant une continuité de son humiliation publique démarrée en 2002? En pleine affaire Sarkozy-Fogiel mettant à jour les manipulations médiatiques de BFMTV en faveur de l’ex-président de la République dans l’enquête des financements libyens, la chaîne de Rodolphe Saadé semble choisir avec précaution les profils judiciaires à développer. Hasard du calendrier, c’est aujourd’hui que Nicolas Sarkozy a été définitivement condamné pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire Bismuth, avec bracelet électronique. Célia Debes aurait bénéficié de bien plus qu’une petite minute d’antenne pour délivrer son pédigré judiciaire… Dommage !
Noor Callway