La discrimination à l’encontre des citoyens musulmans est en constante augmentation en Europe. Selon un rapport publié, fin 2024, par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA), 50 % des musulmans européens subissent des discriminations dans leur quotidien. Plusieurs journalistes sont partis interrogés des spécialistes. Zoom.
Le rapport, basé sur un échantillon de 9 604 personnes issues de 13 pays européens, révèle des disparités notables. L’Autriche affiche le taux le plus élevé avec 74 % de musulmans ayant subi des discriminations au cours des 5 dernières années, suivie de l’Allemagne (71 %), de la Finlande et du Danemark (64 %). « La question de l’islamophobie est un problème mondial, qui s’est amplifié depuis le 11 septembre 2001 », analyse Julien Talpin, sociologue au CNRS.
Le rôle crucial des institutions politiques et des médias
En Autriche, les actes islamophobes atteignent des records. Le centre de documentation autrichien sur l’islamophobie a recensé 1 522 signalements en 2023, en hausse de 200 par rapport à 2022. Désirée Sandanasamy, conseillère juridique de l’organisation Zara, estime que ces actes sont devenus « socialement acceptables ».
L’influence des discours politiques et médiatiques est jugée cruciale dans la montée de l’islamophobie. « L’extrême droite est en train de normaliser l’islamophobie, de normaliser le rejet de la population musulmane, la criminalisation et l’inégalité de traitement par les institutions », affirme Youssef M. Ouled, chercheur à Rights International Spain (Ris).
« À l’échelle européenne, l’extrême droite est considérée comme l’un des principaux facteurs de risque du terrorisme, mais lorsque nous pensons au terrorisme, nous pensons aux Arabes. Il existe une pratique de l’islamophobie institutionnalisée. »
Le républicanisme français
Dans ce contexte, la France se distingue par un modèle de laïcité perçu à l’étranger comme discriminatoire. Depuis la loi de 2004 sur les signes religieux à l’école jusqu’aux débats sur le burkini ou le hijab dans le sport, les vêtements musulmans occupent une place centrale dans les polémiques.
Pour le journaliste Julien Talpin, « le problème est lié à l’histoire du républicanisme français, des Lumières et de l’idée que l’on peut émanciper les gens malgré eux […] » :
« Cette forme de paternalisme républicain [démocratique] est ravivée aujourd’hui, notamment en ce qui concerne les femmes musulmanes et le port du voile. »
La femme musulmane : une cible de choix
Les femmes musulmanes portant des vêtements religieux sont particulièrement affectées. Selon la FRA, 45 % des femmes reconnaissables comme musulmanes subissent des discriminations dans la recherche d’emploi, un chiffre qui monte à 58 % pour les jeunes femmes (16-24 ans).
Lire sur le sujet : L’islamophobie et les contradictions structurelles de l’Occident
Elisabeth Walser, de l’ONG CLAIM, note : « Un mélange de racisme, de sexisme et de visibilité religieuse exclut ces femmes de la participation publique ». L’impact de ces discriminations est visible dans plusieurs sphères : logement, éducation, travail, et espaces publics.
L’Allemagne illustre cette discrimination ciblée avec 1 926 actes islamophobes signalés en 2023, selon l’ONG CLAIM. Près de la moitié des Allemands adhèrent à des déclarations islamophobes, et les politiques publiques de certains États renforcent les inégalités.
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