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Vœux de réconciliation nationale de François Bayrou…et pour les musulmans ?

Vœux de réconciliation nationale de François Bayrou...et pour les musulmans ?

L’appel à la réconciliation nationale lancé par François Bayrou s’adresse-t-il également aux musulmans de France ? Dans sa dernière chronique publiée par Mizane.info, Lina Mescal interpelle le Premier ministre sur le Forif et l’avenir de l’islam en France.

Alors que lors des vœux du nouvel an le nouveau premier ministre François Bayrou appelait à la réconciliation, l’action et la stabilité et souhaitait mettre fin aux fractures dans la société, l’annonce du 7 janvier du ministre de l’intérieur Bruno Retailleau allait exactement dans le sens contraire en s’attaquant au sujet le plus clivant, celui du voile des femmes musulmanes. Puis dès le lendemain Sophie Primas porte parole du gouvernement a annoncé que le gouvernement ne reprendrait pas cette proposition, qui ne représente que la position personnelle du ministre de l’intérieur. Au-delà de cet heureux rétropédalage immédiat, une prise de conscience du nouveau premier ministre aura-t-elle lieu qu’une politique de réconciliation avec les musulmans est nécessaire ?

La succession du CFCM

Il n’échappera à personne que ces dernières années une véritable bipolarité dans la politique française s’est mise en place au sujet de l’islam de France. D’un côté une vague sans précédent de fermetures de structures, de dissolutions, d’expulsions, de législation. De l’autre l’aboutissement d’une démarche partenariale avec une diversité d’acteurs musulmans de tous les territoires en la naissance du Forif1 en 2022 au sommet des Assises territoriales de l’islam2 pour succéder au CFCM comme instance de dialogue privilégiée entre les pouvoirs publics et le culte musulman.

D’un côté une promesse de Gérald Darmanin d’un statut juridique de l’imam aux alentours de la rentrée dernière, de l’autre une stigmatisation et déformation de plus de ce que représente le voile -en réalité savoir un simple vêtement existant depuis plus de deux mille ans et dans différentes civilisations -lorsque Bruno Retailleau reprend l’argument d’ « un étendard pour l’islamisme, et un marqueur de l’infériorisation de la femme par rapport à l’homme ». Cette vision du nouveau ministre de l’intérieur rend impossible une démarche d’acceptation générale par l’ensemble des musulmans de cette nouvelle structuration de l’islam de France via le Forif. Elle est d’ailleurs le contraire même de la position de Gérald Darrmanin qui s’étaient opposé il y a plus de trois ans à ce projet de loi au Sénat d’interdire le voile aux accompagnatrices scolaires et à l’université.

L’ancien ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.

Le scepticisme des musulmans

Rappelons que lors de la dernière sessions générale publique du Forif Gérald Darmanin avait déclaré que « 60% des musulmans en France sont nés en France et c’est une religion française comme les autres »3. L’objectif était que les membres du Forif et les Atif étaient considérés comme les partenaires des pouvoirs publics, et qu’ils allaient pouvoir trouver des solutions concrètes sur des thèmes prioritaires. En ont émergé des travaux, études, guides et compte-rendus sur la sécurité des lieux de culte, sur la refondation de l’aumônerie militaire et pénitentiaire, sur la lutte contre les actes anti-musulmans, sur l’application de la loi CRPR aux associations exerçant le culte musulman, sur le statut et la professionnalisation des imams, mais aussi des discussions sur les problématiques de comptes bancaires et d’assurance des associations cultuelles, sur les carrés musulmans des cimetières.

Si l’ensemble des musulmans de France sont encore loin d’être convaincus de l’utilité de cette instance de dialogue, comme une frange des concitoyens français qui préfèrent une politique d’extrême droite du rejet à celle de dialogue, un pas en avant avait été réalisé avec la prise de parole publique de plusieurs imams acteurs institutionnels de longue date pour expliquer l’utilité d’obtenir un statut de l’imam dans le cadre du Forif. Mais beaucoup restait à faire pour expliquer l’intérêt général du Forif, pour vulgariser les travaux susmentionnés auprès d’une communauté musulmane sceptique qui se sent, à juste titre, ostracisée.

Et ceci non seulement par le traitement d’une partie des médias mainstream, par des actes anti-musulmans en hausse sur le terrain, par les innombrables messages haineux et stigmatisant d’islamophobes du net, mais aussi par les multiples décisions politiques depuis la déclaration de lutte contre le séparatisme, qui n’a en l’occurrence fait qu’accentuer la séparation entre les citoyens de différentes confessions et horizons politiques.

Le voile, une norme plurimillénaire

Lorsqu’il y a eu une série d’attentats en 2021, que les musulmans de France ont largement condamné, il aurait fallu avoir une politique du rassemblement autour de la lutte anti-terroriste au lieu d’une politique du séparatisme. Les auteurs de ces crimes aveugles étaient essentiellement étrangers à notre sol, mais nombre de structures musulmanes, d’imams et autres militants qui dénoncent pourtant sans équivoque ces crimes ont fait les frais d’une forme de rouleau compresseur cherchant vraisemblablement un bouc émissaire, au nom que l’islamisme mènerait au terrorisme.

Comment une politique de réconciliation serait-elle alors possible ? La question ultra-sensible du voile doit aux yeux des politiques définitivement sortir du champ de « l’islamisme » auquel ce simple foulard n’a jamais appartenu, pour entrer dans celle d’« une religion française comme les autres ». Le voile existe depuis l’antiquité dans différentes civilisations, tout comme les couvre-chefs masculins, certains keffieh ressemblant beaucoup au voile d’ailleurs : ainsi le foulard ne peut être le symbole de « l’entrisme islamique » ni de l’« infériorité de la femme vis-à-vis de l’homme ». Le couvre-chef féminin est également loin d’être étranger à la tradition et l’histoire française, comme en témoignent les bonnets phrygiens, les coiffes d’antan déclinés dans nos régions, les voilettes, ou encore les cornettes des nonnes.

Vers un édit de Matignon ?

Certes il manque ce genre de couleurs françaises aux multiples formes de voiles que les musulmanes portent, surtout pour toutes celles dont l’identité culturelle française est première. Et certes une influence certaine d’idéologies de rupture avec la société, issues notamment du proche et moyen-orient, est venue poser problème à la mode mais pas seulement : même les autres traditions venant du Maghreb, de l’Afrique Subsaharienne, de la Turquie, pour citer les origines les plus fréquentes, où de multiples tissus et couleurs étaient caractéristiques des différentes ethnies ont été impactées et mises en berne. Mais ce mariage de tenue pudique et de culture française, symbolisant une vision religieuse spirituelle et citoyenne en harmonie avec l’environnement ne pourra se sceller que sous l’existence d’une autre politique.

François Bayrou, ayant comme modèle Henri IV au point de lui consacrer un livre, ce roi de France emblématique ayant mis fin aux guerres de religion, saura-t-il sceller un Edit de Matignon pour mettre fin à la fracture du séparatisme dont le voile est le cache-misère  ? Il est temps de constater que la majorité des musulmans ne souhaitent que faire société.

Lina Mescal

1https://www.interieur.gouv.fr/actualites/communiques-de-presse/forum-de-lislam-de-france-etape-nouvelle-dans-dialogue-entre

2Des rencontres à l’échelle départementale entre les pouvoirs publiques et représentants locaux du culte et autres acteurs musulmans (chercheurs, responsable associatif, citoyen engagé…) ayant lieu une ou plusieurs fois par an depuis 2018.

3https://www.bfmtv.com/societe/religions/gerald-darmanin-annonce-la-creation-d-un-statut-de-l-imam-en-france_AN-202402260820.html

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