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Omar ibn Saïd, esclave américain et érudit musulman

La bibliothèque du Congrès américain a annoncé, en 2019, avoir acquis le récit, entièrement rédigé en arabe, d’un esclave africain. Il s’agit de l’autobiographie d’Omar ibn Saïd, un érudit d’Afrique de l’Ouest conduit de force en Amérique au XIXe siècle. C’est le seul manuscrit existant rédigé par un Africain, durant l’esclavage, en langue arabe.

En 2019, la bibliothèque du Congrès a acquis le récit en arabe d’Omar Ibn Saïd, considéré comme le seul manuscrit de ce type écrit aux États-Unis par un esclave. Il appartenait à un collectionneur afro-américain réputé, Derrick Beard, décédé en juillet 2018 à Las Vegas à l’âge de 59 ans. De confession musulmane, il possédait le manuscrit depuis vingt ans et sillonnait les Etats-Unis pour le faire découvrir.

Un manuscrit historique et rare

En 1831, alors que peu d’esclaves aux Etats-Unis savaient lire et écrire, Omar ibn Saïd rédigea ce qui est aujourd’hui considéré comme le seul récit d’esclaves de ce type qui demeure. « À notre connaissance, il s’agit du seul manuscrit d’un esclave en arabe qui existe encore », explique Mary-Jane Deeb, cheffe de la division Afrique et Moyen-Orient de la bibliothèque du Congrès américain.

Le récit d’Ibn Saïd s’ouvre sur la sourate 67 du Coran, affirmant la souveraineté de Dieu. « Dans l’Islam, tout appartient à Dieu. Personne n’est vraiment propriétaire, le choix de ce verset est donc extrêmement important. C’est une critique fondamentale du droit de posséder un autre être humain », souligne Mary-Jane Deeb. Omar commence par ses mots :

« Je m’appelle Omar ibn Saïd. Je suis né à Futa Toro [une région entre la Mauritanie actuelle et le Sénégal]. J’ai soif de connaissance depuis 25 ans et je la recherche encore aujourd’hui. Un jour, une grande armée est arrivée dans notre pays. Elle y a tuée de nombreuses personnes. Elle m’a pris et m’a vendu à un homme chrétien qui m’a emmené sur un grand navire.»

Autobiographie d’Omar ibn Saïd, écrite en arabe en 1831

Le témoignage d’une époque

Ces faits se sont déroulés vers 1807. Omar Ibn Saïd avait alors 37 ans. L’érudit raconte encore son quotidien avant son arrivée sur le continent américain :

« Avant ma venue au pays des Chrétiens, ma religion était celle de Mohamed, le prophète d’Allah. Qu’Allah le bénisse et lui accorde la paix. J’allais à la mosquée avant l’aube, je l’avais ma figure, ma tête, mes mains, mes pieds. J’effectuais les prières de la mi-journée, de la fin de l’après-midi, du coucher du soleil et de la nuit. Je donnais l’aumône chaque année en or, argent, en récoltes et bétail : moutons, chèvres, riz, blé et orge. J’allais à La Mecque et à Médine comme l’ont fait ceux qui en avaient les moyens. »

Ecrit sur du papier à l’encre de fer et avec une couverture de papier marron, le manuscrit met en garde contre les punitions divines, tout en reconnaissant le bon traitement de « ses propriétaires ». « C’est une autobiographie écrite par un esclave alors qu’il était encore esclave. Il n’est pas un homme libéré. Il meurt esclave », précise Mary-Jane Deeb.

L’érudition des musulmans d’Afrique de l’Ouest

Omar ibn Saïd mourut en effet en 1864, un an avant la fin de la guerre de Sécession et l’abolition de l’esclavage en 1865. Il a été enterré dans la plantation de son « propriétaire » le général James Owen du comté de Bladen. Il n’a donc jamais recouvré sa liberté.

Si l’intellect d’Ibn Saïd est impressionnant, il est loin d’être unique. L’historienne Sylviane A. Diouf explique, dans son ouvrage American Slaves Who Were Readers and Writers, que l’islam était présent en Afrique de l’Ouest depuis 500 ans au moment où la traite transatlantique des esclaves a commencé en 1501, offrant ainsi la toile de fond d’une culture intellectuelle florissante.

Le baron Roger, gouverneur français au Sénégal, confirmait en 1828 qu’« il y a des villages où l’on trouve plus de nègres sachant lire et écrire l’arabe, qui est pour eux une langue morte et savante, que l’on ne trouverait dans nos campagnes françaises de paysans sachant lire et écrire le français ».

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