L’eau potable en France est largement contaminée par la présence de « polluants éternels » (concentrations élevées d’acide trifluoroacétique), notamment sur Paris. C’est ce que révèle deux enquêtes, rendues publiques le 23 janvier, réalisées par le laboratoire Eurofins, l’association UFC-Que Choisir et Générations Futures. Zoom.
En France, la contamination de l’eau potable par des « polluants éternels » (PFAS, ou substances polyfluoroalkylées) atteint des niveaux inquiétants. Deux études distinctes, publiées le 23 janvier, et menées par l’UFC-Que Choisir, Générations Futures et le laboratoire Eurofins, montrent que presque tous les Français seraient exposés à ces substances toxiques via l’eau du robinet.
Des taux alarmants dans 66% des cas en France
Au total, environ cent échantillons d’eau potable ont été prélevés, provenant des grandes agglomérations de métropole et des zones rurales. Dans les deux enquêtes, l’acide trifluoroacétique (TFA) est le contaminant le plus présent et à des concentrations élevées. Le TFA est suspecté d’être toxique pour le foie, et l’Allemagne a proposé son classement parmi les substances toxiques pour la reproduction.
L’UFC-Que Choisir, en partenariat avec Générations Futures, a prélevé des échantillons dans 30 communes entre juin et novembre 2024. Les analyses, confiées au laboratoire Lanesco, révèlent des taux alarmants. À Paris, par exemple, un échantillon prélevé dans le 10e arrondissement affiche une concentration de 6 200 ng/L, soit 62 fois plus que la limite de 100 ng/L fixée pour les métabolites toxiques de pesticides, en France.
Ce composé provient de la dégradation de divers « polluants éternels » utilisés dans de nombreux secteurs industriels. Sur les 30 prélèvements réalisés par l’UFC-Que Choisir et Générations Futures, le TFA a été détecté dans 24 cas, dépassant la barre des 100 ng/L dans 66 % d’entre eux.
Quelques données selon les communes
Outre Paris, d’autres villes sont concernées, mais à des niveaux moindres : Fleury-les-Aubrais (1 600 ng/L), Lille (290 ng/L), Rouen (250 ng/L), Metz (230 ng/L), ou encore Mulhouse (140 ng/L). Les données du laboratoire Eurofins sont encore plus inquiétantes. Parmi les 63 échantillons analysés en novembre 2024, 61 présentaient des concentrations de TFA au-dessus de 100 ng/L.
Les chiffres les plus élevés ont été relevés à Nantes (2 700 ng/L), La Rochelle (2 500 ng/L) et Palaiseau (2 500 ng/L). Même des villes comme Rennes (1 100 ng/L), Lyon (920 ng/L), Nancy (830 ng/L) ou Marseille (760 ng/L) affichent des taux largement supérieurs à la norme.
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« D’autres études en Europe ont déjà révélé des taux élevés de TFA dans les eaux de consommation, donc il était logique de conduire une étude similaire en France », explique Coralie Sassolat, directrice des laboratoires Eurofins Hydrologie France. Elle précise avoir « été surprise par l’ampleur des concentrations relevées ».
Le TFA s’accumule dans le sang humain
La situation, déjà préoccupante, continue de se détériorer rapidement. « Le TFA s’accumule à grande vitesse dans l’eau, les sols, les plantes, les produits agricoles comme les jus de fruits ou le vin, et donc dans le sang humain », alerte Hans Peter Arp, chimiste à l’université norvégienne de sciences et technologies.
Selon lui, cette hausse s’est accélérée depuis 2010 en raison de l’utilisation croissante de certains gaz réfrigérants, pesticides et produits pharmaceutiques, dont le TFA est un sous-produit.
Les associations appellent le gouvernement à appliquer le principe de précaution en instaurant « des normes plus strictes et protectrices », en augmentant les contrôles sur les rejets industriels et en interdisant l’usage des pesticides classés parmi les PFAS, dont 37 sont encore autorisés en Europe.
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