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Le Vénérable W : portrait d’un moine sanguinaire en guerre contre l’islam

Le réalisateur suisse Barbet Schroeder signe avec « Le Vénérable W » le troisième opus de sa trilogie sur les figures contemporaines du mal. Après Amine Dada et Jacques Vergès, Schroeder a pointé sa caméra sur l’obscur et sanguinaire moine-guerrier bouddhiste birman Ashin Wirathu, responsable de pogroms anti-musulmans. Focus.

Il est peu connu en France. Mais sur la scène internationale et asiatique, nul n’ignore plus le nom terrifiant de cet homme au visage apaisé : Ashin Wirathu. Moine bouddhiste birman, Ashin Wirathu est le chef de l’organisation Ma Ba Tha (Association pour la protection de la race et de la religion) responsable de nombreux actes meurtriers commis contre les minorités musulmane (Rohingya) et chrétienne de son pays.

Barbet Schroeder a décidé de lui consacré un film-documentaire intitulé Le Vénérable W. Le cinéaste qui s’est exprimé à plusieurs reprises dans la presse s’est longuement penché sur le cas Wirathu et la généalogie qui explique son passage dans le mal radical. « A l’âge de 12 ans, W a été marqué par le viol d’une jeune fille bouddhiste par des musulmans dans son village. Depuis, l’obsession du viol des jeunes filles par les musulmans le hante. Au point de guetter dans la presse les faits divers sordides pour les monter en épingle et construire sa rhétorique haineuse. C’est même possible qu’il ait inventé des viols pour galvaniser ses fidèles », confie-t-il à Jérémie Couston dans Télérama avant d’ajouter plus loin que « W et ses sbires ont tourné des reconstitutions de viols avec des acteurs et du faux sang », à des fins de propagande. Mais qui est au juste M. W ?

Aux origines du mal

Jacky Bornet, sur France Info, rappelle le contexte d’émergence de l’islamophobie en Birmanie qui a donné naissance à cette figure criminelle du bouddhisme contemporain. « L’islamophobie est une longue histoire en Birmanie, avec des mouvements de populations considérables, des lynchages depuis les années 90, et la naissance du mouvement radical 969 (1999) qui incarne selon une numérologie obscure la culture et l’identité bouddhistes. Ashin Wirathu va en devenir le chantre, le grand prêtre avec une influence grandissante, provoquant des émeutes, incendies et assassinats ». Pour Isabelle de Gaulmyn du journal La Croix, les choses ont commencé dès 1988. « Les militaires birmans au pouvoir, en proie à une hostilité croissante de la population, vont s’appuyer sur le pouvoir religieux, financer de manière massive les temples. Et permettre la création de ce mouvement religieux-nationaliste, Ma Ba Tha ».

Un moine sanguinaire charismatique

Les exactions commises par les Talibans contre les Bouddhas de Bamyan en Afghanistan ne feront qu’exacerber la haine anti-musulmane au Myanmar. « Pour les Birmans, ce fut d’abord un affront religieux. Et cela a favorisé la thèse d’une expansion de l’islam en Asie, et de l’encerclement, avec la haine du voisin qu’est le Bangladesh. Cela a donné lieu à des manifestations extrêmement violentes, contre les populations musulmanes, dans l’indifférence totale de l’opinion internationale ».

L’homme sera alors condamné à 25 ans de prison. Une peine commuée par une amnistie générale en 2012. Mais le viol et le meurtre d’une jeune Birmane bouddhiste mettra le feu aux poudres le 28 mai de la même année. Depuis, le moine birman est devenu charismatique « pour ses positions radicales contre les musulmans, allant jusqu’à la politique de la terre brûlée, en incendiant des quartiers et villages d’obédience islamique, et prônant l’assassinat jusqu’aux enfants de leurs ressortissants ».

L’impuissance des autorités bouddhistes

Devant l’ampleur de la violence provoquée par M. W, les autorités bouddhistes birmanes ont finalement décidé le 23 mai dernier d’interdire le mouvement. Mais malgré une interdiction de parole prise contre Wirathu, l’homme poursuit son travail de prêches incendiaires contre les musulmans de Birmanie. Son organisation n’a toujours pas été dissoute par les autorités militaires ce qui soulève la question de la complicité de l’ancien prix Nobel de la paix actuellement au pouvoir, Aung San Suu Kyi. « U Ko Ni, le prestigieux avocat musulman de Aung San Suu Kyi, qui était en train de concevoir une stratégie pour modifier la loi constitutionnelle favorable aux militaires, a été tué le 29 janvier 2017 d’une balle dans la tête à l’aéroport alors qu’il tenait son petit-fils dans les bras. La photo de son assassin au moment où il s’apprête à tirer, certainement prise par les commanditaires du meurtre, a été mise sur Facebook dans l’heure qui a suivi. On a découvert quelques semaines plus tard que l’entourage de W serait impliqué dans ce meurtre », raconte Schroeder sur Télérama.

Le silence complice de Aung San Suu Kyi

Un crime qui semble-t-il n’a pas soulever de réaction de l’actuelle chef de l’Etat birman, ce qui désole le cinéaste qui s’exprimait dans les colonnes de Courrier International.

En France, le massacre en cours des musulmans birmans ne rencontre qu’indifférence

« Cela a été une très grande déception pour moi lorsque j’ai constaté qu’elle était à la tête d’une entreprise de déni [Aung San Suu Kyi a démenti tout nettoyage ethnique dans l’État d’Arakan, contredisant les déclarations de plusieurs représentants de l’Organisation des Nations unies]. Son attitude est pour moi comparable à celle de Pétain sous l’Occupation. Qu’elle continue dans cette voie me semble totalement criminel. Mais il est vrai que, si Aung San Suu Kyi refusait de cautionner les agissements de l’armée, il y aurait un coup d’État et elle ne serait plus au pouvoir ».

« Ce film nous informe et nous fait prendre pleinement conscience du problème »

Barbet Schroeder en profite au passage pour tacler la France qui n’a que peu parler de ces violences commises par des moines bouddhistes fanatisés par M. W contre les minorités Rohingyas. « Les médias français ont été moins impliqués que les médias anglo-saxons dans la dénonciation de ses appels au meurtre. Je n’ai par exemple pas beaucoup lu dans la presse française que le pape avait récemment pris fait et cause pour les musulmans Rohingya. » Un point de vue partagé par Serge Kaganski, des Inrocks pour qui « en France, où islamophobie et question palestinienne suscitent des débats passionnés, le massacre en cours des musulmans birmans ne rencontre qu’indifférence. On peut même avouer que c’est ce film qui nous informe et nous fait prendre pleinement conscience du problème. »

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