Faouzia Zebdi-Ghorab est enseignante, militante associative de longue date, titulaire d’un DEA consacré au « thème de l’exil dans la philosophie Ishraqi » et d’une licence en lettres arabes et modernes. Elle est également l’auteur de nombreux ouvrages dont le remarquable essai consacré à la place du jeûne protestataire. Dans sa dernière tribune, Faouzia Zebdi-Ghorab dénonce une certaine immaturité émotionnelle exprimée par des réactions épidermiques sur la Palestine et Jérusalem et appelle de ses voeux à une constante et authentique prise de conscience politique sur l’importance de la Palestine, unique préalable à une action politique sérieuse.
Pourquoi nous offusquer des vomissures de Trump ? Sa reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’un État colonial est en parfaite cohésion avec ses projets politiques infâmes. Cela a au moins le mérite de dissiper l’hypocrisie de la politique extérieure étasunienne à l’égard du courageux et intrépide peuple de Palestine, et de rappeler son mépris du droit international le plus élémentaire. Et de ce fait mon propos ici, ne le concernera en rien. Jérusalem pleure. Elle pleure de rage devant l’infamie d’une déclaration qui la meurtrit. Offense outrageant ses fils, les enfants d’Abraham, juifs, chrétiens et musulmans dans leurs sentiments et leur dignité ; dépités par autant d’arrogance et d’ignorance. Une communauté outragée dans sa chair, regardant ses enfants égorgés par l’infâme idéologie mortifère. Cet événement est tragique. Mais il est aussi un défi pour les hommes épris de liberté, de justice et de dignité. Un défi pour ces hommes, en Palestine et ailleurs qui, debout et fiers, portent dignement la gloire et les vertus de leurs ancêtres et prédécesseurs. Des hommes qui ne s’inclineront pas, et qui jamais ne céderont de Jérusalem, ni le moindre clocher, ni le moindre minaret. Qui incarne ces hommes en France aujourd’hui ? Est-ce que ce sont ces dis-coureurs de l’Islam qui souhaitent pour la énième fois nous faire danser au rythme d’un chant languissant savamment orchestré. Un twitt par ci, une invocation ou une vidéo par là, un appel à manifestoyer ici, des photos chocs par là… Prendre position pour la Palestine impose d’adopter une posture INSTRUCTIVE tout au long de l’année. Les plus âgés d’entre nous ont connu une époque, où malgré une méconnaissance crasse de notre histoire, nous portions la CAUSE de la Palestine dans nos cœurs tout en arborant le keffieh palestinien sur nos poitrines. Ceci n’était pas le fait du Saint-Esprit, mais d’un discours ambiant, unanime, omniprésent et consensuel sur EL QODS la belle, El QODS la sainte, EL QODS la lumineuse, EL QODS la sacrée. Désormais nous sommes les otages, d’apprentis révolutionnaires, de charmeurs de serpents, de béni-oui-oui du prêche aux propos tantôt lénifiants, tantôt pleurnichards, tantôt menaçants, selon ce qu’ils souhaitent obtenir de leur public déresponsabilisé et dans le même temps, culpabilisé. Captifs, les consciences entravées, le cœur apeuré par ce verbiage qui se veut faussement « apaisant » et nécessairement A-POLITIQUE ou même politique, mais sur un arrière ton LAÏCISANT [une compilation rapide des propos des uns et des autres suffirait à le prouver !]
Quand à la position politique ferme sur la Palestine et Jérusalem il s’agit d’un DEVOIR MORAL ET RELIGIEUX que vous devez enseigner comme tel. Et si vous commenciez par appeler à la seule journée unificatrice qui existe pour le moment et qui est la journée mondiale d’EL QODS, à laquelle vous n’avez jamais appelé ?
Le moment n’est pas très loin, où cette même catégorie d’individu sommait littéralement les musulmans de se rendre aux urnes, et de voter sous la menace d’encourir le châtiment divin. Sic ! Aujourd’hui c’est pour manifester que certains d’entre eux souhaitent nous mobiliser. Soit ! Je ne suis pas sans vous apprendre qu’il s’agit d’un acte militant. Et si tant est que l’on croie encore aux vertus des manifestations comme moyens de lutte dans le cas de la Palestine, une manifestation impactante s’élabore tout au long de l’année, et pour la Palestine tout au long d’une vie, façonnant une conscience sociale et politique réelle qui portera aux nues la CAUSE de Jérusalem et de la Palestine. Faute de quoi, nous faisons figure de pantins désarticulés, méprisés, agités au bout d’une corde dont une simple brise suffit à déraciner les frêles convictions.
Des années durant, alors que nous manifestions, c’était toujours contre l’avis de ces mêmes musulmans qui nous expliquaient par A+ B que c’était haram , ou encore que cela constituait un moyen de lutte inapproprié. Frappés soudainement par un éclair de génie, ils s’érigent en guides politiques avertis, brillant notamment dans l’art de nous enseigner les « bonnes manières » citoyennes. Le travail de résistance est un travail de longue haleine qui a pour objet de fonder un homme digne et fier, d’une fierté arrogante et d’une arrogance salvatrice. Une fierté portée comme un emblème, qui est d’abord celui de l’émancipation des chaînes dorées imposées par tous ces discours castrateurs. Nous, fils et filles de cette communauté ne sommes pas vos choses, vos girouettes, vos jouets ! Cessez de nous mettre dans la position de l’âne de Buridan. Nous accusant tantôt de tout politiser, et tantôt d’être des estomacs passifs. Décidez-vous, on fait de la politique, ou on en fait pas ??!! Je parle d’une vraie politique pas celle des jérémiades et du quémandage du type : « si vous n’allez pas voter qui va vous donner vos mosquées ?! » Faire de la politique au sens éthique du mot, et non au sens d’une politique de larbinage pour obtenir une faveur ou un pré carré. Il suffit ! Assez de misérabilisme ! Osez prendre une position politique élaborée en rejoignant les rangs d’une dissidence avertie, en réfléchissant avec tant d’autres aux modalités d’une société autre, meilleure, plus juste… Des leaders qui nous mènent vers des jours plus glorieux et non vers l’abattoir. Quand à la position politique ferme sur la Palestine et Jérusalem il s’agit d’un DEVOIR MORAL ET RELIGIEUX que vous devez enseigner comme tel. Et si vous commenciez par appeler à la seule journée unificatrice qui existe pour le moment et qui est la journée mondiale d’EL QODS, à laquelle vous n’avez jamais appelé ? Vous souhaitez avoir la mainmise sur le discours ou le non-discours relatif à la PALESTINE, à Jérusalem, et à tout autre sujet politique, parce que selon vous nous pensons mal et nous exprimons mal ? Et bien soit ! Mais dans ce cas nous attendons de vous que vous soyez dignes de cette responsabilité tout au long de l’année, afin que notamment la Palestine et la centralité d’Al Qods, le droit pour tout peuple opprimé de résister, ainsi que la liberté d’opinion soient au cœur de vos réflexions, de vos débats et de vos préoccupations. Tant que ce travail n’est pas fait, passez votre chemin, et laissez-nous panser seuls nos plaies et écumer en silence notre souffrance… Et notre revanche.
A lire sur le même sujet :
–« Introduction aux fondements de l´Islam, Epître de Jérusalem : Al-Risâla al-Qudsiyya », Al Ghazali
–« Omar réapparaît à Jérusalem », Najib Kilani
–« Jérusalem dans le Coran », Imran Hossein