En France, éditorialistes et hommes politiques se donnent la main pour en remettre une couche. Histoire de prolonger la descente nationale aux enfers. Dans le viseur du moment, le succès de la abaya et celui de la grande enseigne H Market. Un billet signé Fouad Bahri.
Malgré un été qui s’annonce suffocant, l’islamophobie a toujours le vent en poupe. La recrudescence des chiens de garde idéologiques de l’extrême droite française, qui ne se contentent plus d’aboyer sur les réseaux sociaux mais montrent les crocs quand ils entendent le mot islamophobie, en témoigne : l’été islamophobe sera chaud. Ce n’est pas encore la canicule, mais les grandes fournées demandent toujours de la préparation. Et pour y arriver, quel meilleur carburant que le tissu de la abaya qui fait florès à l’entrée des lycées.
Nous traversons une crise sociale sans précédent, une attaque massive des libertés sous Macron, une sècheresse ultra précoce et une guerre alimentaire se profile.
— Mathilde Panot (@MathildePanot) June 7, 2023
Mais le Parisien fait sa Une sur la tenue des femmes musulmanes.
Pour ce journal comme beaucoup d’autres :… pic.twitter.com/T1hftHxsmc
Un haram républicain
Dépité, le pauvre ministre de l’éducation nationale, Pap Ndiaye, ne parvient donc plus à convaincre les étudiantes de sa hauteur de vue qui surplombe leur propre position. Non, non, non, la abaya c’est pas bien, c’est méchant, c’est contraire à l’esprit du temps. Comprenez mesdemoiselles : la abaya, c’est une bid’a nationale. Comment vous le dire : c’est haram !
Un « haram » de l’espace républicain ! Soit dit en passant, une absurdité dans les termes, une impossibilité non comprise : un sacré de l’espace profane. Rien que cela !
L’islamophobie française
Chaque tenue large, ample, qui flotte et éveille tous les imaginaires des amoureux du voyage, qui apaise le regard des amants de toute spiritualité authentique, celle qui ramène l’être de la superficie extérieure des choses à leur accomplissement intérieur, chaque voile qui honore cette traversée existentielle des plus mouvementée, se voit donc disqualifié et persécuté.
Pourquoi ? Pour le savoir, écoutez les va-t-en guerre dont la salive ne manque pas, telle une vague d’écume rageuse, de déborder des lèvres sinistres de spectres aux traits tirés, aux chevelures hirsutes, visiblement possédés par ce démon que des hommes en blouse blanche ont, il y a bien longtemps, baptisé d’un mot poétique : paranoïa.
Troubles de la personnalité
Islam politique, islamisme, communautarisme, frérisme, séparatisme, la liste est sans fin à l’image de la pathologie. Le paranoïaque voit le mal et ne voit que lui.
Partout où son regard se pose, il butte douloureusement contre la grève tranchante comme un rasoir que des digues de roches sombres et immobiles lui ont dressé.
Le paranoïaque est prisonnier de sa forteresse mentale, enfermé dans le souvenir d’un pays irréel et écorché vif d’un monde qu’il ne reconnaît pas. Troubles de la personnalité.
Islamoparanoïa
Un malheur en annonçant d’autres, aucun remède ne peut venir à bout de ce mal si ce n’est la compassion profonde et sincère que tout malade peut attendre des autres car, quand le mal est dans l’œil de celui qui regarde, que peut faire l’homme d’esprit ?
Oui, le racisme compulsif rend fou et lève toutes les barrières de la raison. L’islamophobie chez les plus vulnérables devient islamoparanoïa.
La clé des champs
Si la ‘abaya ne vous a pas convaincu, si la haute mer est un territoire trop périlleux pour vous, alors levez les voiles et regardez plutôt du côté des champs ou plus exactement du côté d’Auchan, qui a, semble-t-il, pris lui-même la clé des champs de la réussite française.
Fermetures en cascade, guerre économique, qui au juste est responsable de cette mort annoncée d’un géant de l’alimentaire ? Sera-ce la logique implacable du capitalisme ? Des erreurs de stratégie marketing ? Une vénalité suicidaire du groupe ?
Auchan terrassé par Highlander
Que nenni ! Parbleu, il s’agit du même ennemi qui ronge la France comme un chien son os. La même source accablante de tous les maux nationaux.
Cet affreux troll qui hante les territoires perdus de l’arrêt publique, celui qui marque l’arrêt H, hors de toutes frontières connues. Le Highlander des market-places, pour lequel il ne peut y en avoir qu’un : H(ighlander) Market !
Réussite française incontestable de la dernière décennie, H Market est une enseigne de viande halal qui a su diversifier ses produits au point de venir concurrencer les marques « traditionnelles » grâce à une stratégie de développement de produits internes mariée une baisse de sa marge afin de rester compétitive. De quoi lui attirer toutes sortes de jalousies et de calomnies.
Le retour du Moyen-Âge
Mais un certain nombre de nos compatriotes, dont l’état de santé mental ne cesse d’empirer, ont préféré voir dans cette réussite le signe d’une menace terrifiante, de pratiques déloyales comme le versement moyen-âgeux d’une « dîme », ou encore le développement d’un séparatisme économique confiant et sûr de lui.
La paranoïa française est une réalité. N’en doutez pas. Mais est-elle une fatalité ? Une politique de santé publique peut-elle encore sauver les élites zélotes d’un naufrage annoncé, entamé, et pire que tout, dont l’agonie semble interminable ?
Certaines questions ne devraient pas être posées. Certaines réponses ne devraient pas être cherchées.
Fouad Bahri
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