Associé au groupe Hill Dickinson, Afsor Ullah est expert en matière de conseil sur les biens immobiliers résidentiels et commerciaux, à travers le financement conventionnel, le leasing Ijarah, la Musharakah décroissante et la Murabaha. Il nous présente les défis que doit relever la finance islamique à la lumière de la finance éthique dans un article traduit par Mizane.info.
Les origines de la finance éthique
Le concept de finance éthique n’est pas nouveau. Il remonte peut-être aux années 1950 et 1960, lorsque les ouvriers de l’électricité et des mines ont commencé à investir leur capital de retraite dans des logements abordables.
En 2015, l’ONU a présenté 17 Objectifs de développement durable (ODD), également appelés Objectifs mondiaux, avec un appel à l’action pour éradiquer la pauvreté et des stratégies pour stimuler la croissance économique, améliorer la santé, l’éducation et réduire les inégalités – tout cela tout en luttant contre le changement climatique et pour la préservation des océans et des forêts.
Ce principe a été encore renforcé par la publication par la Commission européenne de son plan d’action sur la finance durable en 2018. Depuis lors, l’UE a introduit une série de mesures réglementaires liées aux critères ESG qui façonnent désormais notre façon de penser la finance éthique.
Qu’est-ce que la finance islamique et pourquoi est-elle nécessaire ?
Si nous nous tournons maintenant vers la finance islamique , celle-ci trouve ses racines dans la naissance de l’islam lui-même vers 610 après J.C. Le Coran contient de nombreux versets qui avertissent l’humanité que nos actions dans ce monde détermineront la manière dont nous serons traités dans l’au-delà. Par conséquent, les musulmans sont tenus de se conformer à des règles et des principes stricts.
Dans le contexte de la finance, il existe des règles strictes concernant la manière dont les musulmans peuvent acquérir, générer et dépenser des richesses, ce que les musulmans peuvent échanger et les articles interdits ; l’interdiction de l’usure et un fort encouragement à faire des dons de charité pour aider les pauvres et les nécessiteux. On trouve également de nombreux autres principes commerciaux dans l’exemple et les enseignements du prophète Muhammad (que la paix soit sur lui).
Définition de la finance islamique
Le système bancaire islamique moderne , tel que nous le connaissons aujourd’hui, a sans doute été développé dans les années 60 et 70 au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Les associations d’épargne islamique Mit-Ghamr (MGISA) ont fourni aux épargnants musulmans des rendements qui ne transgressaient pas les lois de la charia. Depuis lors, un certain nombre de banques au Royaume-Uni et dans le monde ont structuré leurs finances de manière à supprimer les intérêts et à garantir que les accords soient structurés de manière à respecter la charia.
Différences entre la finance islamique et la finance éthique et leur fonctionnement
La finance islamique vise à garantir que le système financier soit conforme aux normes et principes éthiques islamiques, conformément à la charia, la loi islamique. Si nous examinons les banques et les institutions financières au Royaume-Uni, il apparaît que, à première vue, l’objectif principal de la finance islamique est de permettre aux musulmans d’accéder à des financements tiers pour financer des biens immobiliers et d’autres actifs (ou même des projets) et de simuler d’autres fonctions bancaires conventionnelles générales, tout en garantissant le respect de la charia.
Nous pouvons opposer cela à la finance éthique, telle qu’elle est actuellement comprise, qui s’intéresse davantage à l’endroit et à la manière dont l’argent sera prêté et investi et à l’examen de trois considérations clés au moment où l’argent est prêté à une entreprise : (1) sociale – quelle est l’attitude de l’entreprise envers les employés et la politique de recrutement ; quelles sont les politiques internes de l’entreprise ; (2) économique – il s’agit de la gouvernance et de la façon dont l’entreprise traite ses parties prenantes telles que les clients, les fournisseurs, la communauté locale et tous les partenaires ; et (3) politique – l’attitude de l’entreprise envers la nature et la prise en compte de la durabilité et de la responsabilité.
Peut-on harmoniser la Finance Islamique et la Finance Ethique ?
Il est clair que la finance islamique et la finance éthique sont aujourd’hui différentes et ont des objectifs différents. La finance islamique a souvent été critiquée pour ne jamais avoir abordé le fond, ce que la finance éthique considère clairement. Bien entendu, la finance éthique a également fait l’objet de nombreuses critiques, car elle fait l’objet d’un « greenwashing » sur le terrain, ce qui signifie que les organisations se contentent d’utiliser l’ESG comme un label sans avoir d’impact significatif. En envisageant d’harmoniser les deux, la première question est de savoir pourquoi la finance islamique n’a jamais mis l’accent sur les considérations financières éthiques dès le début.
La principale raison en est la Dururah – ce concept qui peut être traduit par « nécessité » – qui est sans doute à l’origine de l’émergence de la finance islamique. La préoccupation des musulmans était de pouvoir effectuer des transactions sans tomber dans le riba (l’usure/l’intérêt). La finance islamique à ses débuts s’est donc concentrée sur la résolution de ce problème et n’a guère eu le temps de réfléchir à autre chose. Étant donné que la finance islamique existe depuis plus de 50 ans, cette excuse n’est peut-être plus une excuse derrière laquelle la communauté musulmane peut se cacher.
Mais si la finance islamique veut s’harmoniser avec la finance éthique, elle doit démontrer qu’elle a à la fois du contenu et de la forme. Elle doit s’éloigner de la simple focalisation sur la « conformité des accords et des structures à la charia » pour contribuer activement à la justice sociale, ce pour quoi elle a été conçue. De nombreux auteurs et penseurs ont affirmé de manière controversée que la réponse à l’harmonisation se trouve dans l’islam lui-même.
Si nous pensons à un concept islamique : Akhlaq – qui peut être traduit librement par «éthique/ comportement/ moralité/caractère » ; ce concept fondamental mais large pour les musulmans est basé sur de nombreuses ayats (versets) du Coran et ahadiths (paroles) du prophète Muhammad (sur lui la paix) qui se concentrent sur l’idée d’avoir une moralité islamique dans toutes les transactions et interactions.
Il serait trop naïf de rendre justice à ce concept dans un seul paragraphe (étant donné qu’il existe des volumes de livres consacrés à ce sujet) ; il va sans dire qu’une compréhension et une application pratiques et appropriées de l’Akhlaq donneraient à la finance islamique plus de substance qu’elle n’en a actuellement.
On peut donc soutenir que la finance islamique aurait toujours dû promouvoir ce concept et aller au-delà des considérations clés de la finance éthique. D’autant plus que les principales questions ou thématiques que les ODD de l’ONU et les politiques ESG de l’UE cherchent à résoudre sont couvertes, abordées ou évoquées par la sunnah du Prophète et à ce titre doivent être mieux appliquées dans la finance islamique.
Pourquoi la finance islamique est-elle importante ?
Il est clair qu’il existe un moyen d’harmoniser à la fois la finance islamique et la finance éthique, étant donné que l’éthique islamique couvre et va au-delà des considérations clés de la finance éthique. La question est donc de savoir si la finance islamique doit couvrir la finance éthique, et ce qui doit être fait différemment.
Je pense que la finance islamique doit aborder trois problèmes : 1) la finance islamique ne fait pas assez pour promouvoir ses pratiques éthiques de la même manière que la finance éthique ; 2) il y a parfois un décalage clair entre les pratiques de la finance islamique et ce qu’elle devrait faire sur la base du Coran et de la Sunna ; et 3) la finance islamique doit codifier les pratiques du Coran et de la Sunna qui examinent le niveau de l’action politique, ce qui aidera les organisations impliquées dans la finance islamique à réellement opérer un changement.
Afsor Ullah
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