Dans un texte extrait du Tabernacle des lumières, le célèbre théologien et juriste musulman Abou Hamid Al Ghazali développe sa conception de la lumière divine et de sa centralité cosmique pour les créatures.
Sache que de même que toute chose se manifeste à la vue grâce à la lumière extérieure, de même toute chose se manifeste à la vision intérieure grâce à Dieu ! Il est en effet avec toute chose, Il n’en est pas séparé, puis Il fait apparaître toute chose, comme la lumière accompagnant chaque chose, qui apparaît grâce à elle.
Mais il subsiste ici une différence : on conçoit que la lumière extérieure puisse disparaître au coucher du soleil et devenir invisible, permettant à l’ombre de se manifester. Tandis qu’on ne saurait concevoir la disparition de la Lumière divine par quoi toute chose apparaît; bien plus, tout changement en Elle est impossible, et Elle reste à jamais avec les choses. Ainsi se trouve coupée la voie de la déduction par la distinction.
En effet, si l’on imaginait la disparition de la Lumière divine, les cieux et la terre s’écrouleraient, et la distinction perçue alors entraînerait nécessairement la connaissance de ce qui faisait apparaître les choses. Mais étant donné que les choses continuent uniformément à porter le même témoignage sur l’Unicité de leur Créateur, la distinction est supprimée et ce moyen de connaissance disparaît, puisque la connaissance phénoménale des choses procède de leurs oppositions.
Pour Ce qui n’a pas de contraire et qui est immuable, tout ce qui change porte le même témoignage. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’Il soit caché et que Son invisibilité soit due à la force même de Son évidence, et que si on L’ignore ce soit à cause de l’éclat même de Sa clarté.
Gloire à Celui qui Se cache aux créatures par la violence de Sa manifestation, et qui Se voile à elles par l’éclat de Sa lumière !
Certains esprits bornés pourraient ne pas parfaitement comprendre ces paroles, et entendre notre phrase : « Dieu est avec toute chose comme la lumière accompagnant les choses» au sens de : «Il est partout » ; mais Il est bien trop Haut et bien trop Saint pour être mis en relation avec le lieu !
La meilleure façon d’empêcher qu’on imagine pareille chose est peut-être de dire alors qu’Il est «avant» toute chose, qu’il est «au-dessus» de toute chose, et Celui qui fait apparaître toute chose. Et l’homme clairvoyant sait bien que Celui qui fait apparaître n’est pas séparé de ce qui est ainsi rendu apparent. Voilà ce que nous voulons dire par notre phrase: «Il est ‘“avec”” toute chose. »
J’ajouterai qu’il doit être évident pour toi que Celui qui fait apparaître est «avant» ce qui est rendu apparent et également «au-dessus» de lui, tout en étant «avec» lui d’une certaine façon. Il est à la fois «avec» lui et «avant» lui, d’une autre façon.
Et ne crois pas que ce soit contradictoire! Prends un exemple tiré du monde sensible dont la connaissance est à ta portée, et considère comment le mouvement de la main accompagne l’ombre qu’elle projette tout en la précédant !
Que ceux qui sont incapables de comprendre cela renoncent à ce genre de connaissance ! Car « pour chaque science, il y a des hommes particuliers » et « chacun a des facilités pour ce en vue de quoi il a été créé ?».
Al Ghazali