La cour administrative d’appel de Paris a condamné, ce mardi, l’État français à indemniser des victimes du chlordécone en Martinique et en Guadeloupe. Cette décision marque une avancée majeure dans la reconnaissance des impacts environnementaux et sanitaires de cet insecticide utilisé aux Antilles jusqu’en 1993. Le point de la rédaction.
La cour administrative d’appel de Paris a confirmé, dans son arrêt du 11 mars, la responsabilité de l’État dans l’exposition des Antillais au chlordécone, un insecticide utilisé dans les bananeraies entre 1970 et 1993, toujours présent dans les sols et l’eau.
Culpabilité reconnue et indemnisation des victimes
Au-delà des « négligences fautives » reconnues en première instance, la cour évoque désormais des « fautes caractérisées », pointant le retard des autorités à mesurer l’ampleur de la pollution, à agir pour l’endiguer et à informer la population.
L’arrêt marque une avancée majeure en obligeant l’État à indemniser les victimes, non plus uniquement les travailleurs agricoles atteints d’un cancer de la prostate, mais aussi les personnes pouvant prouver un « préjudice d’anxiété », qu’elles aient ou non travaillé dans une bananeraie.
« L’État doit réparer, lorsqu’il est démontré, le préjudice moral d’anxiété des personnes durablement exposées à cette pollution », précise la cour.

Une victoire au goût amer
Dans le cadre de cette procédure judiciaire, protée par plus 1 300 requérants et trois associations, la victoire reste encore amère. Seules onze personnes ont obtenu une indemnisation, d’un montant de 5 000 à 10 000 euros. Un des avocats des requérants, Christophe Leguevaques, salue un grand progrès, mais dénonce une injustice pour les 1 290 autres laissés sans réparation.
« C’est un grand progrès, mais pour les pathologies pour lesquelles il n’y a pas suffisamment d’éléments scientifiques, c’est une aberration. 1 290 personnes restent sur le carreau, c’est injuste. »
Cette décision pourrait néanmoins ouvrir la voie à de nouvelles indemnisations et élargit la reconnaissance des victimes dans le cadre du scandale du chlordécone.
Lire sur le sujet : Chlordécone : l’Assemblée nationale reconnaît la responsabilité de l’État
90% de la population antillaise est contaminée
Pour les autorités françaises, la condamnation est sévère. L’arrêt souligne que le retard de l’État dans la mise en place des contrôles a entraîné une décennie de retard dans l’information du public sur les risques de contamination.
Aujourd’hui encore, 90 % de la population antillaise est contaminée, et en Martinique comme en Guadeloupe, le chlordécone est toujours présent dans l’eau potable, contraignant certains habitants à consommer uniquement de l’eau minérale.
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