Depuis le 19 janvier, Israël mène en Cisjordanie sa plus vaste campagne d’expulsion depuis 1967. L’opération militaire « Mur de fer » a déjà contraint 40 000 personnes à quitter leur foyer, principalement dans trois camps de réfugiés. Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a affirmé que les troupes israéliennes resteront déployées jusqu’à la fin de l’année. Zoom.
Deux jours après l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu à Gaza, le 19 janvier, l’armée israélienne a annoncé l’ouverture d’un nouveau front dans le nord de la Cisjordanie. L’opération baptisée « Mur de fer », s’est élargie, depuis le 4 mars, à de nouveaux secteurs du camp de réfugiés de Jénine, alimentant les craintes d’une annexion progressive des territoires occupés illégalement depuis 1967.
Une escalade sans précédent
En l’espace d’une semaine, l’armée israélienne a étendu son intervention, initialement concentrée sur le camp de réfugiés de Jénine, aux quartiers voisins. Depuis 2022, des incursions militaires et des frappes aériennes ont eu lieu en Cisjordanie, mais l’offensive lancée le 21 janvier 2025 marque une escalade sans précédent.
Pour la première fois depuis la fin de la deuxième Intifada (2000-2005), Israël a mobilisé des chars dans cette région. Des bulldozers ont rasé des routes, des maisons ont été démolies à l’explosif, et les checkpoints se sont multipliés.
« Nous ne sommes plus dans une opération antiterroriste, mais face à des actes de guerre en Cisjordanie occupée. Certains ministres israéliens avaient d’ailleurs affirmé que ce qu’ils avaient fait à Gaza, ils le feraient en Cisjordanie », analyse Vincent Lemire, historien et spécialiste de Jérusalem.

Une concession pour la droite israélienne
Privés d’eau et d’électricité, les habitants des camps de Jénine, Tulkarem et Nour Chams ont été contraints de quitter leurs foyers, soit 40 000 personnes selon l’ONU. Dans un communiqué publié le 23 février, le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a demandé à l’armée de se préparer à un déploiement pouvant durer jusqu’à un an.
« Par l’ampleur des moyens utilisés et le nombre record de Palestiniens déplacés, on assiste à une transformation de la stratégie militaire israélienne en Cisjordanie, en rupture avec le statu quo existant depuis la deuxième Intifada », explique le chercheur Xavier Guignard.
Lire sur le sujet : Cisjordanie : Israël vide des camps de réfugiés palestiniens
D’après plusieurs experts, l’opération « Mur de fer » représenterait une concession faite par Benjamin Netanyahu à ses alliés d’extrême droite, opposés à un cessez-le-feu à Gaza. Depuis des décennies, la droite israélienne réclame la suppression des camps de réfugiés en Cisjordanie, où vivent des Palestiniens déplacés depuis 1948.
Le spectre d’une nouvelle intifada ?
L’inquiétude grandit parmi les Palestiniens, d’autant plus que cette offensive militaire s’accompagne d’une accélération de la colonisation, encouragée par le gouvernement israélien. « Il y a une volonté claire de réduire la présence palestinienne en Cisjordanie, et plusieurs ministres prônent au minimum l’annexion de la zone C [sous contrôle exclusif d’Israël] », observe Vincent Lemire.
« On assiste ici à une annexion silencieuse. L’expérience de Gaza a montré qu’une annexion par épuisement des populations pouvait être aussi efficace qu’une annexion légale », analyse Bertrand Badie, qui alerte sur le risque d’une nouvelle révolte en Cisjordanie occupée. « Le spectre d’une nouvelle forme d’Intifada est bien réel. Les Palestiniens n’ont plus rien à perdre », conclut-il.
A lire aussi :
