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Conflans-Sainte-Honorine : ce que l’on sait sur les protagonistes

Des informations exclusives publiées par Mizane.info jettent un éclairage un peu plus précis sur les circonstances des événements qui se sont produits au collège du Bois d’Aulne de Conflans-Sainte-Honorine la semaine du 5 octobre 2020. L’assassinat et la décapitation du professeur Samuel Paty par un extrémiste tchétchène abattu au moment de son interpellation, vendredi 16 octobre, avait été justifiés dans un tweet publié sur le compte du terroriste par un cours illustré par des caricatures de Charlie Hebdo. Retour sur la chronologie macabre des évènements de Conflans-Sainte-Honorine. 

L’assassinat terroriste du professeur Samuel Paty, commis par un tchétchène répondant au nom de Abdoullakh Abouyezidevitch Anzonov, vendredi 16 octobre, avait été motivé, selon le tweet publié sur le compte @Tchetchene_270, par la présentation de caricatures du Prophète par Charlie Hebdo.

Mais que s’est-il exactement passé durant ces jours qui ont précédé la tragédie du 16 octobre au collège du Bois d’Aulne de Conflans-Sainte-Honorine ? Mizane.info déroule le fil des évènements

Le collège, épicentre du drame  

Le 5 octobre 2020, Brahim Chnina, le père d’une élève du collège de Conflans-Sainte-Honorine, témoignait, selon les propos de sa fille, que Samuel Paty, son professeur d’histoire géographie, aurait prévenu les élèves que le lendemain il présenterait des caricatures du Prophète et que certains élèves pourraient être choqués et s’ils le souhaitent sortir de classe.

La jeune fille aurait manifesté son refus qu’il le fasse, son père mentionnera une exclusion de deux jours.

Trois posts écrits sur le compte Facebook de M. Chnina relayaient ce témoignage et stipulaient aux parents qui les liraient de faire au minimum « un courrier au collège ou CCIF ou inspection académique ou ministre de l’éducation ou Président » pour dénoncer ces faits.

Le numéro de téléphone de Brahim Chnina, l’adresse du collège de Conflans-Sainte-Honorine et le nom de Samuel Paty ont été également diffusés sur Whatsapp à plusieurs personnes, d’après le témoignage du père de l’élève.

Le 8 octobre, Brahim Chnina s’est rendu à l’établissement scolaire en compagnie d’un autre homme, selon les informations du procureur général du parquet national antiterroriste Jean-François Ricard dévoilées au cours d’une conférence de presse ce 17 octobre.

Après avoir été reçus par la principale, les deux individus ont exigé auprès d’elle le renvoi de M. Paty, « sous peine de mobilisation et de manifestation », selon les mots du procureur.

Le père a ensuite diffusé une première vidéo le même jour sur sa page Facebook pour exprimer son mécontentement et son indignation sur la réception psychologique « violente » de cette caricature, en qualifiant l’enseignant de « voyou » et en appelant les parents qui partageraient son indignation à le contacter pour dire « stop » à cette initiative de l’enseignant.

Brahim Chnina, accompagné de sa fille, a porté plainte le jour même.

Quelques jours plus tard, Samuel Paty portait lui-aussi plainte pour diffamation.

Le 12 octobre, une seconde vidéo intitulée « L’islam et le Prophète insultés dans un collège public » était publiée sur YouTube. La vidéo a été depuis supprimée.

D’après Jean-François Ricard, la jeune élève y est interviewée par un homme qu’on ne voit pas à l’écran.

Elle lui confirme ses précédentes déclarations à la police, alors qu’un troisième individu, celui qui avait accompagné le père au collège, déclarait que « le président Macron avait attisé la haine vis à vis des musulmans », réclamant au passage l’exclusion de l’enseignant et menaçant de manifestation devant le collège et l’inspection académique.

La principale a déclaré que son établissement a reçu plusieurs appels téléphoniques menaçant après la publications de ces vidéos.

Selon elle, l’exclusion de deux jours de l’élève n’est pas liée à l’affaire des caricatures mais à son comportement et ses multiples retards.

Le père et la fille ont été convoqués par la police le 14 octobre. Ils ne se sont pas présentés.

Dans l’affaire de l’assassinat terroriste de Samuel Paty, deux volets ressortent. Un volet civil ciblant les évènements déroulés au collège et un volet criminel concernant l’assassinat odieux de Samuel Paty.

Les incohérences de la plainte 

D’après nos informations, la version de la fille du père, qui a porté plainte, a été mise à mal au cours de recoupements que nous avons effectués avec deux élèves et un parent d’élève.

La fille de M. Chnina n’aurait pas assisté au cours du mardi 6 octobre et n’aurait pas vu elle-même les caricatures présentées par Samuel Paty puisque le cours de sa classe s’est déroulé le 6 octobre.

Ce qui contredit la date des faits rapportés le 5 octobre. M. Chnina a lui-même reconnu que sa fille ne s’était pas rendu à l’établissement le 6 octobre, ce qui exclut la validité de son témoignage.

Comment la fille a-t-elle pu avoir connaissance de ces faits ?

Deux hypothèses sont envisageables : une autre classe de quatrième a reçu, selon nos informations, le même cours de présentation des caricatures, à une date indéterminée.

Par ailleurs, le même cours était organisé depuis des années. Il est possible que l’élève en ait eu vent par d’autres élèves.

Le président Macron a prononcé un discours sur les lieux du drame.

Un autre élément contredit la version de la fille : le professeur n’aurait pas demandé aux élèves de confession musulmane de lever la main pour s’identifier.

L’enseignant leur aurait seulement proposé de sortir quelques minutes si cela les gênait ou de fermer les yeux.

L’établissement reconnaissait une maladresse de l’enseignant et s’en excusait. Un temps d’écoute a été proposé avec un inspecteur académique référent en matière de laïcité et à l’attention des parents qui souhaitaient revenir sur cet enseignement.

Un courrier, envoyé par la principale du collège aux parents d’élèves, que nous nous sommes procurés, confirme cette version. (voir les photos).

Les noms du personnel éducatif ont été masquées pour des raisons de sécurité. 

Un dernier élément reste à clarifier sur ce volet civil. La qualification du procès verbal que nous avons consultés (la loi ne nous autorise pas à le reproduire, ndlr) ne correspond pas au témoignage, même entaché d’erreurs, de la fille.

Le père dénonçait une discrimination dans le traitement fait aux élèves de confession musulmane.

Or, le procès verbal de dépôt de plainte indique une autre qualification, « Diffusion de l’image d’un mineur présentant un caractère pornographique », ce qui ne correspond pas au compte-rendu des faits établis par la fille. Selon le père, cette qualification a été établie par l’agent de police.

La demi-soeur du plaignant avait rejoint Daesh

Sur le volet criminel de l’affaire, et d’après les informations présentées par le procureur, on sait à présent comment Abdoullakh Abouyezidevitch Anzonov a pu identifier Samuel Paty.

L’assassin s’est présenté devant le collège et aurait réussi selon plusieurs témoins à obtenir de certains élèves l’identification visuelle de l’enseignant.

Neuf personnes sont actuellement placées en garde à vue. Quatre personnes font partie de l’entourage familiale de l’assaillant.

Deux témoins qui étaient en contact avec le terroriste peu avant l’assassinat se sont déplacés de leur plein gré au commissariat d’Evreux. Brahim Chnina a été lui aussi placé en garde à vue, ainsi que l’homme qui l’avait accompagné au collège et sa compagne, à Evry.

Une autre information essentielle a été fournie par le procureur antiterroriste : la demi-soeur de Brahim Chnina s’était, selon Jean-François Ricard, rendue en Syrie en 2014 pour rejoindre les rangs de Daesh.

Elle est toujours recherchée sur la base d’un mandat de recherche.

L’enquête va tenter d’établir l’implication réelle ou non des personnes en garde à vue et l’établissement précis des faits qui ont précédé l’assassinat de Samuel Paty.

Existe-t-il un lien direct entre l’auteur de l’assassinat et les plaignants ? Un rapport personnel est-il établi entre la demi-soeur du plaignant (ou son entourage) et le terroriste ? L’enquête devra le déterminer.

Samia Chiki et Fouad Bahri

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