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Darmanin lance la dissolution des éditions Nawa

Le ministre de l’Intérieur vient d’enclencher une procédure de dissolution contre les éditions musulmanes Nawa. Le motif avancé ? La publication d’ouvrages « légitimant le jihad ». Zoom.

Fondées en 2008 par Abû Soleiman Al-Kaabi et Aïssam Aït Yahya, les éditions Nawa (dans l’Ariège) sont une maison d’édition militante engagée dans la production d’idée et d’ouvrages sur une ligne islamique généralement présentée comme proche du salafisme. Les livres publiées par Nawa traite de nombreux sujets : présentation des textes du wahhabisme, critique du complotisme, ouvrages de présentation de la pensée d’Ibn Taymiyya ou Sayyed Qotb, sur le thème du retour de Jésus dans l’eschatologie musulmane, le califat adamique, etc. M. Aït Yahya est notamment connu pour sa production intellectuelle orientée vers une critique théorique de la laïcité, de la République et de l’incohérence idéologique de certaines postures françaises et musulmanes, selon ses écrits.

Or, depuis sa nomination au ministère de l’Intérieur et l’assassinat de Samuel Paty par un réfugié russo-tchétchène, Gérald Darmanin, appuyé par les préfectures et services d’état, s’est engagé dans une politique active de fermeture d’un certain nombre d’établissements, d’institutions scolaires (MHS), associatives (CCIF, BarakaCity) et aujourd’hui éditoriales (Nawa), s’agissant soit d’établissements laïcs gérés par des Français de confession musulmane, soit d’établissements dont l’objet était confessionnel.

Vers l’instauration d’un délit d’opinion ? 

Dans le cas des éditions Nawa, la décision a été motivée selon l’entourage du ministre par la publication d’ouvrages « légitimant le jihad ». « Sa ligne éditoriale est clairement anti-universaliste et en contestation directe des valeurs occidentales. Elle a diffusé plusieurs ouvrages légitimant le jihad », a précisé l’entourage du ministre à l’AFP, allant jusqu’à dire que ses dirigeants sont « en lien avec la sphère jihadiste ». Les avoirs financiers de la maison d’édition ont été gelés dans la foulée de cette procédure.

Face à la gravité des accusations, les responsables de la maison d’édition ont annoncé la nouvelle sur leur page facebook à leurs abonnés, en ces termes :

« Comme vous avez dû sûrement l’apprendre via les médias, notre association est sous le coup d’une dissolution imminente pour de basses raisons purement politique. Malheureusement, nous avions vu juste sur le cours des évènements. La dérive du modèle politique français s’exprime par ces dissolutions arbitraires mais surtout par une première du genre : l’interdiction d’une maison d’édition. Nos ouvrages et traductions sont en accusation. Ces accusations, nous, vous et nos milliers de lecteurs, savent pertinemment qu’elles sont nulles et non avenues. Un communiqué plus détaillé sera publié au plus tôt inshaa Allah. Et sachez que vos messages ainsi que vos élans de solidarité sont lus et estimés par toute notre équipe. Ce sont des signes d’affections, de confiance et de fraternité fortement appréciable en cette période agité. Merci à tous. »

Le ministère de l’Intérieur n’a pas apporté davantage de précision sur la nature des accusations portées contre Nawa, et sur la question d’ouvrages « légitimant le jihad ». S’agit-il de passages appelant à la violence, ce qui tomberait légitimement sous le coup de la loi, ou d’autre chose, étant donné qu’aucune référence livresque n’a été mentionnée par le ministère. La question mérite d’être soulevée dans la mesure où le Coran et plusieurs recueils de traditions prophétiques parlent de cette notion de jihad et en font même la promotion avec des compréhensions différentes et divergentes sur le sens exact à accorder à ce terme.

La simple édition et publication de Corans et de recueils prophétiques pourraient de ce point de vue être assimilés à des ouvrages « légitimant le jihad » et entraîner de facto la fermeture de toutes les maisons d’éditions françaises y compris des grandes enseignes comme Albin Michel, Gallimard, Le Livre de Poche (qui éditent toutes un Coran) et d’autres instituant de ce fait un délit d’opinion et une restriction manifeste à la liberté d’expression. Au-delà, se trouve posée la question du droit à la publication d’ouvrages classiques du patrimoine islamique comportant des passages ou des sections jugés dérangeants ou violents, et de la restriction à la diffusion de la connaissance et du savoir théologique et historique.

Affaire à suivre…

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