Enseignant, membre de la plateforme Eliksir, intervenant sur la thématique «Sagesse & proverbes», Rachid Tabib nous expose dans un texte publié par Mizane.info, l’esprit et l’essence de l’enseignement proposés par la plateforme Eliksir fondée par Slimane Rezki.
Le mot Elixir, le grand œuvre des alchimistes, vient de l’arabe al-iksir, ce qui en soi suffit déjà à éveiller un frisson. Iksir, de la racine kasara, désigne ce qui brise, ce qui fracasse, ce qui broie les résistances de la matière. L’abaissement et l’écrasement comme conditions de la transcendance. Briser pour extraire. Brûler pour révéler. Le parfum n’éclot qu’à force d’écraser la fleur. Le oud n’exhale qu’après avoir été consumé par le feu. Le miroir ne réfléchit qu’après avoir été poli à l’extrême. Tout ce qui aspire à l’essence doit mourir à sa forme. C’est un paradoxe splendide, violent : pour être, il faut ne plus exister.
C’est en bas, dans les bris, que les choses se révèlent. C’est pourquoi on TOMBE amoureux, c’est pourquoi une femme qui porte la vie TOMBE enceinte, c’est pourquoi un fruit mûr TOMBE de l’arbre, c’est pourquoi une vérité qui frappe par sa cohérence, on dit qu’elle TOMBE sous le sens. Toujours ce mouvement vers le bas, cette gravité qui attire tout ce qui est sublime à la pesanteur de l’existence.
On pourrait croire que le tomber est une perte. Mais non. C’est une descente nécessaire, une reddition au sol fertile où les choses se réalisent. Tout le secret réside dans la chute — Sidi Abû Madyân ira jusqu’à dire que s’il avait été notre père Adam, il aurait dévoré l’arbre entier au lieu d’un seul petit fruit qui fût la cause de la chute archétypale de l’Homme.
Et bah oui ! Reprenons : Pourquoi l’homme tombe-t-il amoureux sinon pour être brisé sous le regard d’une femme qui le broie d’un sourire ? L’amour ne plane pas, il tombe. Comme une pierre qui trouve enfin son lit dans la rivière. L’Homme ne s’élève pas dans l’amour, il s’abandonne. Il dégringole dans un chaos où l’essence même de ce qu’il est se fracasse pour devenir autre, c’est de la transmutation amoureuse.
Pourquoi la femme, à son tour, doit-elle tomber enceinte, avec tout ce que cela suppose de douleur et d’abandon, sinon pour que son être se brise dans l’enfant qu’elle donne au monde ? Cette chute, c’est son enracinement dans le sacré. Elle descend pour créer, pour accueillir dans son être la gravité de la vie elle-même.
Et la vérité, elle aussi, tombe … sous le sens, comme une évidence qu’on trouve en contrebas, dans les débris des illusions. Elle ne jaillit pas comme une lumière céleste. Elle s’affale. Elle s’impose, lourde et inéluctable, comme une pierre qui roule jusqu’à vos pieds. Pour la trouver, il ne faut pas lever les yeux vers les étoiles, mais se pencher, ramasser ce qui gît là, à portée de main. Et pour cueillir ce qui est bon dans cette descente, il est nécessaire de se mettre en sajdah — prosternation —, car c’est en cet état d’abaissement que l’on est le plus proche du Divin, comme nous l’a enseigné le Prophète ﷺ.
La chute est la clé de cet Elixir. Les hauteurs nous grisent, mais c’est au ras du sol que les essences se condensent.
L’Homme croit toujours que la métaphysique est là-haut, inaccessible, suspendue dans un idéal bien chiant. Mais non. Elle est en bas, dans la boue, dans l’humilité du geste qui se penche pour ramasser ce qui traîne à ses pieds depuis le début. C’est dans la chute qu’il faut chercher l’élévation, dans les ruines que niche le miracle. La métaphysique, ce n’est pas une quête vers les cimes. C’est une plongée vers les racines, tout en bas. Une chute consentie, magnifique et douloureuse, qui nous ramène à l’essence même de ce que nous sommes.
C’est exactement ce que propose Eliksir Formation, c’est une distillerie, de l’extraction d’essence. Cet institut de formation en ligne n’est pas un de ces marchés numériques ou une espèce de comptoir d’enseignements préemballés où l’on vend des promesses en sachets colorés.
Eliksir ne promet rien d’autre que l’essentiel : impliquer l’apprenant dans ses propres apprentissages, l’inviter à se confronter à lui-même, à ses ombres, à ses doutes, à ses certitudes.
Pas de place pour les feux d’artifice ni pour l’esbroufe. Pas de tour de magie pour fasciner les intelligences faibles. Pas de poudre de perlimpinpin, pas vapeurs mystiques. Eliksir ne s’adresse pas à ceux qui cherchent des tables qui tournent ou des lumières astrales pour faire frétiller les amateurs de phénoménal. Non.
Ce qu’on propose, c’est la vérité — sèche comme la pierre, rude comme sa nature minérale, dense mais pure. Elle pèse sur les épaules. Elle vous écrase avant de vous libérer. Elle est là, brute, dépouillée, et exigeante. Ce n’est pas un cadeau que l’on reçoit parce qu’on a été gentil. C’est un poids que l’on accepte de porter, un travail que l’on accomplit.
Et comme dans toute quête authentique, Eliksir ne laisse aucune place aux illusions. Il ne vous fera pas flotter au-dessus de vous-même. Il vous fera descendre, plonger, tomber dans le réel. Car c’est en bas que tout commence.
Briser pour révéler. Descendre pour comprendre. C’est un chemin où l’on tombe : amoureux de la connaissance, enceinte de vérités nouvelles, et enfin, où la vérité elle-même tombe sous le sens.
Pas de moralisme de « mère-grand » pour reprendre l’expression de Sidi Slimane Rezki, pas de sentences plates et fades prêtes à l’emploi. Seulement la réalité, nue, celle que l’on croise tous les jours et que l’on refuse de voir. Cette vérité qui s’offre à ceux qui se penchent, qui s’abaissent assez pour ramasser ce que les autres ignorent. Car ce n’est pas en levant les yeux vers le ciel qu’on trouve le sens, mais en plongeant les mains dans la glaise.
Tout ce qui s’y enseigne part du concret, de ce qui est là, palpable, devant nous. Il n’y a rien de plus métaphysique que la simplicité, rien de plus transcendant que ce qui semble insignifiant. Mais pour le comprendre, il faut consentir à la chute. Tomber. Accepter que l’on ne s’élève qu’en touchant le fond. Qu’en embrassant ce coin de cube métatronique, minéral lui aussi, et qui cristallise sur terre, à nos pieds, toutes les influences célestes — rien que ça — car ce qui est en bas est comme ce qui est en haut comme nous le révélait Sidna Hermès.
C’est ça, Eliksir : plus qu’une plateforme, un miroir de gravité. Pas un miroir pour se contempler, mais un miroir pour voir ce qu’on cache. Un endroit où la vérité s’impose, sans douceur ni détour. Ici, on ne vole pas. On tombe. Et c’est seulement en tombant qu’on apprend à toucher l’essentiel.—
Rachid TABIB