Ecrivain considéré comme le plus grand romancier russe, Fiodor Dostoïevski a connu une existence aussi tragique que mouvementée qui a nourrit une œuvre massive, puissante, vibrante, qui ne laisse pas insensible. En treize citations, Mizane.info vous plonge dans le plus fantastique univers romanesque du 19e siècle.
«- De quel isolement parlez vous ?- De l’isolement dans lequel vivent les hommes, en notre siècle tout particulièrement, et qui se manifeste dans tous les domaines. Ce règne là n’a pas encore pris fin et il n’a même pas atteint son apogée. A l’heure actuelle, chacun s’efforce de goûter la plénitude de la vie en s’éloignant de ses semblables et en recherchant son bonheur individuel. Mais ces efforts, loin d’aboutir à une plénitude de vie, ne mènent qu’à l’anéantissement total de l’âme, à une sorte de suicide moral par un isolement étouffant. A notre époque, la société s’est décomposée en individus, qui vivent chacun dans leur tanière comme des bêtes, se fuient les uns les autres et ne songent qu’à se cacher mutuellement leurs richesses. Ils en viennent ainsi à se détester et à se rendre détestables eux-mêmes. L’homme amasse des biens dans la solitude et se réjouit de la puissance des biens qu’il croit acquérir, se disant que ses jours sont désormais assurés. Il ne voit pas, l’insensé, que plus il en amasse et plus il s’enlise dans une impuissance mortelle. Il s’habitue en effet à ne compter que sur lui-même, ne croit plus à l’entraide, oublie, dans sa solitude, les vraies lois de l’humanité, et en vient finalement à trembler chaque jour pour son argent, dont la perte le priverait de tout. Les hommes ont tout à fait perdu de vue, de nos jours, que la vraie sécurité de la vie ne s’obtient pas dans la solitude, mais dans l’union des efforts et dans la coordination des actions individuelles. »
Les Frères Karamazov
« Laissez nous seuls, sans les livres, et nous serons perdus, abandonnés, nous ne saurons pas à quoi nous accrocher, à quoi nous retenir; quoi aimer, quoi haïr, quoi respecter, quoi mépriser ? »
Notes écrites dans un souterrain
« Aucun homme ne peut vivre sans un but qu’il s’efforce d’atteindre ; s’il n’a plus ni but ni espoir, sa détresse fait de lui un monstre. »
Souvenirs de la maison des morts
« La pire des souffrances est celle de ne plus pouvoir aimer. »
Les frères Karamazov
« Toute société, pour se maintenir et vivre, a besoin absolument de respecter quelqu’un et quelque chose. »
Le journal d’un écrivain
« La souffrance et la douleur sont toujours indispensables pour une conscience large et pour un cœur profond. Les hommes qui sont vraiment grands, me semble-t-il, ils doivent ressentir dans le monde une grande tristesse. »
Crime et châtiment
« Il est rare que le Français soit aimable naturellement, il l’est sur commande, par calcul… Le Français au naturel est du positivisme le plus bourgeois, le plus mesquin le plus commun ; en un mot, c’est l’être le plus ennuyeux du monde (…) Il n’y a peut-être que les Français qui sachent paraître dignes sans l’être. C’est pourquoi, chez eux, la place publique a tant d’importance. Un Français laisse passer une offense réelle, une offense de cœur, sans la relever, pourvu qu’elle soit secrète ; mais une pichenette sur le nez, voilà ce qu’il ne tolère jamais, car cela constitue une dérogation aux lois des convenances. »
Le joueur
« Pardonne tout le mal que l’on t’a fait, et la paix véritable descendra en toi. »
Les frères Karamazov
« En jetant vos semences, votre « aumône », votre bonne action, quelle qu’en soit la forme, vous donnez une parcelle de votre personnalité et recevez en échange une parcelle de l’autre; vous communiez ainsi l’un dans l’autre; encore un peu d’attention et vous serez récompensé par la connaissance, par les découvertes les plus inattendues. Vous finirez infailliblement par considérer votre œuvre comme une science; elle absorbera toute votre vie et elle pourra la remplir toute. D’autre part, toutes vos idées, toutes ces semences que vous aurez jetées et que vous avez peut-être oubliées déjà, prendront corps et se développeront; celui qui a reçu de vous transmettra à un autre. Comment pouvez-vous savoir quelle part vous aurez dans la future solution des destins de l’humanité ? »
L’idiot
« Le monde a proclamé la liberté, ces dernières années surtout ; mais que représente cette liberté ! Rien que l’esclavage et le suicide ! Car le monde dit : « Tu as des besoins, assouvis-les, tu possèdes les mêmes droits que les grands, et les riches. Ne crains donc pas de les assouvir, accrois-les même » ; voilà ce qu’on enseigne maintenant. Telle est leur conception de la liberté. Et que résulte-t-il de ce droit à accroître les besoins ? Chez les riches, la solitude et le suicide spirituel ; chez les pauvres, l’envie et le meurtre, car on a conféré des droits, mais on n’a pas encore indiqué les moyens d’assouvir les besoins. On assure que le monde, en abrégeant les distances, en transmettant la pensée dans les airs, s’unira toujours davantage, que la fraternité règnera. Hélas ! ne croyez pas à cette union des hommes. Concevant la liberté comme l’accroissement des besoins et leur prompte satisfaction, ils altèrent leur nature, car ils font naître en eux une foule de désirs insensés, d’habitudes et d’imaginations absurdes. Ils ne vivent que pour s’envier mutuellement, pour la sensualité et l’ostentation. Donner des dîners, voyager, posséder des équipages, des grades, des valets, passe pour une nécessité à laquelle on sacrifie jusqu’à sa vie, son honneur et l’amour de l’humanité, on se tuera même, faute de pouvoir la satisfaire. Il en est de même chez ceux qui ne sont pas riches ; quant aux pauvres, l’inassouvissement des besoins et l’envie sont pour le moment noyés dans l’ivresse. Mais bientôt, au lieu de vin, ils s’enivreront de sang, c’est le but vers lequel on les mène. Dites moi si un tel homme est libre. »
Les frères Karamazov
– « Je pense que chacun en ce monde devrait apprendre, avant tout, à aimer la vie.
– Aimer la vie plutôt que chercher à la comprendre ?
– C’est cela, aimer la vie sans souci de la logique, comme tu l’as dit. C’est ainsi seulement qu’on finit par en découvrir le sens. »
Les frères Karamazov
« Peut-on aimer tous les hommes sans exception, tous ses semblables ? Voilà une question que je me suis souvent posée. Certainement non ; c’est même contre nature. L’amour de l’humanité est une abstraction à travers laquelle on n’aime guère que soi. »
L’idiot
« La beauté sauvera le monde »
L’idiot