A la veille de la visite du Pape François en Indonésie, Ulil Abshar-Abdalla, un savant musulman indonésien, représentant de l’association islamique Nahdlatul Ulam, s’est confié à l’agence de presse catholique Fides pour exposer la vision et l’orientation islamique indonésienne.
Ulil Abshar-Abdalla, savant musulman indonésien et représentant de l’association islamique Nahdlatul Ulama (NU) de tendance libérale, affirme que les tentatives d’imposer une théocratie en Indonésie ont échoué, notamment au milieu du XXe siècle et dans les années 1990, et qu’elles ne trouveraient pas de soutien aujourd’hui.
À la veille de la visite du Pape François en Indonésie, Ulil souligne que l’islam indonésien entretient des relations étroites avec l’Église catholique, préparant l’accueil du Pape avec respect et un engagement partagé en faveur de la fraternité et de la paix entre les religions.
Tolérance et pragmatisme
Ulil Abshar-Abdalla explique l’évolution de l’islam en Indonésie, une région historiquement appelée « Nusantara », qui inclut aussi la Malaisie et Singapour. L’islam y a été introduit par des marchands arabes dès le XIIIe siècle, et s’est progressivement adapté aux cultures locales, donnant naissance à un « islam nusantara ».
« Parmi les caractéristiques de l’islam, je citerais la tolérance profonde à l’égard des différents systèmes de pensée, systèmes religieux et cultures ; la coexistence pacifique avec un groupe de personnes de différentes confessions ; la capacité de s’adapter à la situation et au contexte socio-politico-culturel ; la modération, l’équilibre », a déclaré le savant musulman indonésien, cité par l’agence Fides.
Ulil Abshar-Abdalla a aussi souligné l’importance du rôle des femmes dans l’islam indonésien, tant dans la vie publique que privée, depuis des siècles. « Le rôle des femmes est très important dans la vie publique et privée. Il en a été ainsi pendant de nombreux siècles, les femmes étant fortement représentées dans la participation à la vie publique », a-t-il ajouté.
Le juste milieu indonésien
Il explique que l’Indonésie n’a jamais connu de califat comme au Moyen-Orient ou en Afrique du Nord, ce qui a permis une transition en douceur vers un État moderne sans conflits internes majeurs. Il rappelle également que les musulmans ont été profondément impliqués dans le mouvement d’indépendance contre la colonisation néerlandaise, jouant un rôle clé aux côtés des nationalistes laïcs et d’autres groupes divers pour construire l’État-nation indonésien.
Gus Ulil explique que l’Indonésie n’a pas opté pour un État laïque, mais plutôt pour un « État national » qui trouve un équilibre entre religion et laïcité. Cet équilibre est incarné par le Pancasila, une charte fondatrice qui inclut la foi en Dieu tout en unifiant les divers blocs religieux, politiques et culturels du pays.
Bien que certains aient tenté de créer un État islamique, comme le Darul Islam dans les années 1940-1950 et la Jamaah Islamiyah dans les années 1990, ces tentatives ont échoué. Récemment, la Jamaah Islamiyah a même annoncé sa dissolution et son retour à l’idée de l’État-nation indonésien.
Vatican/Al Azhar : un dialogue utile
L’Indonésie contemporaine cherche à équilibrer la sécularisation excessive et l’islamisation en promouvant une voie médiane. Cette approche est soutenue par le programme gouvernemental « Moderasi beragama » (Modération religieuse), supervisé par le ministère des Affaires religieuses et soutenu par des organisations comme Muhammadiyah et Nahdlatul Ulama (NU).
Ce programme est largement accepté et mis en œuvre dans les écoles. Ulil Abshar-Abdalla souligne également l’importance des visites récentes du cheikh d’Al-Azhar et du Pape François, qui renforcent le dialogue, la tolérance, et la fraternité, en accord avec le « Document sur la fraternité humaine ». Ce document sert de guide pour promouvoir ces valeurs en Indonésie.
