Seconde partie de l’article de Nathalie Lafrie que publie Mizane.info. Elle nous y livre les clés d’accès pour une alimentation et un mode de vie équilibré et en harmonie avec l’ensemble de la création divine. Nathalie Lafrie est entrepreneur(e) dans la communication et l’événementiel, férue de voyages et de découvertes culturelles, et aussi une citoyenne attentive aux questions du bio et de l’alimentation dans une perspective éthique.
Les consomm’acteurs réalisent peu à peu qu’ils ont un pouvoir de contribution pour rééquilibrer la balance dans un monde en déséquilibre. L’initiative I-boycott est en ce sens très révélatrice et vise à redonner le pouvoir aux citoyens, qui sont en mesure de faire valoir une vision économique différente, avec pour moto une conception économique proposant des alternatives viables, respectueuse de la nature, de la condition animale et de l’humain.
La spiritualité se vit dans notre relation au Créateur, mais également dans notre relation à toutes les créatures, au vivant dans son ensemble. Manger mieux, c’est manger moins, en particulier moins de viande, en végétalisant davantage la cuisine et en privilégiant les produits locaux et bio.
« Et mangez et buvez mais sans excès ; Il n’aime pas ceux qui agissent par des excès » (Al Aaraf, 31).
Diminuer sa consommation relève d’une conscience aigüe pour son propre corps, et pour chaque être vivant. L’islam nous enseigne que la nature, les animaux, les végétaux ont des droits sur nous. Les animaux sont nos alliés pour se nourrir, se vêtir se déplacer. La sédentarisation a effacé de notre mémoire collective nos habitudes ancestrales et primaires. L’indifférence et à la haine des animaux s’est accentuée dans la période contemporaine avec la volonté de moderniser l’Islam pour l’adapter à l’exode rural.
L’Islam invite à nous reconnecter à ces habitudes saines et durables : « Vous avez certes dans les bestiaux, un sujet de méditation. Nous vous donnons à boire de ce qu’ils ont dans le ventre, et vous y trouvez également maintes utilités ; et vous vous en nourrissez – Sur eux ainsi que sur des vaisseaux vous êtes transportés. » Sourate les croyants versets 21 et 22.
L’islam a fortement affirmé dans le Coran la coparticipation des hommes et des animaux dans la Louange (Coran Sourate 22, verset 18) et la nécessité d’un partage de la Terre entre eux et nous (Coran Sourate 55, verset 10). Le Coran lui-même est adressé aux animaux par le Prophète (que la paix soit sur Lui).
Le halal a un sens et une finalité. Il n’est pas concevable que nous puissions consommer en toute insouciance des conséquences provoquées en amont comme en aval par nos modes de consommation.
Les voies de cheminement vers une alimentation en conscience
Parce que faire le choix de l’éthique en termes de consommation est un acte politique, gageons que les militants animalistes et les croyants puissent devenir des alliés inattendus pour un monde plus équitable et plus durable.
Au quotidien et dans les débuts, il peut sembler difficile de changer ses habitudes ; c’est un djihad (effort) à mener mais il en vaut la peine : il fait partie de l’essence de l’Islam. Changer ses habitudes de consommation permet un retour au Créateur.
On vous livre ici quelques pistes de réflexion et leviers d’action pour vivre les valeurs de l’Islam dans nos actes de consommation
Humanité : Privilégier les artisans et la production à échelle humaine et non industrielle
Humilité : D’après la Sourate Al Furqan, Verset 67, parmi les « serviteurs de Dieu », « ceux qui marchent humblement sur la terre », il y a ceux qui « lorsqu’ils dépensent (pour leur nourriture, etc..), ne sont ni prodigues ni avares mais se tiennent juste au milieu ».
Compassion envers le Vivant : l’homme est oublieux, il est temps de redonner du poids à nos douas et de méditer des termes fréquemment utilisés tels que « Bismillah ». L’histoire islamique de la compassion envers les animaux offre une alternative et des leçons pour nous tous, musulmans ou non. Le Coran nous informe sur le fait que les animaux sont des communautés comme nous. Et cela ne peut que nous pousser à avoir de la compassion envers eux. « Nulle bête marchant sur terre, nul oiseau volant de ses ailes, qui ne soit comme vous en communauté. Nous n’avons rien omis d’écrire dans le Livre. Puis, c’est vers leur Seigneur qu’ils seront ramenés » Sourate les bestiaux verset 38. A l’aune de la morale islamique, la bientraitance notamment animale peut recouvrer les trois notions suivantes : Ihsân (bel-agir, bienfaisance), Rahmah (compassion, miséricorde), et rifq (douceur, tendresse) ».
De nouvelles initiatives émergent, avec des boucheries qui se tournent de plus en plus vers une distribution de viande bio et halal en lien avec de petits éleveurs et des organismes de certification tels Ecocert ou AVS. Même si les contraintes sont nombreuses, ces nouveaux artisans bouchers 2.0 s’attachent à remettre du sens dans nos assiettes et ont bien l’intention de diffuser une démarche qui colle à leur éthique. C’est le cas de Biolal, une enseigne pionnière et singulière ouverte en 2015 à Lyon qui livre à présent des viandes de nos terroirs, dans toute la France
Respect, observation, connexion régulière avec la nature. Dans l’islam, nous sommes encouragés à respecter la nature. De toute plante, de tout arbre dépend un autre être vivant « Le musulman ne plante un arbre fruitier, ou sème une graine, et qu’un homme ou un animal ou un oiseau en mange, sans qu’une aumône ne lui soit comptée au jour de la résurrection. » (Rapporté par Mouslim d’après Anas)
Responsabilité : La responsabilité est corrompue par le fait de suivre ses désirs. Abou Saïd Khudri a rapporté que le Prophète (paix et bénédictions sur lui) a dit : « Le monde est doux et vert (attirant) et vraiment Allah va vous y installer comme vicaire afin de voir comment vous agissez. » (Sahih Muslim : livre 36, numéro 6606). Par ailleurs, nous avons la responsabilité de prendre soin de notre corps, cette amana, cette enveloppe dans lequel nous siégeons durant notre vie terrestre.
Modération et frugalité : à l’instar de nos traditions, privilégier des produits simples de saison issus d’une agriculture, bio, locale, raisonnée et consommer modérément. Ecoutons et comprenons ce qui nous a été transmis de la tradition (du Prophète Mohammed) à ce sujet : « L’estomac est le lieu du mal et le régime le sommet du remède » ; « L’homme n’a jamais aussi mal rempli un ‘contenant’ qu’il ne l’a fait pour son estomac : il suffit à l’homme quelques bouchées pour s’assurer une bonne constitution ; il pourrait au mieux réserver le tiers de son estomac à la nourriture, le 2e tiers à l’eau et le dernier tiers à sa respiration » ;
Justice sociale : on privilégie les petits commerces locaux et de proximité, qui vendent en circuits courts, notamment en soutenant les agriculteurs, éleveurs, fournisseurs bio de nos régions. Il est courant de voir des produits certifiés bio, notamment en grandes surfaces mais la vision sociale et écologique, en outre, est éludée (ce critère ne figure d’ailleurs pas dans le cahier des charges de l’agriculture biologique). De nouvelles initiatives émergent, avec des boucheries qui se tournent de plus en plus vers une distribution de viande bio et halal en lien avec de petits éleveurs et des organismes de certification tels Ecocert ou AVS. Même si les contraintes sont nombreuses, ces nouveaux artisans bouchers 2.0 s’attachent à remettre du sens dans nos assiettes et ont bien l’intention de diffuser une démarche qui colle à leur éthique.
C’est le cas de Biolal, une enseigne pionnière et singulière ouverte en 2015 à Lyon qui livre à présent des viandes de nos terroirs, dans toute la France. Oui, c’est plus cher, mais comme son fondateur l’indique : « L’éthique passe par le respect du bien-être animal mais aussi par une juste rétribution des éleveurs ». Le calcul est vite fait : il est impossible de vendre un poulet bio et halal à 6€.
Gouvernance : basés sur la coopération et le consentement. Place aux supermarchés coopératifs (comme les Nouveaux Robinsons en région parisienne) !
Mobilisation : Interpeller son boucher pour pouvoir disposer de viande halal bio, encore trop difficile à se procurer.
Education : on ne peut éluder l’importance de la transmission par le faire et par l’exemplarité dans le fait d’éduquer nos enfants au bien manger. Ils ont souvent une longueur d’avance sur nous. Profitons-en !
Tout être humain a le droit de vivre une vie de qualité, les musulmans compris. Charge à chacun de s’approprier une démarche déjà ancrée dans nos sources et nos traditions depuis des siècles et de la faire vivre au quotidien, pas à pas.
Bibliographie
-« Les animaux en Islam », par Al-Hafiz B. A. Masri, éditions Droits des animaux, 2015.
-Eric Baratay dans « Les Dieux et les Bêtes », 2016.
-Ismail Mounir « Ecologie et Islam ».
-Maurice Gloton « Ce que dit le Coran sur…l’ écologie ou l’harmonie universelle ».
Nathalie Lafrie
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