Que faut-il penser des rapports entre (post)modernité et islam ? Pour Fouad Bahri, journaliste, écrivain et rédacteur en chef de Mizane.info, il importe de définir rigoureusement et préalablement les termes de la problématique avant d’apporter une réponse convaincante à cette question. S’appuyant sur le constat partagé de crise actuelle de la postmodernité, l’auteur propose dans ce texte les prémisses d’une orientation et d’un rôle que l’islam pourrait jouer dans la refonte intellectuelle de la pensée contemporaine.
« Comment définissez-vous les rapports entre l’islam et la modernité ? »
Il y a deux façons de répondre à cette question. La première est descriptive. Elle se veut une analyse des interactions positives ou négatives observées entre ce qu’il convient d’appeler l’islam, et tout ce qui s’y rattache directement, avec la (post)modernité.
Cette réponse descriptive suppose de définir et délimiter le plus clairement possible les termes de la comparaison.
La seconde réponse, de nature plus prescriptive, consisterait à énoncer des souhaits ou des attentes sur ce que devraient ou pourraient être ces rapports. De la première réponse sera déduite très logiquement la seconde.
En fonction des disciplines (sociologue, historien, philosophe, théologien), des profils et des relations de proximité ou de distance, d’empathie ou d’antipathie avec lui, la définition ou l’usage du terme islam revêtira des formes naturellement et relativement diverses.
L’islam désigne, dans cet article, la religion musulmane, ses rites, ses dogmes, ses valeurs, ses principes, ses pratiques, et l’ensemble des idées qui peuvent se déduire de ses Textes fondateurs (Le Coran et la tradition prophétique) et qui ont trouvé des applications plus ou moins fidèles, plus ou moins éloignées, dans le corps socio-spirituel des musulmans (oumma), à travers l’espace et le temps.
Cette définition exclut l’idée d’une identité musulmane 1, notion subjective ou particulière trop étroitement corrélée à son contexte d’énonciation.
Elle exclut également l’idée d’une définition sociologique ou culturelle de l’islam, la première aboutissant à des apories convictionnelles (comme le fait d’y intégrer des athées « musulmans »), la seconde relevant davantage de l’acception d’Islam avec une majuscule, autrement dit à l’apport et l’héritage historique des diverses civilisations, empires et nations musulmanes.
L’anthropocentrisme radical de la modernité
La modernité désigne quant à elle le changement de paradigme qu’a connu l’Europe dans la période historique amorcée entre la Renaissance (par la médiation d’un retour à l’antiquité gréco-latine) et les révolutions modernes (américaine et française), un changement multifactoriel défini comme le passage d’une vision du monde théocentrée à une vision radicalement anthropocentrée obtenu par la médiation d’un processus de sécularisation.
Ce changement de paradigme ne s’est pas fait brutalement et en une seule étape. Il existe plusieurs analyses de ce processus. Certains penseurs ont fait valoir que la modernité était contenue en germe dans le christianisme et représentait le déroulement temporel de sa vision théologique (Gauchet).
D’autres ont soutenu ce que Carl Schmitt a nommé le théorème de la sécularisation selon lequel les concepts de la modernité étaient, sous une forme ou une autre, des concepts chrétiens sécularisés, thèse défendue par Schmitt lui-même dans le domaine juridique, par Karl Lowith pour la philosophie de l’histoire, par Max Weber pour le capitalisme et dans un autre rapport, par Alexandre Kojève pour la science moderne.
Une thèse contestée par le philosophe Hans Blumenberg.
Ce changement du monde ne s’est pas réduit à une modification des mentalités et des croyances mais a produit une refonte complète des institutions sociales, et un bouleversement des rapports à la nature, au monde, à la connaissance, au temps, à la vie.
En ce sens, la modernité est un référentiel, une Weltanschauung qui s’est accomplie dans l’Histoire.
Dans le narratif consacré par les promoteurs de la modernité, ce changement s’est établi à la défaveur de tensions, de violence et de conflit ouvert entre les valeurs cléricales portées par l’ancien monde chrétien et les exigences du nouveau monde profane.
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La modernité a été ainsi marquée par le processus d’émergence de l’Etat civil au détriment des monarchies de droit divin et au terme des guerres de religions qui ont embrasé l’Europe à la suite de la Réforme.
Elle trouvera son accomplissement au cours de la Révolution française, avec la création de l’Etat-Nation et l’exportation de ce modèle vers l’Europe par les guerres napoléoniennes et dans le reste du monde par la colonisation.
Sur le plan de la connaissance, la prééminence de la raison sur les vérités révélées a été consolidée, au XVIIe siècle, par l’épisode galiléen, la condamnation au bûcher d’un Giordano Bruno, et la fin du géocentrisme cosmique.
L’homme et la Terre ne sont plus le centre du monde, l’espace est présenté comme infini, la prétention biblique à l’explication du monde est définitivement compromise.
La perte du géocentrisme et de l’idée chrétienne selon laquelle l’Homme est le centre du monde a créé un séisme intellectuel et une angoisse dont l’œuvre de Pascal, mathématicien, philosophe et religieux français, a brillamment témoigné.
Le paradoxe étant que ce décentrement a servi à un renforcement de l’humanisme, cette fois-ci laïc (ou païen) et non chrétien.
L’Eglise s’opposant à la révision du thomisme et des thèses physiques de l’aristotélisme, la religion est devenue dans ce narratif, l’obstacle à une quête de la connaissance fondée sur la suprématie de la raison.
La scolastique et la physique antique, obsolètes, sont reléguées aux archives, le rationalisme cartésien, l’empirisme baconien prennent le pouvoir sur les idées. Cette dynamique se cristallisera au XVIIIe siècle par la philosophie des Lumières qui incarne le zénith théorique de la modernité.
Il est impossible de poursuivre en quelques lignes le résumé d’un processus à la fois pluriséculaire et polymorphe.
Ce qu’il faudra pourtant retenir au-delà des variables contingentes est la permanence d’une constante nucléaire : la déclamation protagorasienne de l’Homme mesure de toutes choses, ou plus fondamentalement encore celle de l’Homme prométhéen émancipé de la tutelle divine (le modèle faustien en est la formulation chrétienne), ont fourni à la modernité son leitmotiv.
Quelles qu’aient été les formes et les conceptions de la modernité, toutes ont consacré à un degré ou à un autre la mise au ban de la religion de tout ce qui relevait désormais de la politique, de la connaissance, de la législation, de la philosophie, de l’histoire, etc.
Les limites de la postmodernité
Il est néanmoins indispensable de souligner deux autres points : la modernité a été elle-même remise en cause dès la fin du XIXe siècle par toutes sortes de philosophes et de courants de pensées idéologiques.
Les idées communistes établirent le caractère d’exploitation inhumain du capitalisme, de sa vision libérale, et les deux guerres mondiales, les camps de concentration nazi, la violence systématique des idées et les atrocités commises par les régimes totalitaires achevèrent pour leur part de démontrer le danger des conceptions fondées sur un ultra-rationalisme déconnecté des réalités humaines, de l’éthique et de la sacralité de la vie.
L’évaporation du mythe du progrès et le pessimisme philosophique firent progresser le nihilisme.
La croyance en une vérité objective a été remise en cause (déconstruction), la mort de l’humanisme a même été décrétée et une forme de relativisme moral sur fond de triomphe planétaire du consumérisme s’est installée.
Tous ces éléments et d’autres ont fourni les ingrédients d’une postmodernité ou modernité en crise dont nous ne sommes pas sortis.
On ne peut sortir d’un cadre de pensée que pour aller vers un autre et la libération d’un paradigme ne peut être portée que par la force d’une vision alternative. C’est précisément la place et le rôle que l’islam pourrait, selon nous, jouer dans cette affaire.
De ce point de vue, la modernité a donc déjà vécu et la question préliminaire pourrait sembler anachronique. Elle l’est en un certain sens, mais en un certain sens seulement.
L’arrière-plan nucléaire est demeuré le même, bien que le rétrécissement de l’horizon intellectuel se soit intensifié par des sciences humaines gangrenées par la division du travail, l’atomisation de la connaissance et la perte intellectuelle du sens global.
Tiraillé entre les visions qui pensent l’Homme comme un animal et celles qui annonce son dépassement vers un surhomme bio-technologique (transhumanisme) l’Homme postmoderne voit paradoxalement son autonomie humaine remise en cause par le développement de ses propres postulats portés à leurs extrémités et que la modernité contenait en germe 3.
Le second point rejoint notre remarque sur la caducité relative des débats sur la modernité.
Une simple observation nous amène à penser que, en dehors des études historiques, la question de la modernité relève d’un passé révolu 4 ne trouvant plus son espace de discussion qu’au sein des débats relatifs à la question de la place, du retour et de l’influence du religieux à l’époque contemporaine.
En ce sens, les discussions souvent polémiques autour de l’islam ont joué un rôle de premier plan autour de cette sectorisation.
C’est ainsi que pour les élites européennes hostiles à la présence des musulmans ou inquiètes de leur influence, l’ancrage légitime de l’islam ne sera possible qu’après un aggiornamento préalable et un passage par le filtre purificateur de la modernité occidentale (individualisme, laïcisme, subjectivation de la foi, dé-communautarisation, sécularisation complète des institutions et des individus, etc).
Cet aggiornamento établissant le signe discriminant entre une modernité endogène (la modernité occidentale) et une modernité exogène (la modernité occidentale imposée au modèle islamique).
Une première lecture mènerait donc logiquement à postuler la tension et la conflictualité irréversible entre islam et (post)modernité, conflictualité d’une certaine façon inhérente à leur identité conceptuelle respective.
Défendre la possibilité d’un rapport apaisé et constructif entre islam et (post)modernité, sans modification de leurs paradigmes, ne pouvant relever dans ces conditions que de l’illusion et du vœu laïc pieux.
L’islam et le nouveau paradigme de la connaissance
Faut-il pour autant en rester là ? Tout dépend du jugement qui sera porté sur la valeur de la postmodernité, sur l’appréciation et le positionnement qu’il faut avoir sur ses résultats, sur ses présupposés et sur les finalités que l’Homme est en droit de postuler pour lui-même.
En ce qui nous concerne, les développements et les résultats idéologiques, sociétaux, et écologiques de la (post)modernité parlent d’eux-mêmes et se passent de tout commentaire : anthropocène, nihilisme, aliénation technologique, déclin général de la pensée, dislocation des identités, scepticisme radical en matière de connaissance, etc.
Quant au rôle et à la place de l’islam dans cette équation, ils dépendent également des positionnements et des orientations en vigueur et de leur champ d’application, la question ne se posant pas dans les mêmes termes ou selon la même perspective en Europe ou dans le monde musulman.
Ajoutons que cette question des rapports entre islam et (post)modernité a déjà été largement sur-investie sans qu’aucune réponse satisfaisante n’ait été pour autant formulée, la plupart des avis plaidant pour une modernisation de l’islam, une islamisation de la modernité ou l’affirmation stérile d’une irréductible inconciliabilité entre eux, sans autre forme de proposition.
Ce rôle ne sera rempli qu’au moment où nous serons parvenus à recréer une approche théocentrée de la pensée, de la pratique et de la vie contemporaine par la médiation eidétique d’un arrière-plan théiste, ce qui implique un retournement complet de la perspective contemporaine.
On ne doit néanmoins pas perdre de vue que les principales lignes de fractures entre islam et (post)modernité sont situés sur les terrains suivants : théocentrisme radical/anthropocentrisme exclusif, morale personnelle et sociale/libertarisme individuel et social, perspective spirituelle et transcendantale/ clôture immanente et réductionnisme matérialiste.
En philosophie comme en science de la nature, le fossé conceptuel et ontologique sur ce qu’est l’Homme parle de lui-même : l’Homme est une créature physique doté de l’esprit divin/l’Homme est un animal accidentel et pur produit du hasard évolutionniste.
Il est néanmoins difficile d’admettre, même pour les plus ardents défenseurs de la (post)modernité, que la décomposition générale observée soit satisfaisante, ou seulement tolérable.
Un changement de vision semble inévitable, ce qui ne signifie pas encore qu’il soit imminent ou prévisible, aucun système de pensée ne pouvant produire les conditions nécessaires à son propre dépassement.
Un paradigme a toujours une histoire, un contexte d’énonciation, un champ d’extension théorique et pratique bien défini.
Toutes ces caractéristiques mentionnées fixent les limites naturelles et marquent les frontières indépassables de cette conception du monde.
On ne peut sortir d’un cadre de pensée que pour aller vers un autre et la libération d’un paradigme ne peut être portée que par la force d’une vision alternative.
C’est précisément la place et le rôle que l’islam pourrait, selon nous, jouer dans cette affaire.
Ce rôle ne sera véritablement rempli qu’au moment où nous serons parvenus à recréer une approche théocentrée de la pensée, de la pratique et de la vie contemporaine par la médiation eidétique d’un arrière-plan théiste, ce qui implique un retournement complet de la perspective matérialiste et naturaliste de la pensée et de la psyché contemporaine européenne. « A Dieu appartient l’Orient et l’Occident. Où que vous vous tourniez, là est la face de Dieu » وَلِلَّهِ ٱلْمَشْرِقُ وَٱلْمَغْرِبُ ۚ فَأَيْنَمَا تُوَلُّوا۟ فَثَمَّ وَجْهُ ٱللَّهِ (Coran, S2, V115).
Une révolution paradigmatique de cette nature ne signifierait pas le retour à une quelconque forme de totalitarisme religieux opéré par la formulation d’une doctrine messianique fusse-t-elle sécularisée, qui disqualifierait et jetterait le temporel dans le registre des pertes et profits théologiques.
Le temporel a une place, un rôle et une fonction bien définis dans une doctrine théiste. C’est même le seul type de doctrine capable de lui conférer un sens, comme l’impasse nihiliste l’a prouvé.
Le retour à un théocentrisme de la pensée ne doit pas non plus nous enfermer dans des catégories qui ne font que manifester sa réalité et non la figer ou la circonscrire.
En ce qui nous concerne, ce retour passe sur le plan intellectuel par au moins trois niveaux et une fonction : un fondationnalisme (principologie), une onto-sémiologie et une téléologie 5 ouverte au service d’une fonction symétrique de la religion (créer les conditions d’un point de rencontre axiologique entre verticalité transcendantale et horizontalité historique).
Ce retour implique également la restauration d’un humanisme d’inspiration prophétique. Telle est l’ambition affichée de notre entreprise de pensée 6.
Cette tâche laborieuse, audacieuse et que la plupart jugeront improbable a, pour ces raisons mêmes, toutes les chances de succès.
L’islam est conceptuellement porteur d’un renouveau philosophique, ontologique, éthique et métaphysique de la connaissance et de la pensée dont les intellectuels musulmans eux-mêmes ne soupçonnent pas toujours l’ampleur (قَدْ جَآءَكُم مِّنَ ٱللَّهِ نُورٌۭ وَكِتَٰبٌۭ مُّبِينٌۭ « Une lumière de Dieu est venue vers vous ainsi qu’un Livre édifiant », Coran, S5, V15).
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Un renouveau de cette nature implique, pour ce faire, un engagement créatif en faveur de la connaissance et une dynamique spirituelle capable de porter un tel effort révolutionnaire.
Mais révolution ne signifie pas recommencement. Et dans le domaine politique comme dans celui des idées, un nouveau cycle ne s’accomplit pas sans annonciateurs (révolutionnaires).
Cette opération de la pensée et de la pratique serait certainement vouée à l’échec si elle n’était pas elle-même précédée d’une méditation profonde sur l’expérience de la modernité européenne, sa genèse, son sens, ses finalités, les causes de ses succès et les raisons de sa faillite.
En ce sens au moins, la modernité est pourvue d’une positivité épistémique que même une lecture pérennialiste 7 ne pourra lui refuser.
Une révolution ne peut faire l’économie d’une réflexion aboutie qui intègre les erreurs et les excès du christianisme institutionnel et ecclésial sur la vie sociale et intellectuelle de l’Europe.
La condamnation du dogmatisme en matière de connaissance et l’intolérance en matière religieuse, en font partie.
Tout comme la réflexion sur une gestion éthique réaliste des divergences, la question du rapport entre foi et raison, vérité et violence 8, et le respect de la liberté de conscience, notion qui n’est pas réductible à la modernité.
Sur ce dernier point, il conviendra de discerner, sur les questions religieuses, entre ce qui relève du régime de vérité des croyances, du régime de liberté de conscience (adhésion personnelle à la croyance) et du régime de gestion légal et publique des manifestations de la foi.
Tous ces éléments et d’autres devront, d’une manière ou d’une autre, être intégrés à la réflexion radicale que nous espérons et à laquelle nous appelons.
Fouad Bahri
Notes :
1-On voit toute la difficulté soulevée par cette notion d’identité musulmane. Sa portée générale est contredite par les spécificités doctrinales des courants musulmans. Le contenu de l’identité musulmane n’étant pas exactement le même pour un sunnite que pour un chiite, pour un juriste (déformation professionnelle oblige) que pour un spiritualiste, etc. Soulignons que pour cette dernière catégorie, la notion d’identité qui renvoie à l’identité avec le Transcendant (les états spirituels décrits par le tassawuf rendent compte à différents degrés de cette communion identitaire ou effacement/sublimation dans la Divinité) revêt un sens ontologique et métaphysique d’une portée exceptionnelle qui déborde les limites sociales de la notion courante d’identité. L’identité musulmane existe donc mais sa polysémie rend son emploi problématique.
2-Nous considérons que la modernité et la postmodernité sont deux étapes ou deux rapports successifs du même paradigme, la première désignant sa phase ascensionnelle et positive (la modernité) quand la seconde marque sa phase négative de remise en cause radicalement critique (la postmodernité). On peut aussitôt s’interroger sur le fait que la postmodernité soit réellement porteuse d’une fonction paradigmatique dès lors qu’elle ne propose aucune vision alternative du monde se contentant de critiquer les théories alternatives, passées ou présentes.
3-C’est toute la difficulté de penser le rapport instable de la postmodernité avec l’Homme, relégué à la fonction de passerelle vers le Surhomme par Nietzsche, décrété mort par Foucault, et fantasmé comme « Immortel » bio-humain par les transhumanistes. La restauration d’un humanisme théophanique sera l’un des enjeux d’une contribution islamique.
4-C’est en substance le sens des propos du penseur et fondateur de l’école de Cambridge Quentin Skinner : « La génération actuelle a renoncé à parler de modernité, ce qui me semble, dans l’ensemble, être un bénéfice. Nous sommes aujourd’hui habitués à l’idée que nous vivons à l’ère post-moderne. » https://laviedesidees.fr/Ce-que-la-philosophie-veut-dire.html En 1949, dans son ouvrage phare Histoire et salut, le philosophe Karl Löwith écrivait ces mots à propos de l’histoire : « Nos concepts sont devenus trop faibles et trop obsolètes pour que nous puissions espérer prendre appui sur eux. Nous avons appris à attendre sans espérer, « car l’espoir serait l’espoir de l’inverse » ».
5-Même un philosophe de la technique comme Bernard Stiegler a reconnu la nécessité de revenir à une forme de téléologie en philosophie et l’erreur qu’avait consisté son abandon.
6-Ces points seront rediscutés dans la seconde partie de l’article.
7-En référence à la philosophie pérennialiste ou sophia pérennis ou encore l’école traditionnelle développée par Guénon, Schuon et tous leurs successeurs.
8-Le procès malhonnête que des intellectuels athées ou anticléricaux font à la religion qui aurait été le plus grand facteur de violence ne résiste pas aux faits historiques. Non pas que la religion n’ait pas été prétexte à des violences et des guerres sanguinaires, ce que nul ne peut historiquement contester. Mais les idéologies athées du XXe siècle ont fait largement pire en bilan de meurtres et d’atrocités. La violence est en l’Homme et peut revêtir toutes les formes auxquelles il consentira. En gardant à l’esprit cette remarque, nous soulignerons que les religions ont manifesté dans leurs histoires respectives des positions parfois communes ou proches, et souvent divergentes ou contradictoires. La relation entre foi et raison relève de la seconde catégorie tel que ce rapport a pu se manifester positivement dans les premiers siècles de l’âge d’or civilisationnel de l’islam et l’influence que ce développement aura dans la Renaissance européenne. Sur l’intolérance, le constat diffère selon l’époque et le lieu. Etant donné l’ampleur spatiale et historique de l’Islam, il sera donc toujours possible de soutenir des exemples historiques de tolérance ou d’intolérance, de dogmatisme ou de rationalisme. Les développements contemporains d’un laïcisme en France ont néanmoins rappelé, là-encore, que l’intolérance et l’exclusion pouvaient se draper des meilleurs sentiments inspirés par la modernité en crise.