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Hassan Iquioussen : les dessous d’une décision d’expulsion

L’annonce de l’arrêté d’expulsion pris à l’encontre de Hassan Iquioussen a crée la stupéfaction dans la communauté musulmane française. Connu pour son engagement en faveur d’un islam de France, le prédicateur lillois était néanmoins sous le viseur du ministre de l’Intérieur. Une chronique signée Fouad Bahri.

Plus rien ne semble pouvoir enrayer la machine. Depuis le discours des Mureaux prononcé par le chef d’état, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin ne lésine plus sur aucun moyen. Le message est clair. Toute posture critique sur l’action de l’Etat, sur l’orientation idéologique de sa politique intérieure et extérieure, toute contestation, aussi infime soit-elle, coûtera le prix cher aux acteurs de la communauté musulmane.

Requiem pour la liberté d’expression

Pour avoir parlé d’islamophobie d’état, le Collectif contre l’islamophobie en France, organisation de défense des droits de l’homme engagée contre l’islamophobie, avait été dissout purement et simplement en 2020. D’autres structures comme la Coordination contre le racisme et l’islamophobie ou les éditions Nawa, allaient subir elles aussi les foudres de la désintégration administrative.

Entre temps, des mosquées ont été fermées, des imams expulsés, des fédérations historiques disqualifiées, souvent pour presque rien. Le partage sur Facebook d’un post du CCIF ou d’une publication dénonçant les crimes israéliens ou bien encore la mention d’un verset du Coran auront suffi. Malgré le désaveu de cette politique arbitraire et radicale par le Conseil d’état, le cap est donc maintenu Place Beauvau.

Dans ces conditions, est-il encore possible de parler publiquement d’islam en France ? La France est-elle encore un pays de libertés religieuses ? Depuis 5 ans, la réponse à ces questions pour les citoyens de confession musulmane est foncièrement négative.

Perte de libertés religieuses, peur d’en perdre de nouvelles, marginalisation sociale, interdiction du voile, pénalisation des opinions religieuses, durcissement des conditions d’abattage rituel, campagne médiatique interminable contre le voile, le halal, la prière, le burkini, il règne en France un climat extrêmement inquiétant. Le vote de la loi contre le séparatisme a aussi contribué à cristalliser cette politique, en accentuant sa réalité juridique. Pour beaucoup, la laïcité égalitaire semble faire partie d’un passé lointain, sinon fantasmé.

Un patriarche de l’islam de France

Hassan Iquioussen est bien la dernière en date des victimes de cette politique. Un arrêté d’expulsion du territoire français contre sa personne lui a été signifié par la préfecture du Nord pour menace à l’Etat et atteinte aux valeurs de la République. Selon les termes de son avocate Lucie Simon, il lui est reproché une « provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes. »

Une décision pour le moins irrationnelle. Prédicateur, conférencier, Hassan Iquioussen est et a toujours été le fer de lance d’un discours musulman ancré en France.

Nordiste, né en 1964 à Denain, l’homme, qui vit près de Valenciennes, n’a cessé de rappeler depuis près de 40 ans à ses ouailles l’importance de l’ancrage français, de la chance d’être un musulman en France, des libertés qui s’offraient à eux, des opportunités dont ils jouissaient et de leur devoir de responsabilité face à la France.

Sillonnant sans relâche l’Hexagone, Hassan Iquioussen a éduqué et formé presque deux générations de Français de confession musulmane dans ce mantra du témoignage islamique. Le devoir de témoigner de l’islam fidèlement, un islam apaisé, conscientisé, un islam du juste milieu, en phase avec le contexte français. Ce qui en fait incontestablement l’un des patriarches de l’islam de France. C’est aussi à ce symbole que le ministère de l’Intérieur s’attaque par cette décision d’expulsion.

« Je suis Français de fait, je suis Français dans le cœur et dans l’âme, je suis Français dans ma pensée et ma culture », confiait Hassan Iquioussen encore récemment dans un document privé que nous avons consulté.

Dans l’ombre de l’UOIF

Ce discours le rendait en quelque sorte plus dangereux aux yeux de tous les incroyants de la liberté de conscience musulmane, adeptes de la pédagogie du bâton. Plus dangereux car plus sincère et plus convaincant. Un certain nombre de décideurs politiques ne lui ont en outre jamais pardonné son discours anti-israélien et le fait qu’il contribuait à maintenir vivace auprès de la jeunesse musulmane une culture de l’opposition et de la contestation lucide à la politique coloniale israélienne, jusqu’en France.

Hassan Iquioussen était également l’un des rares prédicateurs populaires à avoir ouvertement critiqué le wahhabisme et le sectarisme de ses positions. Ce qui lui a valu d’être détesté et honni dans cette frange de la communauté musulmane.

Mais pour le ministère de l’Intérieur, rien n’y fera. Hassan Iquioussen est un compagnon de route de l’UOIF, actuellement Musulmans de France, fédération blacklistée pour ses liens supposés avec l’idéologie des Frères musulmans. Un prétexte honteusement fallacieux quand on sait que MF a été domestiqué et a coché toutes les cases de sa désaffiliation aux FM : renonciation publique à la cause palestinienne, signature de la charte des imams, soutien discret à la réélection de Macron…

Hassan Iquioussen l’incompris

En dehors des cercles littéralistes et puritains, qui n’ont jamais porté Iquioussen dans leur cœur, de nombreux messages de soutien, lui ont été adressé. Des messages où la consternation le dispute à l’incompréhension. Une décision contreproductive, un message catastrophique envoyé aux partisans d’une adhésion paisible entre islam et citoyenneté française et à tous les défenseurs d’un enracinement français de l’islam, les constats témoignent de l’absurdité d’une politique suicidaire pour la République française.

Contacté par la rédaction de Mizane.info, Musulmans de France a exprimé « son étonnement et son incompréhension suite à la procédure d’expulsion lancée à l’encontre du conférencier et imam Hassan Iquioussen. Un imam qui n’a jamais ménagé ses efforts afin de diffuser un islam authentique empreint d’amour et de tolérance. »

Né en France, Hassan Iquioussen a perdu la nationalité française à sa majorité. Son père, comme tous les pères issus d’une génération qui ne croyait pas que la vie en France était compatible avec une religiosité islamique accomplie, avait décidé que son fils serait marocain.

Sans avoir jamais renié sa double culture, qu’il considérait comme une richesse et un moteur, Hassan Iquioussen a néanmoins toujours vécu sa francité en harmonie avec son islamité, loin de tout conflit. Il n’avait cessé d’œuvrer pour recouvrir sa nationalité française en lieu et place d’un titre de séjour de 10 ans qu’on lui opposait. Sans succès. La France lui avait donné naissance mais l’Etat ne voulait pas reconnaître sa paternité.

Des langues musulmanes venimeuses et assassines en ont profitées sur les réseaux sociaux pour lui signifier que tel était le prix à payer pour son discours intégrationniste et qu’il méritait ce qui lui arrivait. Père de cinq enfants, grand-père de quinze petits-enfants, Hassan Iquioussen qui a bâti toute sa vie en France, risque de perdre sa famille dans cette affaire.

Un dossier à charge

Du côté de l’exécutif, rien n’a été épargné au prédicateur lillois. On a scruté à la loupe ses vidéos, constitué un dossier, sorti des phrases de son contexte, et le préfet du Nord s’est déplacé en personne à la réunion de la commission départementale d’expulsion. Histoire de s’assurer que le client soit bien servi.

Accusation d’antisémitisme, confusion savamment entretenue entre antisionisme et antisémitisme, propos prétendument rigoristes voire radicaux, les membres de la commission n’avaient que l’embarras du choix pour appuyer cette décision qu’on leur imposait amicalement, une main sur l’épaule.

« Le dossier constitué sur Hassan Iquioussen par la préfecture du Nord a convaincu la commission d’expulsion des étrangers, présidée par le président du tribunal judiciaire de Lille. Elle a donné un avis favorable à l’expulsion, le 22 juin » écrit Erwan Seznec dans Le Point. Comme un petit air de maccarthysme. Des sources confidentielles avancent que plusieurs autres imams et prédicateurs seraient sur la sellette. Le Lillois, lui, n’a pas pu encore se défendre d’une « injustice » à laquelle il entend faire face malgré tout.

Décidé à accélérer la procédure, Gérald Darmanin n’a pas perdu de temps, mais a visiblement fait preuve de précipitation comme le lui a souligné maître Lucie Simon.

L’avocate de Hassan Iquioussen a qualifié, dans un communiqué, ces accusations « d’opportunisme politique dans un climat nauséabond qui vise une minorité religieuse. »

La plupart des propos reprochés à Hassan Iquioussen remontent aux années 2000. Or, selon elle, la menace s’apprécie au regard de son actualité. Maître Lucie Simon fait aussi valoir le risque qu’entraînerait pour lui une expulsion vers le Maroc étant ses positions publiques.

Fouad Bahri

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