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Henri Corbin : « Il y a au fond de l’Homme quelque chose qui précède l’Histoire »

Mizane.info publie un remarquable texte court et dense d’Henri Corbin, édité dans les Cahiers de l’Université Saint Jean de Jérusalem, sur les rapports de l’Homme à l’Histoire et à la connaissance. Henri Corbin est philosophe, traducteur et grand spécialiste de la philosophie et de la gnose de tradition chiite.

« La Tradition, pas plus que l’homme, ne tire son origine de l’Histoire. Elle est là de même que l’homme est là, que la Parole, le Verbe est là.

Inversement c’est l’homme qui est à l’origine de l’Histoire.

Il faut que l’homme soit là pour qu’il y ait de l’Histoire.

Il faut que la Parole soit là. Pour qu’il y ait de la communication, relation, récit.

C’est l’Histoire qui tient de l’homme son origine, ce n’est pas l’homme qui dérive de l’Histoire.

Ce n’est pas l’Histoire qui fait l’existence humaine ; c’est l’existence humaine qui fait qu’il y a de l’Histoire.

Cela veut dire que, si l’homme est à l’origine de l’Histoire, il y a, maintenant et toujours, au fond de son être, quelque chose qui précède ontologiquement l’Histoire.

Il a fallu que l’homme, Adam, l’Anthrôpos, s’ébranlât d’un état transhistorique pour « chuter » non point dans l’Histoire, puisque l’historique n’était pas là avant lui, mais dans un état qui eo ipso sécrétât de l’Histoire, et par là même du temps chronologique.

L’Homme, Adam, l’Anthrôpos, a été créé quelque part, ailleurs, disons dans le Plêrome, et est « descendu » en ce monde ci.

Avec lui, la Parole, le Verbe, est descendu en ce monde.

C’est avec cette descente que commence l’Histoire.

L’Homme et la Parole ont été faits captifs dans ou sous une enveloppe terrestre.

Sinon, ils n’auraient pas été manifestés en ce monde ci et l’Histoire n’aurait jamais commencé.

Ils seraient restés à l’état d’étincelles de lumière non perceptible.

Henri Corbin.

Cependant, sous l’enveloppe terrestre, grâce à laquelle nous pouvons voir et entendre, grâce à laquelle nous pouvons donner forme à quelque chose comme l’Histoire, vit cette étincelle de lumière qui appartient à un autre monde.

A tel point qu’une histoire n’est vraiment comprise que si l’homme perçoit la trace de cette étincelle et la reconnaît.

Alors ses yeux sont illuminés et lumineux car ils réfléchissent cet être supraterrestre à la façon d’un miroir (speculum), ce qui donne son sens profond, étymologique, trop souvent oublié, au mot spéculatif : la théologie spéculative, la théosophie spéculative, n’opèrent pas dans l’irréel : elles sont le miroir du plus-que-réel.

Lorsqu’il l’a reconnue, lorsqu’il s’est ressouvenu de cette étincelle, l’homme expérimente l’état de « celui qui sait », la gnôsis du gnostique, au sens rigoureux du mot gnose.

Il en éprouve une grande joie, parce qu’il a désormais trouvé sa destinée et sa destination.

On dit alors que l’étincelle de lumière, exilée sous l’enveloppe terrestre, est désormais sauvée.

Et tel est le sens profond du mot Gnose : une connaissance salvatrice parce qu’elle n’est pas une connaissance théorique, mais qu’elle opère une transmutation de l’homme intérieur.

Elle est la naissance de l’homme vrai, le Verus Homo. »

Henry Corbin

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