En octobre 2023, au début du génocide israélien à Gaza, un phénomène étonnant émerge sur le réseau TikTok : des jeunes américains s’intéressent à la lecture du Coran « pour mieux comprendre la foi et la résilience du peuple Palestinien ». Dans un article, publié dans The Guardian, plusieurs lectrices apportent leurs témoignages.
En octobre 2023, Megan B Rice, habitante de Chicago, a utilisé ses comptes sur ses réseaux sociaux pour s’exprimer sur la crise humanitaire à Gaza. « Je voulais parler de la foi du peuple palestinien, de sa résilience et de la façon dont ils parviennent toujours à faire de remercier Dieu une priorité, même lorsqu’on leur enlève tout », a-t-elle déclaré dans une interview.
Certains fidèles musulmans lui suggère alors de lire le Coran, le texte religieux central de l’islam. Megan, qui n’a pas grandi dans la religion, décide donc d’organiser un « club de lecture sur les religions du monde » sur Discord, où des personnes de tous horizons pouvaient étudier le Coran à ses côtés.
Plus Megan lisait, plus le contenu du texte s’alignait sur ses propres croyances fondamentales. Elle trouvait que le Coran était anticonsumériste, en faveur des opprimés et féministe. Un mois plus tard, elle prononça la shahada, la profession de foi officielle de l’islam, acheta des hijabs et devint musulmane.
La solidarité par la lecture
Megan B. Rice n’est pas la seule avoir voulu découvrir le Coran. Sur TikTok, beaucoup de jeunes lisent le texte sacré pour mieux comprendre une religion longtemps vilipendée par les médias occidentaux et pour montrer leur solidarité avec les nombreux musulmans de Gaza.
Des vidéos sous le hashtag « quranbookclub » – qui compte (à l’époque) un modeste 1,9 million de vues sur l’application – montrent des utilisateurs tenant leurs textes fraîchement achetés et lisant des versets pour la première fois. D’autres trouvent des versions gratuites en ligne ou écoutent quelqu’un psalmodier les versets pendant qu’ils se rendent au travail en voiture.
Zareena Grewal, professeure associée à Yale, travaille sur un livre consacré aux textes sacrés islamiques et à la tolérance religieuse dans la culture américaine. Elle a déclaré que cet intérêt pour TikTok n’était pas totalement sans précédent.
Comprendre la force morale des Palestiniens
Après le 11 septembre, le Coran est devenu un best-seller instantané, même si à l’époque de nombreux Américains l’ont acheté pour confirmer leurs préjugés sur la supposée violence de l’islam. Zareena Grewal explique le phénomène actuel :
« La différence est qu’à l’heure actuelle, les gens ne se tournent pas vers le Coran pour comprendre l’offensive du 7 octobre, ils se tournent vers le Coran pour comprendre l’incroyable résilience, la foi, la force morale et le caractère qu’ils voient chez les Palestiniens musulmans »
C’est ce qui a poussé Nefertari Moonn, 35 ans, en Floride, à prendre le Coran de son mari. Nefertari Moonn se considérait comme spirituelle et non religieuse. Elle décrit son mari comme un musulman non pratiquant. « Je voulais voir ce qui poussait les gens à invoquer Allah lorsqu’ils regardaient la mort en face », a-t-elle expliqué.
« Lire passage après passage faisait écho en moi. J’ai commencé à avoir un tel attachement émotionnel à ce Coran. » poursuit-elle. « Je ne peux pas l’expliquer, mais la lecture du Coran procure une certaine paix », souligne la jeune femme. « Je me sens légère, comme si je revenais à quelque chose qui était là depuis toujours et qui attendait mon retour ».
La science et le Coran
Dans le Coran, les hommes et les femmes sont égaux aux yeux de Dieu, Megan Rice, et d’autres convertis via l’application TikTok, affirment que leurs interprétations du texte sacré soutiennent leurs propres principes. Le Coran aborde notamment les explications scientifiques de la création, avec des versets traitant du big bang et d’autres théories.
« Nous sommes habitués à ce que la communauté religieuse combatte la science », a déclaré Megan Rice. « Aujourd’hui, je vois une religion embrasser la science et utiliser ses textes pour la soutenir ». Au départ, la lecture du Coran était pour Megan Rice un moyen de montrer de l’empathie pour les Palestiniens bloqués à Gaza.
Aujourd’hui, c’est devenu un élément majeur de sa vie. « Vous pouvez développer de l’empathie pour quelqu’un en apprenant à connaître les aspects les plus intimes de cette personne, y compris sa foi ».
Alaina Demopoulos
Rédactrice pour The Guardian