Des révélations publiées par The Middle East Eye dévoilent comment le plan israélien de division du territoire syrien en trois blocs a été bouleversé par les événements qui ont conduit à la chute du régime d’Assad.
Selon des révélations de sources de sécurité à la revue The Middle East Eye, Israël envisageait de diviser la Syrie en trois blocs afin d’affaiblir les liens de Damas avec l’Iran et le Hezbollah. Cette stratégie s’appuyait sur des alliances avec les Kurdes du nord-est et les Druzes du sud, tout en maintenant Assad au pouvoir sous le contrôle des Émirats arabes unis. Cependant, l’effondrement des forces loyalistes à Homs et Hama a rapidement bouleversé ces plans.
Le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, a défendu cette approche dans un discours prononcé il y a un mois, en affirmant : « Nous devons examiner les évolutions dans ce contexte et comprendre que dans une région où nous serons toujours une minorité, nous pouvons avoir des alliances naturelles avec d’autres minorités. »
Syrie : les coulisses d’une prise de contrôle
Alors que les forces rebelles s’approchaient de Damas, des tentatives désespérées ont été entreprises pour stabiliser la situation. Le Premier ministre syrien, Mohammad Ghazi al-Jalali, a déclaré dans une vidéo être prêt à une transition pacifique, mais les groupes armés étaient déjà en route pour prendre le contrôle de la capitale.
Une source anonyme a décrit une tentative de négociation orchestrée par les ambassadeurs émirati et jordanien : « Avant l’arrivée de Jolani, les deux ambassadeurs ont fait en sorte que des combattants de l’Armée syrienne libre viennent chercher le Premier ministre syrien à son domicile. et l’emmènent à l’hôtel Four Seasons où ils devaient remettre les institutions de l’Etat aux groupes armés du sud. »
Cependant, l’intervention directe de Jolani, chef du HTS, a rapidement changé la donne : « Jalali a tenté de gagner du temps et a téléphoné à Jolani. Jolani lui a dit : « Ne fais pas ça », et Jalali a suivi ce conseil », a expliqué une source. Al Jalali a été maintenu en poste par l’actuel gouvernement en Syrie.
La Russie et l’Iran ont décidé de ne pas intervenir lorsque les rebelles ont pris l’avantage. Ibrahim al-Amin, rédacteur en chef du journal Al Akbar proche du Hezbollah, a rapporté : « Dès que les Russes et les Iraniens ont informé Bachar al-Assad qu’ils ne seraient pas au cœur de la bataille, l’homme a compris que la défaite arrivait. »
Le Hezbollah, autrefois un pilier de soutien au régime, a également décidé de ne pas s’engager. Selon Amin, l’organisation a estimé que ses troupes n’étaient pas prêtes à se battre pour Assad alors que sa propre armée avait fait défection.
Les conséquences régionales
En Israël, les responsables craignèrent que les armes abandonnées par l’armée syrienne tombent entre les mains des rebelles : « Ces armes étaient en sécurité sous Assad. C’est dire à quel point Israël a investi pour le maintenir au pouvoir. Mais elles sont devenues dangereuses entre les mains des rebelles », a expliqué une source.
De son côté, la Turquie a exprimé son inquiétude face aux ambitions israéliennes en Syrie. En septembre, le président turc Recep Tayyip Erdogan a averti que les cibles d’Israël pourraient dépasser la Syrie : « Le programme expansionniste d’Israël, motivé par le fanatisme religieux, ne s’arrête pas à Gaza. Sa prochaine cible pourrait bien être notre patrie », avait déclaré Erdogan devant le Parlement turc.
L’avenir incertain de la Syrie
La transition en Syrie, désormais dirigée par une coalition incluant le HTS, continue d’inquiéter les voisins et les puissances internationales. Alors que les sanctions occidentales pèsent toujours sur le pays, certains responsables plaident pour une levée progressive de ces mesures. Ahmed al-Sharaa, le nouveau dirigeant de facto, a tenté de rassurer les gouvernements étrangers :
« Maintenant, après tout ce qui s’est passé, les sanctions doivent être levées parce qu’elles visaient l’ancien régime. La victime et l’oppresseur ne doivent pas être traités de la même manière », a-t-il déclaré à la BBC cette semaine.
Cependant, des questions clés restent en suspens, notamment la gestion des territoires occupés par Israël, comme le plateau du Golan. Une source de sécurité a souligné : « Contrairement au Sinaï, occupé par les forces israéliennes en 1967 et restitué par la suite, Israël a annexé le plateau du Golan. Cela signifie qu’il n’y avait aucune voie de paix sur cette question, car aucun Syrien n’a renoncé à ses revendications. »
Alors qu’Israël tente de consolider sa position sur le mont Hermon, Netanyahou a déclaré cette semaine : « Les forces israéliennes resteront dans cet endroit important jusqu’à ce qu’un autre arrangement soit trouvé pour assurer la sécurité d’Israël. »
Les implications de la Syrie pour le Moyen-Orient
Dans ce contexte, de nouvelles alliances semblent émerger, notamment entre la Turquie et la « nouvelle Syrie » dirigée par une coalition islamiste sunnite. Une source de sécurité à avertir :
« Bien que Netanyahou veuille nous faire croire qu’il a gagné en Syrie en brisant la chaîne de l’axe de résistance iranien, la réalité est qu’un nouvel axe se forme rapidement avec la Turquie et la nouvelle Syrie sous direction islamiste sunnite en son cœur. »
Pour l’instant, la communauté internationale reste prudente face à ce bouleversement. La Jordanie, lourdement impactée par l’afflux de réfugiés syriens, a appelé à une transition ordonnée. Le ministre jordanien des Affaires étrangères, Ayman Safadi, a déclaré : « Il s’agit d’un moment historique dans le pays frère de Syrie, un moment qui exige que nous soyons tous aux côtés du peuple syrien, pour l’aider à se lancer dans une réalisation historique dans la construction d’un avenir façonné par les Syriens eux-mêmes, garantissant la sécurité, l’unité, la stabilité, la souveraineté de la Syrie et les droits de tous les Syriens. »