Lila Salah raconte sa rencontre avec Abdelfattah, un homme venant du camp palestinien d’Aïda. Une rencontre mémorable pleine de dignité qu’elle n’oubliera pas de sitôt. Un récit à lire sur Mizane.info.
Aujourd’hui j’ai fait une rencontre. De celle qu’on n’oublie pas.
J’ai rencontré Abdelfattah, un homme venant du camp palestinien d’Aïda. Il a été invité dans ma ville à l’occasion d’un jumelage avec le camp d’Aïda.
Abdelfattah nous a donné une leçon d’humanité dont je vais longtemps me souvenir.
Dans un français parfait, il nous a présenté les actions réalisées par son association au camp d’Aïda. Cette association vise plusieurs objectifs : sauver des vies mais surtout redonner espoir aux Palestiniens. Face à des enfants désespérés qui disent vouloir mourir, Abdelfattah a choisi de leur proposer des actions au quotidien pour leur redonner le goût de la vie.
Le camp d’Aïda contient environ 7000 personnes, entassées sur 15 hectares. Les deux tiers sont des enfants. Ils n’ont pas le luxe de pouvoir attendre ou de se laisser ronger par le désespoir. Depuis 1998 l’association propose des activités artistiques et culturelles variées comme le théâtre, la danse, la broderie ou la photographie. Les principaux bénéficiaires sont des enfants et des femmes.
On pourrait croire qu’en contexte d’occupation ces activités ne sont pas cruciales. Et pourtant. L’art et la culture sont des leviers qui aident à se relever et à retrouver de la dignité. Les Palestiniens ne veulent pas véhiculer l’image d’un peuple pauvre, amputé et se contentant de quelques miettes de pain. Les Palestiniens sont très attachés à l’éducation et beaucoup rêvent de voir leurs enfants, garçons et filles, faire des études de médecine et d’ingénieur.

Ce dont souffre le plus les Palestiniens c’est la déshumanisation croissante avec laquelle on parle d’eux ainsi que le désintérêt international.
Leur centre a été saccagé en décembre 2024 et les colons israéliens n’ont pas hésité à afficher à la porte que le centre devenait un centre de détention et d’interrogation pour les terroristes. Qui agit comme un terroriste dans ce contexte ?
Les colons cherchent par tous les moyens à montrer qu’ils contrôlent tout, qu’ils font ce qu’ils veulent. Sous prétexte du contexte de guerre, tout serait permis. Mais de quelle guerre parle-t-on ? Près de 95% de Palestiniens n’ont jamais porté d’armes. En contexte de colonisation, le colon veut tout imposer, même les mots qui décrivent la situation.
Israël aurait le droit de se défendre. Se défendre de qui ? Et quel droit on laisse aux Palestiniens ? C’est un argument rébarbatif qui assomme injustement les Palestiniens : les juifs ont tellement souffert par le passé. En quoi les Palestiniens sont-ils responsables des atrocités commises en Europe contre les juifs pendant la seconde guerre mondiale ?
Ce qui m’a le plus marqué dans le discours d’Abdelfattah c’est le voyeurisme qu’il dénonce. Avec les réseaux sociaux, nous nous sommes habitués à un chantage émotionnel. Il faudrait qu’on voie des images qui nous brisent le cœur pour ressentir de l’empathie et qu’on ait envie de donner.
Pour une image d’un enfant sans bras, on donne combien ? Pour une vidéo qui montre une petite fille qui attend en pleurant avec une vieille casserole vide pour avoir un bout de pain, combien on pourrait donner ?
L’association d’Abdelfattah a déjà refusé des financements d’organisations qui exigeaient des images des bénéficiaires disant ‘merci’ à la caméra. La dignité humaine n’est pas négociée surtout dans ce contexte déjà suffisamment dévalorisant.
L’association d’Abdelfattah s’appelle Alrowwad www.alrowwad.org.
Que Dieu leur vienne en aide et qu’Il nous donne les moyens de soutenir nos frères et sœurs Palestiniens.
Lila Salah