L’intensification des mesures d’interdiction du voile dans la société française, impulsée par la Macronie, fait courir à la France un grave danger d’implosion sociale. Elle désespère et désaffilie à la France, chaque jour un peu plus, une jeunesse musulmane à qui la liberté d’être ce qu’elle est lui est refusée. Un éditorial de Mizane.info signé Fouad Bahri.
La France n’est plus que l’ombre d’elle-même, au point où l’on est en droit de s’interroger : le pays de Voltaire est-il encore un pays laïque ? Les faits disent le contraire. En quelques mois, la France, par sa politique de guerre ouverte contre le voile, a gagné le sinistre privilège de rejoindre, avec la Chine, l’Inde ou l’Autriche, le cortège des pays les plus hostiles à la religiosité islamique.
On entend trop souvent, pour le justifier, qu’il existe une « tradition » d’anticléricalisme propre à la France et qu’ « on a bouffé du curé » dans le passé, étrange expression qui semble presque faire office d’argument et de légitimation de la violence alors qu’il ne s’agit que de décrire un fait historique. Justement, les faits sont têtus. Et depuis quelques années, les faits disent ce que personne n’osent plus dire : la France n’est plus un pays laïque.
La disparition de la laïcité dans le sport
Pour s’en convaincre, restons sur une séquence récente sectorisée au sport. Mardi 18 janvier 2022, les sénateurs ont adopté un amendement des Républicains à 160 voix pour et 143 contre interdisant “le port de signes religieux ostensibles” lors d’“évènements sportifs et compétitions sportives organisés par les fédérations sportives et les associations affiliées”.
Une intiative politique prise contre les Hijabeuses, un collectif de jeunes footballeuses voilées qui revendique le droit de pratiquer librement le football et la religion musulmane, ce qui leur a été interdit.
En janvier 2023, Salimata Sylla joueuse phare du club de Basket-ball d’Aubervilliers est exclu de son équipe à cause de son voile. Depuis quelques années, la Fédération française de basket (FFBB) a interdit le port de tout couvre-chef dans une chasse ouverte au hijab lancée il y a peu, selon le Parisien, par la Ligue Île-de-France de basket-ball. « Je me suis sentie humiliée », a confié la jeune femme. Son cas n’est pas isolé.
Pas de football pour les jeûneurs !
A Meaux, Kilama Makanga, pratiquante de ju-jitsu brésilien, s’est vue disqualifiée d’une compétition un samedi à Mantes-la-Jolie pour port d’un bonnet autorisé pourtant par la Fédération internationale de ju-jitsu. L’athlète affirme avoir lu le règlement de la Confédération française de ju-jitsu brésilien et que rien ne s’y opposait. La jeune femme a tenté de proposer de porter un simple bandeau : refus catégorique des organisateurs. Le lundi suivant, le règlement en ligne intégrait l’interdiction de tout couvre-chef.
Aujourd’hui même, en pleine période de Ramadan, des joueurs de football se voient refusés de sélection dans différents clubs ou sélections nationales comme la France pour cause de jeûne ou se voient interdire de rompre leur jeûne en buvant de l’eau ou en mangeant une petite collation, ou encore subissent des pressions par leurs staffs pour ne pas jeûner, prétextant de possibles contre-performances sportives.
Les contre-exemples à ce faux argument abondent de toutes parts pour le réfuter. Le Maroc a battu le Brésil en match amical avec une équipe de jeûneurs. Benzema enchaîne dans la même soirée trois buts. On pourrait donc au contraire penser que le jeûne améliore les performances sportives.
L’appel dans le désert de Nicolas Cadène
Alors ? Alors, ces faits sont dramatiques pour la France, pour sa jeunesse, pour sa réputation et ses valeurs. Ils dessinent l’image d’un pays haineux engagé dans une répression du voile, déterminé à écarter, exclure, isoler et diaboliser toute expression de religiosité islamique. Où allons-nous ? Où avons-nous déjà plongé ? Les questions se posent avec force. Et les réponses se font angoissantes.
Dans une tribune publiée dans La Croix, Nicolas Cadène, ancien rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité, se sent obligé d’expliquer à ses compatriotes ce que signifie la laïcité puisque visiblement ils ne l’ont pas compris. Démonstration. « L’article 1er des statuts de la FFF ne rappelle pas le « respect exigeant du principe de laïcité dans le football », car il ne le pourrait pas (…) la laïcité impose la neutralité à celles et ceux qui représentent l’administration publique. Tel est le cas des personnels de la fédération, puisque celle-ci se voit déléguer un service public (ce qui n’était pas toujours su). Cela ne concerne pas les joueuses et joueurs, qui, comme tout usager, voient, grâce à la laïcité, leur liberté de conscience assurée. »
Aussi, « la récente interdiction édictée par la FFF de tout couvre-chef pour les seules joueuses de tous les clubs est contestable en droit. Dès lors qu’un couvre-chef respecte les règles du jeu, d’hygiène et de sécurité, en se conformant ainsi à la tenue réglementaire, il n’y a pas de raison objective de l’interdire. »
La fin de la laïcité française
Même chose sur les terrains de football, qui ne sont pas « des lieux de propagande », donc « leur comportement ne saurait être prosélyte ». « Dès lors, se restaurer ou s’hydrater constitue-t-il un acte de prosélytisme ? La réponse est non puisque seuls les comportements, les propos ou écrits visant à susciter l’adhésion d’autrui peuvent être qualifiés comme tels. C’est la raison pour laquelle la FFF elle-même réassigne les joueurs à leurs croyances supposées lorsqu’elle interdit, précisément en période de Ramadan, toute pause fraîcheur par ailleurs déjà autorisée depuis 2014 par la Fifa. »
Nicolas Cadène se met bien en peine d’expliquer à tout ce personnel publique ce qu’est la laïcité. Il devrait pourtant cesser de feindre de ne pas comprendre que la République d’Emmanuel Macron n’est plus une République laïque. Lui, mieux que personne, le sait. L’Observatoire de la laïcité où il officiait a été démantelé car il défendait… la laïcité !
La liberté de conscience, tous les exemples le montrent, n’est donc ni préservée, ni garantie. Elle est menacée, rongée, réduite chaque jour un peu plus.
La religion laïque agnostique prônée et diligentée par la Macronie a détruit tout espoir de voir la liberté religieuse des musulmans, et en premier lieu celle des femmes musulmanes, être une réalité autrement que par le combat citoyen, la mobilisation permanente, la résistance de la conscience qui refuse de céder aux diktats d’une superstructure aux abois et qui tente de se justifier par la création d’ennemis imaginaires mais très utiles pour sa rhétorique. Hier et aujourd’hui le séparatisme, depuis peu l’écologisme militant.
La France doit cesser cette persécution anti-voile
Il est temps de stopper cette folle descente aux enfers de l’Histoire impulsée par un exécutif irresponsable qui crée chaque jour de la désaffiliation de masse à la République en s’en prenant au bien le plus sacré de l’Homme : sa libre conscience.
La France doit changer sa position sur le voile et revenir à la raison. Le gouvernement doit prendre en compte le fait que la France d’aujourd’hui est constituée de ces forces vives musulmanes qui aspirent à accomplir leur destin dans leur pays et à faire briller son nom. Détruire et désespérer cette jeunesse féminine est un crime sans nom et un suicide national qui ne fera qu’ouvrir des lendemains sombres pour ce pays.
Fouad Bahri