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La marche pour l’égalité et contre le racisme a 40 ans : le bilan d’une génération

Marche pour l'égalité et contre la racisme, 1983 - BRAHIM CHANCHABI/AIDDA

Le 15 octobre 1983, après une série d’agressions racistes, 32 jeunes français issus de l’immigration, appelés par un collectif né aux Minguettes à Lyon, décident d’entamer une marche pacifique pour se faire entendre. La Marche pour l’égalité et contre le racisme sera accueillie triomphalement à Paris le 3 décembre 1983. Elle marquera la visibilité, dans le paysage politique, des enfants d’immigrés. 40 ans plus tard, le bilan reste cependant très mitigé.

Au début des années 80, « la tension était arrivée à un paroxysme » se rappelle Toumi Djaïdja, figure historique de la marche. L’année 1983 est marquée par une série de faits divers racistes tragiques frappant une jeunesse invisibilisée dans le pays. 

En réponse, une marche pacifiste entre Marseille et Paris est décidée. La marche pour l’Egalité et contre le Racisme débutera timidement le 15 octobre 1983, avec une trentaine de personnes, impulsée par deux jeunes du quartier des Minguettes, à Vénissieux : Toumi Djaïdja et Djamel Attalah. 

La marche s’achèvera à Paris par un défilé réunissant plus de 100 000 personnes et huit marcheurs dont Toumi Djaïdja, seront reçus à l’Elysée par le Président de la République de l’époque : François Mitterrand. 40 ans plus tard, quel bilan peut-on dresser des revendications et des leçons tirées de cette marche emblématique ?

Le Mai 68 des enfants d’immigrés

Selon un sondage récent, réalisé par l’Institut Opinion Way, 19 % des Français – et seulement un quart des plus de 40 ans (23 %) – se rappellent de la marche de 1983.

Le « Mai 68 des jeunes immigrés », selon certains, ne semble pas avoir laissé une emprunte profonde dans les mémoires. Pourtant, on parle d’un événement fondateur qui a marqué l’entrée sur la scène politique d’une génération d’enfants d’immigrés. Le sociologue Abdellali Hajjat, qui a publié un livre sur le sujet, explique :

« C’était un peu le Mai 68 des enfants d’immigrés. (…) C’est la première fois qu’ils ont une audience nationale, qu’une mobilisation les unit avec un discours positif. »

De Marseille à Paris, en passant par Lyon, La marche pour l’Egalité et contre le Racisme, lancée suite à de multiples drames à consonnances racistes et à des affrontements avec les forces de l’ordre, prendra de l’ampleur à chaque ville traversée, jusqu’à atteindre plusieurs dizaines de milliers de marcheurs lors de son arrivée à Paris sous les caméras.

Rebaptisée de manière caricaturale « Marche des beurs« , par les médias de l’époque, une génération d’enfants d’immigrés revendiquera sa place, en tant que citoyens français,, dans la société. 

Des revendications aux oubliettes

Deux revendications qui étaient au cœur du mouvement n’ont jamais été entendues. La première pour le droit de vote des étrangers aux élections locales qui fut rapidement rangée au placard des promesses électorales.

La deuxième revendication, et la plus emblématique, concernait le corps policier lui-même. La lutte contre les violences racistes et policières prendront plus de temps à trouver un écho.

Le principal acquis de la mobilisation fut l’obtention d’une carte de séjour de dix ans pour les immigrés. Une demande à la base non revendiquée par les marcheurs. Malgré tout, la question des crimes racistes demeure. Globalement, les aspirations de la jeunesse, ayant marché en 1983, reste donc toujours d’actualité.

Récupération et bilan

Au lendemain de la marche, c’est l’association SOS-Racisme qui récupèrera l’engouement médiatique et politique de la mobilisation. Une seconde marche, « Convergences 1984 », est organisée un an plus tard et aboutira à la création de la structure affiliée au PS.

La campagne « touche pas à mon pote » de SOS Racisme

Ce scénario était « inévitable, on était trop jeunes, pas assez aguerris« , reconnaît Djamel Attalah, initiateur historique de la marche. Déçus par la gauche officielle, les actions issus des acteurs principaux du mouvement resteront sans lendemain. Le sociologue Abdellali Hajjat souligne :

« La plupart n’avaient pas de formation politique et n’ont pas connu de véritable transformation de leur condition sociale, certains ont même souffert longtemps après de la pression qu’ils ont subie à ce moment-là »

40 ans après cet évènement fondateur, la situation sociale des banlieues continue de se dégrader. Le taux de pauvreté (personnes vivant avec moins de 964 euros par mois) y dépasse aujourd’hui le pourcentage de 36 % et celui du chômage 22%. La parole raciste est banalisée, les lois islamophobes se sont multipliées et les crimes policiers n’ont jamais été aussi nombreux.

Malgré le déluge de commémoration, dont le film La Marche – avec Jamel Debbouze – sorti en 2013, le chemin reste encore long.

Ibrahim Madras

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