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Les piliers de la dogmatique dans l’œuvre d’Ibn ‘Ashir

Figure centrale de l’école malikite, Ibn ‘Ashir (à ne pas confondre avec Ibn ‘Ashur) et son œuvre ont eu une influence importante dans l’islam d’Afrique du Nord. Dans son ouvrage « al matn », l’auteur expose les principaux piliers du dogme islamique de la croyance en Dieu et du statut des prophètes. Mizane.info publie une traduction d’extraits de cette œuvre par les soins du site doctrine-malikite et avec leur aimable autorisation, suivie d’une courte biographie d’Ibn ‘Ashir.  

Dieu dit dans le Coran : « Dis : Lui Dieu, est un. Dieu, le Transcendant. Il n’engendre pas. Et Il n’est pas engendré. Nul ne Lui est égal. » Sourate Al-Ikhlâs. Le dogme (Al-‘aqîda) est la science qui s’intéresse à la foi (le credo). La religion musulmane a consacré une place importante au dogme pour guider l’homme à une croyance saine et correcte: reconnaissant l’Unicité de Dieu, Sa souveraineté absolue, Sa justice, Sa puissance, Sa volonté, Sa science illimitée et ancienne, Sa non ressemblance à Ses créatures, Son indépendance par rapport au temps et à l’espace et les attributs par lesquels il convient de Le qualifier… Cette science s’intéresse aussi à ce que le musulman doit croire à l’égard des saints prophètes, des anges, des livres révélés, de jour dernier, et du destin. Voici les vers d’Ibn ‘âshir à ce sujet.

Introduction d’Abdul Al-Wâhid Ibn ‘Âshir :

`Abdul Al-Wâhid Ibn `âshir dit : au nom du Dieu Unique qui est sur toute chose Puissant. Louanges à Allah, Celui qui nous a enseigné et par cette connaissance nous a rendu responsable. Qu’(Allah) bénisse et accorde la paix à Muhammad, sa famille, ses compagnons, et celui qui suis (la religion qui a été révélée à Muhammad). Puis, (je demande) le secours d’Allah, le Majestueux pour la composition de vers qui sont salutaires (même) pour l’illettré. Ceci concerne les principes de la croyance (la foi) selon (l’Imâm) Al-Ash‘arî, la jurisprudence selon (l’Imâm) Mâlik, et la Voie spirituelle (Tarîqa) de Junayd, le cheminant.

Le Livre de la Mère des Articles de Foi et ce qu’elle Contient comme Principes :

Les attributs suivants sont nécessaires (il est obligatoire d’y croire) pour Allah : l’Etance1, le fait d’« être » sans début, de même que la Permanence dans l’Etance, l’Indépendance absolue et qui englobe tout. Etre Différent de Sa création sans similitude, l’Unité dans Son Entité, Ses attributs, et Ses actions. La Puissance, la Volonté, la Connaissance, la Vie, l’Ouïe, la Parole, et la Vue. Ce sont les (attributs d’Allah) nécessaires. Les opposés de ces attributs sont impossibles (pour Allah) : la Non-étance, avoir un commencement – ceux-ci sont seulement pour des choses créées. De même se fondre dans la non-étance et être dans le besoin (d’une chose) sont également comptés, qu’Il ait un semblable, la négation de Son Unité. L’incapacité (à effectuer des actions contingentes), être forcé (à agir), l’ignorance, la mort, la surdité, le mutisme, la cécité et le silence. Il est possible (pour Allah) et dans Son droit d’accomplir des actions contingentes – toutes – et aussi les laisser (ineffectuées) dans la non-étance. Son étance a une preuve concluante : Le besoin de tout ce qui est créé d’un Créateur. Si l’univers avait commencé par lui-même, la similitude et la prépondérance se réuniraient (en même temps). Si le fait d’Être sans début n’était pas Son attribut nécessaire, (le fait d’) avoir un commencement obligerait à une boucle infinie ou à une régression. S’Il pouvait passer par la non-étance, Son attribut d’être sans début serait nié.  S’Il était semblable à la création, le fait qu’Il ait commencement aurait certainement été vraie. Si l’indépendance n’était pas Son attribut nécessaire, il serait dans le besoin (d’un Formateur Lui-même). S’Il n’avait pas été Un, Il n’aurait aucune capacité (à effectuer des actions, car s’Il avait un concurrent ou un adversaire ou un associé : ceci mettra l’équilibre voire l’existence de l’univers en péril). S’Il n’était pas vivant, voulant, sachant, et puissant, vous ne verriez pas un monde (empli de création merveilleuse). L’Ouïe, la Vue, et la Parole sont déduites par transmission (dans les sources premières) et conviennent également à Sa Perfection. Si une chose contingente possible était impossible ou nécessaire, elle obligerait à un changement des réalités (du monde physique).

Concernant les messagers et les prophètes :

Les prophètes et les Messagers sont tous des créatures de Dieu dans la servitude, mais ils sont Infaillibles de par la nature de leur mission. Les saints (walis, amis de Dieu, élus) qui sont les héritiers spirituels des prophètes ne sont pas infaillibles mais ils sont sous la protection divine (mahfûzûn)2. Les attributs suivants sont nécessaires pour les nobles messagers 3 : l’exactitude, la fidélité dans l’obéissance, et la transmission du message en toute vérité. Les attributs suivants sont impossibles (pour les messagers) : le mensonge, la malhonnêteté, agir dans la désobéissance, et la non transmission. Alors comprend donc ô (toi) l’intelligent (et l’intelligence est également compté par beaucoup en tant qu’attribut nécessaire des messagers). Il est possible et dans leur droit d’être décrit par tout attribut (humain normal) qui ne diminue pas (leur capacité de transmetteurs), comme la maladie (ils ne peuvent pas par contre être atteints de lèpre ou être aveugle par exemple car cela ne conviendrait pas à la nature de leurs missions).  S’ils n’étaient pas véridiques, il serait nécessaire que Allah ait menti en attestant d’eux – Puisque leurs miracles sont comme Sa parole, qui est vraie : « Cet esclave (à Moi) a dit la vérité dans tout ce qu’il rapporte. » Si la transmission était niée ou qu’ils trahissaient la confiance (en désobéissant), cela impliquerait que l’acte interdit soit transformé en acte d’obéissance (et puisque nous sommes invités à les imiter, tous les actes seront alors arbitraires, et ce sera l’anarchie !). Le fait qu’il soit permis qu’il leur arrive des afflictions humaines (et les maladies) (dans ce bas monde) est l’argument contre ceux (qui nient la nature humaine des prophètes). Et que ces états normaux leur arrivent réellement (est la preuve qu’ils sont possibles pour eux) et la sagesse derrière ceci est de consoler les messagers (par le fait de leur montrer leur rang élevé dans la vie future) (et par là, d’informer les autres de la valeur basse de ce monde par rapport à l’au-delà). Et la déclaration : Il n’y a aucun dieu à part Allah (et) Muhammad est l’Envoyé de Dieu 4. Cette parole englobe l’essence de la foi et c’est son signe. Et cette déclaration (lâ-ilâha-illa-Allah) est la meilleure de tous les types de dhikr (invocation de Dieu) prononcés. Ainsi, faites-en votre occupation durant toute votre vie et vous serez victorieux (dans les deux mondes).

Ibn ‘Ashir

Biographie

Abû Mâlik ‘Abdul Al-wâhid Ibn Ahmad Ibn ‘Ali Ibn ‘âshir Al-ansârî (d’origine médinoise puis andalouse), naquit en 990 de l’hégire (1582), il vécut à Fès et mourut en 1040 de l’hégire (1631). Ibn ‘Ashur était juriste, savant et l’une des figures importantes du malikisme. Il accumula des connaissances en science du Coran, en grammaire, en interprétation du Coran, en logique, en mathématique, en Usûl (fondements de la religion) et en plusieurs autres disciplines. Parmi ses ouvrages : « le matn : Al-murshid al-mu‘în ‘alâ ad-darûrî min ‘ulûmi ed-dîn » : qui eut un succès important au Maghreb où il fut appris et récité dans les assemblées et dans les mosquées, « Tanbîh Al-khillâni fî ‘Ilmi rasmi Al-Qur-ân », « ’Ilmu Ar-rub‘i al-majîdi », « shifâu al-qalbi al-jarîhi fî sharhi burdati al-madîhi » et d’autres. Le matn comprend l’essentiel de la doctrine malikite présentée sous forme de poèmes. Ce recueil de poèmes précis et simple est récité dans les assemblées dans certains pays musulmans de doctrine malikite. Le matn d’Ibn âshir fut commenté et expliqué par son élève Muhammad Ibn Ahmad Mayyâra et par d’autres.

Notes

[1] Nous employons le néologisme d’étance (le fait d’être) au lieu d’existence car ce dernier terme n’est pas approprié dans la mesure où il signifie « sortir du néant ou avoir une cause », ce qui est incompatible avec l’éternité de l’Etre divin. Le terme d’essence étant lié à celui d’existence et ayant des connotations particulièrement (idéalisme), la notion d’étance nous semble la plus correcte.

[2] Le Prophète Muhammad paix et salut sur lui dit dans un Hadîth Sahîh : « Les prophètes n’ont pas laissé d’héritage matériel mais ils ont légué la science ; celui qui prend cette science prend une part sublime (de l’héritage) ». Abû Hurayra disait : « J’ai pris du Prophète (paix et salut sur lui) deux récipients (wi’ayni), l’un je l’ai diffusé parmi vous (il s’agit de la tradition orale et comportementale du Prophète: l’exotérisme), le deuxième si je le divulgue, vous me couperez la gorge ».

[3] Le prophète Muhammad (paix et salut sur lui) a dit : « Les prophètes sont tous des frères et leur religion est une » : le croyant croit en tous les prophètes et messagers. Pour Jésus (paix et salut sur lui) la révélation coranique a consacré une place d’honneur pour lui et sa mère la vierge Marie (voir Sourate Maryam (Marie)) : Jésus (paix et salut sur lui) est un homme (une créature de Dieu) : il est le Verbe de Dieu et il a été créé de l’Esprit de Dieu : d’une mère sans père comme Adam a été créé sans père ni mère : de l’esprit de Dieu aussi (et d’argile). Pour les musulmans, Dieu a remplacé Jésus au moment où ses ennemis voulaient le crucifier et l’a élevé chez Lui. Il retournera à la fin des temps sur terre pour tuer le faux Messie et faire régner la paix et la justice : (voir le chapitre : le faux Messie dans Sahîh Al-Bukhârî). Dieu dit dans le Coran : « Etant donné leur négation et les énormes mensonges effrontés qu’ils dirent à propos de Marie. Parce qu’ils ont dit : « Nous avons tué le Messie Jésus fils de Marie, le Messager de Dieu », Ils ne l’ont ni tué, ni crucifié mais ils furent abusés par quelque ressemblance. Ceux qui ont été en désaccord à son sujet doutèrent certainement de sa vraie identité car ils n’avaient de lui aucune connaissance sûre si ce n’est une simple conjecture et ils ne l’ont pas tué pleinement convaincus de son identité. Dieu l’a plutôt élevé à Lui et Dieu est constamment puissant et sage » Coran : Sourate 4, versets : 156,157 et 158. Dieu dit aussi à propos de Jésus (paix et salut sur lui) : « Le messie Jésus fils de Marie n’est que le Messager de Dieu, Son verbe qu’Il a jeté à Marie et un esprit venant de Lui. Croyez donc à Dieu et à Ses messagers et ne dites point « trois ». Cessez ! C’est préférable pour vous. Allah n’est qu’un Dieu unique. Loin de Sa gloire et sa pureté qu’Il ait un enfant. » Coran Sourate 4, verset 171.

[4] A propos de sidna Muhammad : le croyant doit aussi croire à son intercession en faveur de sa communauté: « Shafâ‘atun » signe de la grandeur du dernier Messager Muhammad (paix et salut sur lui) et de son rang élevé auprès d’Allah. Le prophète dit : « Chaque prophète avait un vœu exaucé qu’il a consommé de son vivant, et j’ai épargné mon vœu pour intercéder en faveur de ma communauté au jour du jugement … ». Quand il se prosternait il priait : « Ma communauté, ma communauté : o le Pardonneur ». Dieu dit dans le Coran : « Peut être ton Seigneur te ressuscitera-t-il dans une station glorieuse » Sourate 17, verset 79. Sheykh Abû ‘Ali al-Ghassânî al-Juyyanî nous a rapporté, dans ce qu’il a écrit de sa propre main, d’après une chaîne de transmetteurs qui remonte jusqu’à Adam Ibn ‘Ali sa parole : J’ai entendu Ibn ‘Umar dire ceci : Au jour de la Résurrection, les gens se rassembleront puis chaque nation suivra son prophète. Ils diront : Ô un tel ! Intercède en notre faveur ! Ô un tel ! Intercède en notre faveur ! Jusqu’à ce que l’intercession soit dévolue au Prophète (paix et salut sur lui). C’est là le Jour où son Seigneur le ressuscitera dans une station glorieuse ». Rapporté entre autre par l’Imam Ahmad dans son Musnad (2/441,528) et Al-Bukhârî (4/163). Après que notre père Adam fit l’erreur en mangeant de l’arbre, il demanda le pardon à Dieu en l’implorant par la grâce et par le grand degré de Muhammad. Dieu exalté soit –t-Il lui dit (alors qu’Il sait parfaitement ce qu’il en est) : « Comment connaît tu sa valeur », Adam paix et salut sur lui répond : « Le jour où Tu m’as créé et que Tu as soufflé de Ton Esprit en moi, j’ai aperçu sur le Trône écrit : « Il n’y a de divinité si ce n’est Allah et Muhammad est Son Messager », j’ai compris que le nom qui suivait Ton Nom ne pouvait être que le nom de ta plus chère créature ». Dieu lui dit alors : « Si ce n’était lui je ne t’aurais pas créé… » Et il fut pardonné. : Rapporté par Al-Hâkim dans le « Mustadrak » (2/615) et Ibn ‘Asâkir : (2/147).

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