Alors que le sujet de l’Islam ne semble pas disparaître des débats politiques, le choix de l’exil s’est de plus en plus imposé pour plusieurs musulmans de France. Une tendance à la hausse lié à l’explosion de l’islamophobie. Le zoom de Marie Jarosz.
Après les élections présidentielles d’avril 2022, beaucoup de musulmans s’interrogent sur leur avenir en France. Pour cause, l’immigration et la laïcité font partie des sujets majeurs des campagnes électorales.
« Il est arabe et porte une barbe »
Ce phénomène n’est pas nouveau. En effet, les expatriés français musulmans sont nombreux et n’ont pas attendu les élections pour ressentir un malaise dans leur quotidien en France. Toutefois, ces dernières années ont été marquantes pour certains musulmans de France et les ont convaincus de tout quitter pour s’installer à l’étranger.
Le média Middleeasteye a recueilli plusieurs témoignages dont celui de Bilal, 27 ans, d’origine algérienne et musulman, et sa femme Rahma, musulmane et d’origine tunisienne. Deux ans après s’être installés en Turquie, Bilal s’exprime sur les raisons de leur départ. Né en France, y ayant grandi et fait ses études, il affirme pourtant qu’il ne se sentait pas chez lui. Il évoque également sa situation professionnelle en France. La fois par exemple où son employeur lui a expliqué que son embauche avait « fait débat au sein des équipes » car « il est Arabe et porte une barbe » .
L’islamophobie en France
La progression de l’islamophobie en France explique également le départ de certains Français de confession musulmane. Le fondateur du site Al-Kanz, Fateh Kimouche, tente de mettre des mots sur ce malaise. « C’est un exode silencieux. Ces gens disent tous la même chose : la France, je l’aime mais je la quitte. Leur première motivation, c’est fuir le climat d’islamophobie. C’est anxiogène de vivre dans ce contexte », affirme-t-il au média Middleeasteye.
Une hausse de 32% des actes antimusulmans a été enregistrée depuis un an. En 2021, le ministère de l’Intérieur a déclaré avoir enregistré 171 actes antimusulmans. Michel Pham, créateur de Muslim Expat, site d’entraide pour les musulmans francophones expatriés, affirme que les visites sur son site sont en constante augmentation avec « environ 7000 visites par mois ».
Les sujets les plus abordés étant les conditions de vie dans certains pays comme : le Royaume Uni, le Canada, la Turquie ou les Emirats arabes unis. Michel Pham explique que la recherche concerne des « structures pour accueillir les familles » avec notamment des parcs pour les enfants.
La question du voile
Le port du voile en France reste une problématique importante et sans cesse d’actualité dans la vie politique. Ces quelques années ont été éprouvantes pour les femmes musulmanes voilées. Entre le sujet du burkini, l’impossibilité de participer à des compétitions sportives et les campagnes électorales parlant d’une possibilité d’interdire le voile dans l’espace public, il n’y a eu aucun répit.
Le voile est également un frein à l’emploi en France. Beaucoup de femmes voilées ne trouvent pas de travail. Que ce soit dans la fonction publique où l’interdiction du port de signes religieux est de mise ou bien dans la sphère privée qui se réserve le droit d’inscrire l’interdiction du port du foulard islamique dans leur règlement intérieur, les conditions ne leurs sont pas favorables .
« Quand j’étais en France, j’ai postulé pour travailler dans un hôpital public. La première question que l’on m’a posée lors de l’entretien d’embauche, c’était “ est-ce que vous allez enlever votre voile ?” », se confie Diaba, une infirmière de 39 ans, à MEE.
Rahma, la femme de Bilal, exprime son inquiétude pour sa fille : « Si un jour elle décide de porter le voile, je ne veux pas qu’elle subisse les regards réprobateurs. Les gens ne s’en rendent pas compte, mais c’est véritablement une humiliation de devoir, par exemple, enlever son voile pour entrer au collège ou au lycée. Si elle doit le retirer, je veux que ça soit toujours son choix ! »
Mehdi, installé à Londres depuis onze ans, explique à son tour avoir « compris que les signes religieux n’étaient pas synonymes de crispations. Dans la rue, j’ai croisé des femmes voilées qui étaient policières ».
Beaucoup évoquent le malheur pour la France de perdre des talents . « Nous assistons à un véritable gâchis. C’est triste… C’est même d’une tristesse folle », confie Fateh Kimouche.
Marie Jarosz