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Liban : « Chaque jour la dissonance se fait plus forte ! »

Dans sa dernière chronique publiée sur Mizane.info, Amal Nour témoigne dans un texte coup de poing de l’insupportabilité créée chaque jour par Israël en Palestine, au Liban, au Moyen-Orient. Jusqu’à quand le crime et l’intolérable dureront-ils ?

Cela fait bientôt un an que chaque jour apporte de nouvelles horreurs. Un an, ou bien plus. Sans que l’on ne commence à déceler une issue, ou une prise de conscience qui serait absolue et irréversible. Je dis absolue car il y a eu, parmi les peuples, un certain éveil. Le niveau d’horreur atteint par « Israël » a tout de même lézardé le piédestal sur lequel il se tient. Il est possible, tout de même, de dire la catastrophe et d’en accuser « Israël ». 

Mais bien souvent encore, les critiques se cristallisent autour de la personne de Benyamin Netanyahou et de ses sbires et s’y arrêtent, plutôt que de poursuivre encore jusqu’aux racines du projet de domination coloniale « israélienne » en lui-même. Plutôt que de reconnaître que les forces de résistance qui se sont opposées, historiquement, à cette domination, se sont précisément formées en digne réaction à cela. Que ceux qu' »Israël » nomme terroristes sont les seuls qui ont osé ne pas céder à leur terreur au nom d’une pseudo « stabilité régionale ». 

Comment parler de stabilité quand la balance penche toujours du même côté ? Que l’argent, américain notamment, et pas plus tard que la semaine passée, abonde toujours dans les mêmes caisses? 

Au cours de la dernière année, les double discours m’ont semblé de moins en moins tenables. L’absurde, dans le sens le plus tragique du terme, devient intenable. Et je me demande quel droit j’ai d’employer ce mot, « intenable », alors que je peux entendre encore le son d’un avion sans trembler. Alors que je peux sortir, faire des courses, préparer un repas, aller travailler, rendre visite à ma famille, recevoir mes amis. Alors que je peux faire tout cela en actualisant le fil d’informations sur mon téléphone, et voir en même temps les bombes pleuvoir, les martyrs s’additionner, les blessés s’accumuler. 

Victime des bombardements israéliens au Liban.

Je ne comprends pas que les deux réalités puissent exister ensemble, au même moment. 

Je ne comprends pas que cette simultanéité glaçante soit possible. De plus en plus, alors que les frappes se rapprochent d’endroits qui me sont familiers, je ne comprends pas que tout cela puisse continuer. Que l’armée « israélienne » puisse tout détruire sur son passage dans l’impunité la plus totale. 

J’ai l’impression que l’on assiste au caprice terrible de l’enfant gâté du monde, qui essaie jouet après jouet sur son terrain de jeu favori, le Moyen-Orient. Qui axe sa propagande sur une chasse à l’homme où il « élimine », comme dans un jeu vidéo, comme sur une liste de tâches sur laquelle il raye, ligne après ligne, les grands noms de la résistance, en massacrant tout ce qui aurait le malheur de se trouver sur leur passage. Comme s’ils avaient besoin d’un prétexte.

Et ils ont atteint le plus grand nom. La plus grande figure. Celui qui leur a toujours tenu tête avec dignité. Celui qui était si dangereux pour leur pouvoir qu’il a mérité, tout homme qu’il était, 85 bombes d’une tonne chacune. Qu’il a mérité en Occident le nom de terroriste. N’est-ce pas le sort de toute vraie résistance ? 

Or les “Israéliens” auront beau faire, on ne tue ni un symbole, ni la vérité, et toute la technologie militaire du monde ne pourra rien y changer. Ils agitent leurs prises de guerre comme autant de trophées de chasse. Bien évidemment que la perte de ces personnalités touche la résistance, mais la résistance est plus que la somme de ses membres individuels, et a fortiori que la somme de ses commandants. Ils peuvent tuer les résistants, mais pas la résistance.

On ne tue pas un symbole. On tue une enveloppe corporelle, et il est bien possible que cela vienne même renforcer le symbole que cette enveloppe incarnait. Du point de vue de la résistance, par ailleurs, le martyre est la plus belle façon de quitter cette terre. Contrairement à l’armée israélienne peut-être, ils ne se pensent ni invincibles ni indispensables. Justement car ils puisent leur force dans l’humilité la plus totale qui consiste à se soumettre à une cause qui les dépasse et à ne jamais se penser plus fort que la mort – et au contraire, de la savoir constamment à leurs côtés, et être en paix avec le fait qu’elle puisse à tout moment les saisir.

Ceux que l’Occident qualifie de terroristes ne cherchent pas à provoquer la mort. Ils ne cherchent pas à dominer et imposer leurs lois par les armes, ils les brandissent pour se faire le rempart de la justice. Il s’agit de comprendre que, si leur cœur est mû par leur foi, il n’est pas nécessaire de la partager pour comprendre leur cause. Simplement car celle-ci est universelle : c’est la défense de la Justice. L’Histoire ne commence pas le 7 octobre 2023, répétons le. Un an, ou bien plus. Bien plus. 

Depuis cette date circule cependant à nouveau sur les réseaux, sur internet, une citation généralement attribuée à Golda Meir, quatrième Première Ministre d’”Israël”, et reprise par Benyamin Netanyahou dans un discours de 2006, selon The Times of Israel*. Quelle qu’en soit la véritable origine, elle circule aujourd’hui et véhicule une idée, a priori en défense d’”Israël”, qui est la suivante : “Si les Arabes déposaient les armes aujourd’hui, il n’y aurait plus de violence. Si Israël déposait les armes, il n’y aurait plus d’Israël”.

Mais que vient prouver cette citation ? Qu’”Israël” a constamment besoin de se “défendre” contre les Arabes? Ou plutôt qu’”Israël” est, depuis le début et par définition, une “nation” qui n’existe que par les armes? Que dire alors d’une telle “nation” ? Puisque ses défenseurs entonnent un refrain qui peut sans grande acrobatie se retourner contre lui-même? Combien de temps encore cette logique absurde sera-t-elle tenable?

Chaque jour qui passe semble creuser l’écart entre la réalité d’ici, en France, en Occident, et de là-bas, en Palestine, au Liban, en Syrie, au Yémen. Chaque jour la dissonance se fait plus forte. Une amie a utilisé ce mot – dissonance –  dans un aparté, et c’est bien cela. “Rupture de l’harmonie”, avec un silence étouffant d’un côté, et un hurlement de l’autre. Une dissonance qui commence à nous rendre fous. 

Je tente de combler le trou béant entre les deux réalités par la prière, par Celui qui fait le lien entre les deux et qui sait, mieux que quiconque, pourquoi elles coexistent. Par Lui, il existe un passage entre les deux, qui apaise la dissonance. Par la prière, et la parole. Il ne semble plus possible, plus moral, de ne pas parler de la réalité que l’on a longtemps tenue secrète, ou diluée, pour ne pas froisser nos interlocuteurs. Pour ne pas qu’on pense que nous sommes mal-intentionnés. Et j’ai encore du mal à sortir de cela. J’aimerais croire, aussi, que les images parlent d’elles-mêmes. Mais encore faut-il les voir. Et ici, nous pouvons bien évidemment passer une journée sans les voir. Nous pouvons passer une journée sans savoir, sans penser à ce qui vient tirer d’autres personnes de leur sommeil. Alors peut-être avons-nous aussi, en Occident, le devoir d’œuvrer vers un réveil qui soit, cette fois, absolu et irréversible.

Amel Nour

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