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L’inquisition laïque est en marche

La croisade du président Macron contre toute tenue affiliée de près ou de loin à l’islam marque une nouvelle étape dans l’inquisition laïque instaurée par le gouvernement français. Sans aucune réaction politique de l’opposition. Un billet d’humeur signé Fouad Bahri.

Après la religion laïque, nouveau culte d’Etat et son catéchisme républicain, voici l’inquisition laïque. En huit siècles, l’institution inquisitoriale est toujours au sommet de sa forme. Le bûcher publique a certes modernisé ses instruments rituels, devenus médiatiques, tout aussi brûlants mais non calcinant ce qui a l’insigne avantage de faire durer le supplice.

La chasse aux sorcières, pour sa part, n’a pas pris une ride.

Les moines de jadis flanqués d’une redingote austère et d’une barbe grisonnante ont fait place désormais à une cohorte de fonctionnaires en costumes cravates rasés au fil de la peau.

La cible n’est plus exactement la même. Les mécréants, infidèles, suppôts de Satan et apostats d’hier ont laissé la place aux séparatistes, islamistes, salafistes et à tous les renégats de la religion laïque républicaine d’aujourd’hui.

L’hydre de la vengeance républicaine

Deux ministères se partagent le gâteau de la répression : l’intérieur et l’éducation nationale. Avec à leurs têtes, deux ministres aux noms plus que symbolique. Gérald Moussa Darmanin et Pap Ndiaye.

Pour préserver la foi laïque de la République française, le président de la République au prénom tout aussi symbolique (Emmanuel signifie Dieu est avec nous) a donc déclenché une nouvelle croisade. Le chef des armées laïques, notons-le, a voulu sortir des sentiers battus ouverts par ses honorables prédécesseurs. Ce n’est plus seulement le voile, symbole éhontée d’une implacable religion monothéiste qui ne veut pas rendre les armes qui est visé mais tout l’attirail féminin.

La femme, cette tentatrice éternelle, matrone et louve nourricière d’une horde de jeunes loups affamés, est une cible de premier choix pour les nouveaux prêtres ordonnés de la religion laïque. La ‘abaya, robe ample et longue, tenue pudique arborée par les amazones du Prophète, n’est pas seulement une robe nous disent les docteurs en casuistique républicaine, c’est un drapeau, un emblème, une bannière effrayante arborant les couleurs de Dieu. Un affront.

Une guerre totale contre la religiosité

« La règle, c’est la loi de 2004 : pas de tenue de nature religieuse ostensible. Nous faisons confiance aux chefs d’établissements et aux cellules Valeurs de la République pour juger si la tenue a une valeur religieuse », a affirmé Pap Ndiaye, le ministre de l’Education nationale.

Mais comment diantre les évangélistes de la foi laïque parviendront-ils à sonder la religiosité des élèves ? Comment distinguer un bandana porté par conviction religieuse d’un bandana porté pour le fun ?  « Tout dépend de l’intention de celui ou celle qui la porte. Cela doit s’apprécier à l’échelle de l’établissement (…) Un bandana n’est pas un signe religieux en lui-même, mais il peut le devenir ».

Un signe religieux par destination, voilà la nouvelle trouvaille des adeptes de l’ordre du temple républicain. L’enjeu est redoutable et de sa réussite dépend l’avenir de la religion laïque. Il faut traquer les religiosités adventices et, avant toute chose, l’islam dont la visibilité est omniprésente. Les traquer jusque dans l’esprit des fidèles, puisqu’il ne saurait y avoir qu’une seule religion d’Etat et qu’une seule religion civile.

L’intégrisme laïque

Cette évolution a marqué le passage d’une laïcité juridique à un intégrisme (ou intégralisme) laïque. C’est ce qu’il faut comprendre dans ces lignes écrites dans La Croix par Valentine Zuber qui démontrent d’abord l’illégalité totale de toute prérogative de l’Etat à définir ce qui est religieux de ce qui ne l’est pas et rappellent ensuite que la neutralité religieuse afférente au régime de laïcité ne concerne pas les élèves. La loi du 15 mars 2004, en ce sens, a marqué une rupture avec la laïcité égalitaire.

« En vertu du principe de non-reconnaissance des cultes par l’État tel que statué dans l’article 2 de la loi de séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905, écrit-elle, il ne revient pas aux pouvoirs publics de se prononcer sur la qualification religieuse de tel ou tel signe ou vêtement arboré dans l’espace public. La liberté de se vêtir comme on le souhaite fait partie intégrante des libertés garanties par un État laïque. Celui-ci, à la fois neutre et impartial, est surtout légalement incompétent pour juger du bien-fondé des convictions et des pratiques de ses citoyens, dont la liberté d’expression doit être garantie, avec pour seule limite les éventuels troubles à l’ordre public.

Traditionnellement aussi, poursuit-elle, et c’est ce qui fait d’ailleurs la marque distinctive de la laïcité à la française, seuls l’État et les fonctionnaires qui le représentent étaient astreints à la neutralité vestimentaire et à la réserve laïque en matière religieuse dans l’exercice de leurs fonctions. Ce devoir de réserve ne s’est étendu que depuis la loi de 2004 à certains des usagers des services publics, dont les élèves de l’enseignement public. »

Du succès de cette croisade dépend l’épanouissement idéologique des maîtres du moment. La réussite de cet objectif justifie par conséquent toutes les mesures et dérives possibles. C’est en substance la ligne de conduite d’un personnel politique français obsédé par sa propre disparition, à l’image de tous les êtres stériles incapables d’engendrer la moindre postérité. Mais l’angoisse de disparaître nourrit souvent les forces les plus frénétiques, a fortiori lorsqu’on dispose de quelques leviers bureaucratique pour conjurer ses obsessions.

Excommunier les infidèles du sanctuaire laïque

Dans un télégramme aux préfets, Darmanin a demandé derechef aux préfets d’apporter « toute l’assistance nécessaire aux personnels de la communauté éducative qui feraient l’objet de menaces, voire d’agressions en lien avec l’application stricte du principe de laïcité ». « Les ‘abayas ou les qamis constituent bien des vêtements religieux par destination dès lors que la finalité qui s’attache à leur port ne fait aucun doute et qu’elle constitue une tentative de contournement » de la loi de 2004. « Les chefs d’établissement sont fondés à prendre des sanctions contre les élèves à l’origine de tels comportements et à leur interdire l’accès à leur établissement ».

C’est désormais officiel. Il faut refouler loin du sanctuaire laïque toute contrevenante à l’ordre agnostique de la République. Les libertés religieuses se sont éteintes. Dieu n’a plus droit de cité. Ainsi soit-il (amen).

Après la fermeture de plusieurs mosquées, la dissolution d’officines musulmanes actives et structurées, l’expulsion d’imams, il faudra ne pas faiblir et intensifier les efforts en expulsant des écoles les jeunes femmes à la piété débordante, pleine de cette jeune foi exaltée qu’aucun cadre mortifère ne saurait juguler. Et le faire tout en cultivant l’art de mentir, toujours. Les pieux mensonges sont exigeants. Ils requièrent rectitude de la résolution et habileté de l’exécution. Les politiques sont en ce sens des inquisiteurs-nés, les véritables héritiers des hiérarques et autres mystériarques.

Il faudra donc interdire la religion au nom des libertés religieuses, défendre la laïcité en la violant, détruire des droits fondamentaux tout en souhaitant de joyeuses célébrations religieuses aux bons musulmans républicains, et surtout combattre l’islam politique pour en bâtir un à notre service. L’actuelle réminiscence d’un vieil adage obscur qui chuchotait à l’oreille de ceux qui aiment les chuchotements : « Rien n’est vrai, tout est permis« .

Fouad Bahri

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